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PAUL (SAINT) ET LE PAULINISME

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LÉONARD UsTERi (Entwickelung des paulin. Lehrbegriffes in seinem Verhaltnisse zur bibl. Dogmaiik des N. T. Zurich, 1824 ; 6* édit. en 1851) ; car les timides essais du protestant G. W. Meyer (Altona, 1801) et du catholique Gehhausbh (Landshut, 1816) ne méritent pas encore ce nora.UsTBRi divise sou travail en deux parties, correspondant aux deux périodes historiques dont l’avènement du Christ est le point de rencontre : temps d’ignorance et plénitude des temps. Cette division, suggérée par les huit premiers chapitres de l’Epilre aux Romains, se prête à des développements commodes ; mais elle a le grand défaut de reléguer à l’arrière-plan l’œuvre de la rédemption et la personne du Rédempteur et de mettre trop en relief l’état de l’humanité déchue, qui ne devrait être qu’une préface.

Pendant longtemps, les successeurs d’Usteri marchèrent dans la voie qu’il avait tracée. Ils prirent l’Epltre aux Romains pour base de leur exposition, comme si elle contenait la quintessence du paulinisme, et transformèrent la théologie de saint Paul en une sorte de philosophie de l’histoire. Du moins tàchèrent-ils de ramener à une idée fondamentale (GrM/idirfee) ce qu’ils appelaient le système doctrinal {Lehrhegriff) de l’Apôtre. Ce fut en général, à l’imitation de Neander, la justice de Dieu. Ainsi Dæhnb (Entivickhing des paulin. Lehrbegnffs, Halle, 1835), ScHMiD (Bibl. Théologie des N. T., Stuttgart, 1853) et Mbssxer (Die Lehre der Aposlel, Leipzig, 1856). — Van Oosterzbe (De Théologie des nieuen verbands, iSe’j, édit. allemande en 1869) copie purement et simplement la division d’Usteri. Reuss et Simar, surtout le dernier, s’en inspirent visiblement. Celuici voit l’idée fondamentale de la doctrine paulinienne dans Hom., i, 16, celui-là dans Hom., iii, 21-22 ; mais tandis que Reuss (Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique ^, Strasbourg, 1864, t. IL p. 1-262) semble perdre complètement de vue sa division et aligne ses chapitres sans aucune suite apparente, Simar (Die Théologie des heiligen Paulus’^, Fribourg-en-B., 1883, i" édit. en 1864) s’y attache fidèlement et développe les quatre points suivants : I. Le besoin de rédemption pour tous les hommes ; 2.1a rédemption universelle dans le Christ ; 3. la rédemption subjective qustiûcation) ; 4. la consommation des choses. — Simar a eu le très grand mérite de donner l’exemple et de montrer le chemin aux catholiques ; mais son œuvre est moins une théologie qu’un inventaire et qu’un recueil de textes. Les caractères des ouvrages indiqués plus haut peuvent se résumer ainsi : a) L’authenticité des Epîtres de saint Paul est admise, parfois avec quelques doutes pour les Pastorales. — b) L’Epltre aux Romains est mise à la base de l’exposé doctrinal. —

c) L’enseignement paulinien est considéré comme une thèse ou une série de thèses (Lehrbegriff). —

d) La personne et l’œuvre du Rédempteur ne viennent qu’en seconde ligne et en fonction de la déchéance originelle. — e) La morale est généralement laissée de côté.

2. Le paulinisme de l’école de Tubingue. — -Baor (1792-1860) allait changer tout cela. Nommé en 1826 professeur de théologie historique, à l’université de Tubingue, il occupa ce poste jusqu’à sa mort et réunit autour de sa chaire un grand nombre d’élèves, dont quelques-uns devinrent illustres. En 1835, il publia une attaque contre l’authenticité des Pastorales qui passa longtemps pour décisive dans l’école libérale. A cette époque, il s’était détaché de Schleiermacher, dont il avait été d’abord l’admirateur fervent, pour devenir le disciple enthousiaste de Hegel. Au fond, il ne fit jamais qu’appliquer aux études historiques les principes de l’évolu tion hégélienne. Aux yeux de Hegel, hommes et faits sont peu de chose, les idées seules importent. Or l’histoire des idées n’est qu’un perpétuel recommencement. Thèse, antithèse, synthèse : telles sont les trois phases successives qui rythment fatalement la loi du progrès. A l’origine du christianisme, la thèse était la doctrine de Jésus et des premiers apôtres ; l’antithèse fut l’enseignement de saint Paul ; la synthèse sera la fusion opérée dans le courant du second siècle, grâce à des concessions mutuelles qui donnent naissance au catholicisme, c’est-à-dire à la doctrine commune de la grande Eglise. Le professeur de Tubingue crut avoir découvert à Corinthe les deux partis qui déchirèrent l’Eglise naissante : les pétriniens, judaïsantsébionites qui constituaient le parti de Pierre ou du Christ, et les pauliniens ou hellénistes qui formaient le parti de Paul et d’Apollos. Il retrouvait, en face les uns des autres, les mêmes adversaires dans l’Epltre aux Galates et en suivait la trace, jusqu’à la fin du deuxième siècle, dans le curieux roman des Homélies et des Récognitions Clémentines, Ainsi l’histoire du christianisme primitif se résume en un conflit d’idées dont les deux grands apôtres Pierre et Paul sont les représentants.

Les dogmes caractéristiques de l’école de Tubingue sont les suivants : <i) Date tardive assignée à tous les écrits du Nouveau Testament ; saxif, d’une part, les quatre grandes Epitres de saint Paul, les seules authentiques et, d’autre part, l’Apocalypse et l’Epltre de Jacques. Tous les autres sont postérieurs aux écrivains dont ils portent le nom ; l’esprit de conciliation qu’on remarque dans quelques-uns prouve qu’ils ne sont pas antérieurs au milieu du second siècle et le paulinisme qu’on voit dans plusieurs n’est qu’un paulinisme atténué. — b) Violente opposition entre Paul et les Douze et par conséquent entre Paul et Jésus, dont les Douze continuaient l’enseignement. — e) Inspiration hellénique de la théologie paulinienne, se manifestant surtout par le spiritualisme des idées et l’universalité du salut.

L’école de Tubingue ne survécut pas à son fondateur. On peut même dire qu’elle était morte avant lui. Zeller, Scqweglbr, KoESTLiN, dégoûtés de la théo logie et de l’exégèse qui ne leur avaient causé que des déboires, se tournèrent vers la philosophie et l’antiquité classique. Volkmar versa dans le radicalisme le plus absolu. Ritschl se fraya des voies nouvelles, insoupçonnées du maître. Hilgenfeld, Holsten, HoLTZMANN et Weizsæcker furent plus fidèles à l’esprit de Baur ; mais ils firent subir au Bvstème des modifications importantes, équivalant parfois à une transformation. Les idées des deux derniers, passées dans les manuels et les livres de vulgarisation, continuent à exercer une influence considérable.

3. Le paulinisme de l’école radicale hollandaise. — Pour Baur et ses adeptes, le paulinisme tenait tout entier dans les quatre grandes Epitres ; l’école ultra-radicale supprima cette base, pourtant si étroite, en déclarant apocryphes toutes les lettres sans exception. Brcno Bauer, Pierson et Nabeb avaient ouvert la voie par des négations partielles, mais les vrais chefs de l’école radicale sont Loman et VoELTER d’Amsterdam et Van Manbn de Leyde. En Hollande, ils ont été suivis par Matthes, Van LoON, Mbyboom, Bruins et quelques autres et ils ont même réussi à conquérir le suffrage de deux étrangers : R. Steck de Berne, et ^V. B. Smith, de la Nouvelle-Orléans. Ces critiques font ouvertement profession de continuer l’œuvre de Tubingue ; ils espèrent a agrandir leur horizon en montant sur les épaules de Baur et de ses disciples ». Cf. l’article Paul par Van Manen, n »  » 33-5 1, dans VEncyclop.