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PATRIE

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sur les hommes qui entreraient dans son sein par la foi et le baptême, un magistère spirituel complet : dogmatique et moral, cultuel et disciplinaire. » Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre. Allez, enseignez toutesles nations, leur apprenante garder ce queje vous ai ordonné. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé. Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation du siècle. » (.1/a » //., XVIII, 18 ; XXVIII, 18-20, Marc, xvi, 16)

Elle tend donc par nature à l’uniQcation du genre humain : « Unumovile et unuspastorn ; mais comme le royaume qu’elle vise à étendre ainsi au monde entier

« n’est pas de ce inonde », son universalisme ne

s’cppose en rien au particularisme des Etats et des nations. Il n’est pas du même ordre et n’agitpasdans le même plan : il se meutdans l’ordre spirituel etsur le plan de la religion, tandis que nationalisme et patriotisme se meuvent dans l’ordre temporel et sur le plan de la politique. Aucune contradiction, aucun heurt n’est possible tant que l’Eglise, d’une part, les Etats ou les nations, de l’autre, respectent la distinction établie entre ces deux ordres et ces deux plans par N. S. Jésus-Christ lui-même à l’encontre des autres universalismes : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »

C’est là une des oppositions fondamentales qui existent entre le catholicisme et l’humanitarisme ; et la haine que l’humanitarisme et le despotisme, sous toutes leurs formes, ont vouée au catholicisme, a pour cause, dans une notable mesure, l’alfranchissement moral, l’indépendance spirituelle que procure au catholique, vis-à-vis des puissances qui sont de ce monde, sa libre soumission à des puissances qui n’en sont pas.

Nous nous bornerons à noter brièvement ici les maximes communément reçues dans l’Eglise en ce qui concerne l’internationalisme, le nationalisme et le patriotisme. Les unes font partie du dogme ; les autres sont admises par tous les théologiens ou par les plus autorisés d’entre eux. Pour plus de développements, on se reportera à l’article Paix et Guerre, ci-dessus (n" III, col. la^o et s.) et aux ouvrages cités soit à la bibliographie que nous donnons plus loin, soit à celle de l’art. Paix et Guerre.

i) Dieu est le souverain universel, parce que créateur, rédempteur et fin suprême de tous les hommes.

2) Tous les hommes sont frères en Adam et en Jésus-Christ.

3) Tous les hommes, créés pour le même salut, sont, par conséquent, appelés à être citoyens d’une même patrie, qui est le royaume, la cité de Dieu.

4) Cette communauté d’origine (Adam), de rédemption (Jésus-Christ) et de vocation (l’Eglise) crée entre tous les hommes des devoirs de justice et de charité fraternelle.

5) Ces devoirs imposent un amour et des services réciproques d’autant plus grands que cette communauté d’origine, de rédemption et de vocation est plus étroite ; donc, il y a un ordre dans la fraternité générale de tous les hommes. Il y a des hommes qui ne sont pour nous que des hommes, nous n’avons pas à les aimer et à les servir autant que s’ils étaient, en outre, pour nous, des compatriotes ou desparents (communauté d’origine, de vie et de services plus rapprochée), des coreligionnaires ou des memlires de la même société religieuse (communauté plus étroite dans la réalisation de la vocation), des iirctres ou des chefs ecclésiastiques (communauté plus étroite dans la rédemption).

6) « La constitution de l’Eglise est telle qu’elle embrasse dans son extension l’humanité tout

entière et n’est circonscrite par aucune limite de temps ni de lieu. » (Léon XIII, encycl. Immartale Dei)

7) En matière spirituelle ou mixte, les puissances temporelles sont subordonnées aux puissances spirituelles établies dans l’Eglise et ne peuvent légitimement s’opposer à leur action (St Thomas, de reg. princ. I, 14). Ainsi, a entre la loi canonique et la loi civile, considérées en elles-mêmes, il n’y a pas de subordination, car la loi canonique, quoique d’un ordre plus relevé, n'émane pas d’une juridiction dominante, la loi civile étant, elle aussi, souveraine dans sa sphère ; mais, en ce qui a trait au bien des âmes, la loi civile est subordonnée à la loi ecclésiastique ». (Suarrz, De Legibus, VI, a6)

8) Tous les Etats ayant pour (in la gloire de Dieu et le bien commun de leurs membres et pouvant y tendre par des moyens communs, il existe entre eux une société internationale naturelle, et ce fait engendre pour eux des devoirs analogues à ceux qui résultent, pour les individus les uns à l'égard des autres, de leur seule qualité d’hommes. Ainsi, un peuple doit éviter d’en corrompre un autre ou de porter atteinte à sa liberté ; mais il pourrait et devrait le contraindre à respecter un droit, à ne pas commettre le mal, à éviter un malheur. Dans ce cas, la contrainte n’est légitime que dans la mesure où elle est nécessaire ; mais elle l’est même si celui qui l’exerce n’a aucun intérêt propre à l’exercer. (Syllabiis de PibIX, prop. 6a, condamnant le principe » de non-intervention. )

9) Les nations et les Etats ont le droit de légitime défense, comme les individus ; mais comme les Etats sont souverains, ils ont, en outre, le droit de se faire justice à eux-mêmes, tandis que l’individu doit se borner à demander justice à son souverain. Us peuvent, d’ailleurs, renoncer à ce droit ; et cette renonciation leur crée des obligations qu’ils ne peuvent enfreindre (traités d’arbitrage, fédérations, sociétés de nations).

10) Les nations et les Etats sont tenus de se conformer aux règles du droit international coutumier appelé aussi droit des gens. « Le genre humain, quoique divisé en un grand nombre de peuples et de royaumes, conserve cependant une certaine unité, non seulement au point de vue de l’origine, mais aussi au point de vue de l’organisation et des lois. Ainsi le veut le précepte naturel de l’amour réciproque et de l’assistance, règle qui s'étend à tous, même aux étrangers, sans aucune distinction. Aussi, bien que chaque Etat, république ou royaume, soit lui-même une société parfaite et vive de sa vie propre, il est membre d’une union universelle qui a pour but le bien du genre humain. Jamais, en ell’et, les Etats ne se suffisent tellement à eux-mêmes qu’ils n’aient besoin de pratiquer l’assistance mutuelle, d'être associés et de faire des échanges. Parfois, il s’agira pour eux de se perfectionner ; parfois, il y aura même nécessité morale, comme les faits le prouvent. Les peuples ont, dès lors, besoin de règles pour ces échanges et pour leur société. La raison naturelle formule par elle-même une grande partie de ces règles, mais pas toutes cependant. Certaines ont donc pu s'établir par l’usage des nations. De même, en effet, que dans un Etat ou une province une coutume fait loi, de même dans le genre humain tout entier les coutumes des nations ont pu devenir des lois. >i (Suarez, De f.egihus, II, 199)

1 1) Encore qu’elle puisse être légitime, la guerre est un floau qu’il faut écarter, comme la peste et la famine, autant qu’on le peut par la prière et par l’action. La guerre ne peut, d’ailleurs, être légitime que dans les cas où un peuple peut user de con-