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PATRIE

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ilosophes en renom se sont parfois laissés aller prendre des formes variées d’Etat pour autant dées de patrie (v. g. Renan ; Qu’est-ce qu’une iion ?)

Patrie, Etat, il faut vraiment réfléchir bien peu ur ne pas les distinguer dans sa pensée et dans tendresse. Demandez aux Irlandais, aux Polonais, t Alsaciens si, quand ils parlaient de leur patrie n’y a pas encore très longtemps, ils entendaient rler de l’Etat, — Autriche, Russie, Prusse, empire emand ou britannique, — auquel ils étaient incorrés, dans les armées duquel ils servaient ? De

; me, comme le dit fort bien Taparelli, u ni les

ctriens ou les Isauriens sous Xerxès, ni les Breis ou les Numides sous Trajan ne pensaient se Itre pour la Patrie lorsque, sur l’ordre de leurs uvernants, ils marchaient contre des hordes conérantes et cherchaient à les anéantir » (Examen tique des gout’ernements représentatifs, Irad. hot, tome III, p. aSo). La patrie est une chose ; tat, une autre. Que l’Etat ait subi au cours des clés des transformations sans nombre, toute l’hisre l’adîrme ; mais elle affirme d’une façon non ins éclatante que la patrie, malgré cette perpélle évolution de l’Etat, est toujours demeurée la inie.

Aussi bien avons-nous déjà constaté plus d’une s, dans cet article, la nécessité de cette disiction et le tort que l’on a de confondre plus ou )ins, à l’ordinaire, l’idée de patrie avec celles de

; iété, d’Etat ou de nation. Un groupe d’hommes

is dans une action commune en vue d’une même

: telle est la définition de la société. On appelle

tion toute société qui réunit des individus et des lectivités, en vue de leur bien commun naturel, ns une vie commune et prolongée de génération génération pendant une longue suite de temps. pairie est la terre, avec ou sans bornes précises, e la nation a pour domaine héréditaire et que ses mbres regardent, en conséquence, comme le foyer leurs ancêtres et l’héritage de leurs descendants, donne le nom d’Etat, enfin, à toute société indéadante et qui réunit, sous une autorité souveraine, ns une vie commune, ancienne ou récente, peu porte, des individus et des collectivités en vue de ir bien commun naturel. Ce nom d’Etat est souat appliqué à l’autorité souveraine seulement ; et n’est pas sans raison. Cette autorité souveraine , en effet, l’élément essentiel par lequel l’Etat se tingue des autres sociétés. Quand l’Etat a un teroire, comme il arrive presque toujours, ce terrire a nécessairement des bornes précises, des fronres ; et l’on se sert également, pour le désigner, du m d’Etat.

Dé ces définitions et des distinctions qu’elles imquenl, il résulte tout d’abord qu’un Etat peut glober plusieurs nations, tel l’empire romain jadis , de nos jours, l’empire britannique. Une nation,

: iproquement, peut former plusieurs Etats, telle la

èce antique ; ou bien être partagée, comme naguère Pologne, entre plusieurs Etals qui lui demeurent angers. Héritage de la nation, la patrie suit éviniment son sort : elle est englobée ou partagée en’me temps ; ou bien elle englobe plusieurs Etats léi)endants et qui peuvent former en elle, patrie mmune, autant de petites patries, souvent rivales, ifois ennemies. Mais, tandis que, pour faire ou faire une nation, — et donc une patrie, — plusieurs nérations, ordinairement même plusieurs siècles, nt nécessaires, un acte de volonté, un traité, une nexion, peuvent, du jour au lendemain, créer un at ou l’anéantir : ainsi, par exemple, la Belgique pris naissance, et, plus récemment, la Tchéco Tome III.

Slovaquie ou la Jougo-Slavie ; ainsi disparurent, au contraire, la Confédération du Rhin ou le royaume de Naples ou l’empire d’Autriche-Hongrie.

L’Etat, au surplus, peut subir toutes sortes de changement et même disparaître sans que la nation et la patrie disparaissent ou changent. Avec ou sans leur indépendance, la Pologne, l’Irlande restent des patries, les Irlandais et les Polonais des nations. La nation, à son tour, peut se modifier, recevoir, par exemple, des éléments nojiveaux à la suite d’une invasion ou laisser des traditions nouvelles se substituer peu à peu dans son sein à ses traditions anciennes, sans que la patrie soit changée, si c’est toujours le même pays regarde par la même nation comme l’héritage de ses ancêtres. Quand la nation se fondrait avec d’autres pour former une nouvelle nation, la patrie ne disparaîtrait pas encore. C’est assez, pour qu’elle subsiste, de la distinction qui subsisterait longtemps, sinon toujours, dans la nation ainsi formée, entre celles qui seraient entrées dans sa composition. Jusqu’aux jours de Romulus Augustule, les Gaulois fidèles à lenipire de Rome ont eu la Gaule pour patrie, comme ceux qui l’avaient défendue contre César aux jours de Vercingétorix ; et les Lorrains ou les Bretons, depuis qu’ils sont devenus Français, n’ont pas cessé de tenir la Bretagne ou la Lorraine, avec la France, pour leurs patries.

Il se peut que cette fusion de plusieurs nations en une seule tire son origine de leur groupement en un seul Etat : cela s’est produit, par exemple, pour les peuples réunis sous le sceptre de Clovis. La patrie coïncide alors avec le territoire de l’Etat. Il en est de même dans le cas, plus rare, où une nation homogène se forme en Etat, comme le peuple d’Israël en Palestine ; et dans le cas, fréquent de nos jours, où des individus de nationalités diverses, mais citoyens d’un même Etat, comme dans les républiques américaines, au Canada, en Australie, unissent par former ensemble une nation. Cette coïncidence favorise, à coup sur, la confusion entre l’Etat et la patrie ; elle ne l’autorise pas. Même terre, mêmes hommes, mêmes commencements, même vie ; mais les denx choses restent différentes : chacune d’elles garde ses caractères distinctifs et jamais l’une ne répond à la définition de l’autre.

Une nation, enfin, peut bien n’avoir pas de patrie. Les Juifs, en Egypte, n’en avaient pas ; dispersés, ils n’en ont plus depuis dix-huit siècles : ils appartiennent, sans perdre leur nationalité propre, à cent Etats divers. Les nations barbares aussi, qui formaient des Etats distincts, furent sans patrie pour la plupart tant que dura la période des grandes invasions. Mais il n’en reste pas moins que, parmi tous les changements dont je viens de parler et qui peuvent affecter de mille manières des sociétés, des nations, des Etats et des patries, l’idée de pairie demeure immuable. Partout, toujours, la patrie est l’héritage de la nation. Dès qu’une terre répond à cette définition, elle devient une patrie. Quelques transformations qu’elle subisse, quelques vicissitudes que la nation traverse, elle reste la patrie de cette nation tant que la même définition lui reste applicable ; et si plusieurs terres y répondent en même temps, et pour les mêmes hommes, elles sont à la fois les patries de ces hommes-là.

B) On peut définir le nationalisme comme étant l’ensemble des sentiments, des idées et des actes qui tendent à conserver la nation, à la développer et à obtenir, des individus et des collectivités qui entrent en rapport avec elle, leur respect pour ses droits et leur aide pour ses intérêts. Dans le cas où il s’agit des rapports de la nation avec l’Etat dont elle f ; iit partie, seule ou avec d’autres, — et c’est le cas le plus

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