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MARIE, MÈRE DE DIEU

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femme, il confirme en réalité son assertion, plus juste encore qu’elle ne soupçonnait, car la béatitude que Jésus énonce a sa pleiaa réalisation en Marie. C’est ce qu’in(li(]uait déjà le Pscudo-Justin, auteur des Quæsliones et responsioiies ail oithodoxos, q. cxxxvi, P. G., VI, 1389. Loin de déprécier la dignité de sa mère, il en montre le vrai fondement, préféral)le en un sens même à la maternité divine, dans la foi qui mène au salut (I /o., v, 4. 5). Sous une forme actuelle et saisissante, il inculque la leçon du discours sur le pain de vie, qui est aussi la leçon de tout l’Evangile : c’est l’Esprit qui vivifie ; la chair, comme telle, ne sert de rien (/o., vi, 63). « Il ne veut pas s’étendre en public sur l’éloge de sa mère ; et il ne veut pas que ses auditeurs fassent, ce que cette femme entendait surtout faire, son éloge à lui. Sa pensée est toujours orientée au bien de ceux qui l’écoutant et au progrès de leurs âmes. » (db la Broisb, La Sainte Vierge, p. 161.)

Venons au Calvaire.

lonn, , XIX, aS-a^ :

Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie femme de Cléophas, et Marie Madeleind. Jésus, ayant vu sa mèro. et auprès d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Kemme, voici votre fils. » Puis il diL au disciple ; « Voici ta mère. » El à partir de cette heure, lo disciple la prit chez lui.

En dépit du mot « Femme », qui reparaît ici et peut sembler, au premier abord, trop peu filial, l’adieu suprême de Jésus à sa mère a donné relativement peu de prise à la critique. Inutile de rééditer les explications déjà données sur le même vocatif, à propos du miracle de Cana (loan., 11, l^), et dont la force s’aceroil ici par la grandeur tragique de la scène. Origkne a pourtant cru trouver quelque imperfection dans la mère de douleurs ; il estime que le glaive prédit par Siméon, en déchirant l’àræ de Marie, dut troubler ses pensées, au point de lui arracher quelque plainte importune. In Luc, Ilom. xvii, P. G., XIll, 1 845. D’autres ont cru que la foi de Mario en fut ébranlée. Voir ci-dessus, col. 144. Rien, dans l’Evangile, ne suggère ce scandale de la Vierge. Par contre, l’intention que révèle le double legs de Marie à Jean et de Jean à Marie, atteste toute la délicatesse du cœur de Jésus. S’il parle ici en Dieu, il ne laisse pas d’agir comme le fils le plus aimant envers la douloureuse mère.

C’est d’ailleurs le même Origknb qui, le premier entre les Pères, nous invite à voir dans le personnage de saint Jean au pied de la croix la figure du chrétien, et dans la maternité de Marie envers saint Jean la figure de sa maternité de grâce envers tous les chrétiens. Nous retrouverons plus loin ce texte, qu’on lit dans le commentaire In Inannem, 1. I, vi, P. G., XIV, 32 AB. Son écho ira toujours grandissant.

Dans un sujet où il serait facile d’être infini, bornons-nous à transcrire un pieux auteur, commentant cette scène et ces paroles (R. M. de la Broise, La Sainte Vierge, p. 183-185) :

« Elle se tenait, nouvelle Eve, près du nouvel

.dam. C’était l’antithèse et la réparation de la faute de l’Bden. La croix était l’arbre dévie, opposé à l’arbre de mort. Par sa suprême obéissance, Jésus effaçait la faute du père de l’humanité ; chef nouveau du genre humain, il s’unissait tous les régénérés, dont il faisait des enfants de Dieu. Et, près de lui, l’Eve nouvelle réparait par son union à la volonté divine la désobéissance de l’ancienne, et enfantait dans la douleur l’humanité rachetée… Plus la méditation chrétienne s’est exercée sur ces paroles, plus il lui a semblé et plus il lui semble qu’ellesrenferment autre chose qu’une recommandation de Marie aux

soins de l’apôtre Jean. La scène est trop grande et l’heure trop solennelle pour que ces mots n’aient pas une portée plus haute. Jésus considère près de lui la mère du genre humain et, à côté d’elle, le disciple vierge et aimant. De son apôtre de prédilection, le Sauveur fait le type de l’âme vivant de la grâce, régénérée par son sang, née de Dieu et de Marie, et promulgue, pour ainsi dire, cette maternité surnaturelle dont le mystère est en train de s’accomplir… Ces paroles s’appliquent donc à toutes les âmes, dans la mesure où elles participent ou peuvent jiarticiper à la Rédemption ; et Jésus, en prenant Jean pour exemple et pour tj’pe des rachetés, prétendait se faire entendre de chacun de nous et nous adresser à tous le même adieu consolateur. Mais Marie surtout l’entendit. .. »

Nous avons recueilli les textes évangéliques relatifs à Marie. Dans les autres écrits du N.T., il n’y a plus qu’à glaner.

Les Actes des.ipôlres nous montrent, après l’Ascension du Sauveur, Marie au milieu des onze, à Jérusalem, âme de la prière commune et déjà mère de l’Eglise :

Act., I, 14 :

Tous persévéraient unanimement dans la prière, avec les femmes, Marie mère de Jésus, et ses frères.

L’auteur des Actes ne craint pas de rapprocher ici Marie et les frères de Jésus, comme il les a rapprochés dans son évangile (Luc, viii, ly) ; ce rapprochement lui paraît inotfensif pour tous ceux i|u’a touchés la catéchèse chrétienne. Quant à la place faite à Marie nu milieu des onze, lors de l’événement solennel de la Pentecôte, elle symbolise éloquemment sa primauté de grâce et son influence maternelle, s’étendant à tous les fidèles à venir.

Saint Paul n’a qu’une seule allusion directe à Marie :

Gai, IV, ’i-5 :

Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sous la Loi, pour racheter ceux qui étaient sous la Loi, afin de nous procurer l’adoption des enfants.

La maternité de Marie ne saurait être allirmée en termes plus formels ; en disant que Jésus est né de la femme — yvjifiv.ov Ix yxjyvy.ii —, saint Paul entend que Jésus tient de Marie tout ce qu’un fils tient de sa mère. Il ne louche pas la question de la conception virginale ; mais ce serait singulièrement abuser des mots que de tirer (avec Tertullien, /) « carne Christi, xxih) du choix du mot /uvkizo’ç, muliere, la conclusion qu’en mettant au monde son Fils, Marie cessa d’être vierge. Rappelons que saint Matthieu donne par deux fois à Marie le nom deyujyj, dans le même contexte où il affirme sa maternité virginale. Matt., i, 20-34.

Cependant on a soutenu que la conception miraculeuse est en dehors de l’horizon de saint Paul, et pour établir cette proposition, l’on a fait appel à l’exégèse paulinienne de Ps. 11, 7, qui semble rattacher la filiation divine de Jésus à sarésurrection selon la chair, Act., xui, 33 (discours à la synagogue d’Antioche de Pisidie) : a Dieu accomplit la promesse faite à nos pères, en ressuscitant Jésus, selon qu’il est écrit au Psaume 11 : Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui. » liom., i, 3-4 : » Son Fils, issu de David selon la chair, constitué Fils de Dieu avec puissance, selon l’Esprit de sainteté, par la résurrection d’entre les morts. » Sur quoi l’on raisonne ainsi : Jésus devient Fils de Dieu en ressuscitant, il ne l’était donc pas en naissant ; il n’y a donc pas lieu de faire intervenir le miracle au sujet de sa naissance. — Mais on oublie, en raisonnant de la sorte.