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PATRIE

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.( Une nation, dit Jkllinek, c’est un nombreux ensemble d’hommes que les traits nombreux et particuliers de leur civilisation commune et la communauté de leur histoire unit entre eux et dislingue des autres. » — " Dès que la nation se sent une, ajoute-t-il, elle veut fortilier et entretenir cette unité… Un peuple peut être plus ou moins nation… Plus haut s’élève sa civilisation propre, plus riches sont, entre ses membres, les liens de l’histoire, plus aussi la nation qu’il forme est parfaite. » (Das Repht des moJernen Staales, tome 1, p. ni, 1 15)

C’était aussi la pensée de IjRUNiiTiÈHB : n Une patrie, disail-il, c’est une histoire… Avec notre lilléralure, c’est notre histoire qui nous a faits ce que nous sommes. .. » ; et, montrant aussitôt que notre littérature n’est pas seulement une collection de livres ni notre histoire un simple enchaineinent de faits, il les plaçait toutes les deux à la base de l’idée de patrie comme exprimant dans leur ensemble, en dé|iit de la variilé ou de la contrariété même de leur détail, la tradition toujours une (Discunrs de coinOat. L’idée de patrie).

Ai-je besoin, après cela, de montrer comment, aux. pensées communes, de communes volontés s’ajoutent pour fondre en une toutes nos âmes ? On vient de nous le dire : la nation, dès iiu’elle se seul une, veut rester une et le devenir encore plus, t^u’est-ce que l’hérédité nous transmet ainsi, que trouvons-nous dans nos corps et dans nos àiues et jusque dans le sol national en allant y chercher la vie, si ce n’est, avec la poussière et le labeur et les idées de nos ancêtres, leur vouloir qui s’impose à nous ? Us ont voulu notre naissance et que nous recueillions leur héritage et que nous poursuivions leur œuvre. Ce vouloir nous péuèlre.ilnous subjugue, il nous oblige ; et, ne pouvant refuser le nôtre sans crime à ceux dont nous avons tout reçu, nous laissons aller cette autre partie de notre âme à l’àiue de notre patrie.

Ce que le devoir nous ordonne ainsi, l’amour suffit le plus souvent à nous le faire faire. L’idée de pairie a dans nos cœurs ce que Brunetière appelle « un fondement mystique » : ils ont, pour se donner 3 elle, de ces raisons, comme dit Pascal, que la raison ne connaît pas et qui nous enlraineni parfois à cet excès de folie — ou de sagesse — que nous appelons l’h-^roïsme. Le patriotisme, certes, a des bases logiques, des fondements rationnels : nous venons de les étudier ; mais quand il ne les aurait pas, il n’en serait, sachons-le bien, ni moins sacre, ni moins excellent, ni moins défendable. C’est assez qu’il soit un fait, un fait universel et constant parmi les hommes : il se révèle par là comme un de ces instincts vitaux qui peuvent sommeiller parfois au fond de notre iatnie, mais qui se réveillent au premier choc de la menace ou de la douleur avec une impétuosité dont nous sommes les premiers surpris.

a La société humaine, dit Bossuet, demande qu’on aime la terre où l’on habite ensemlile ; on la regarde comme une mère et une nourrice comuiune ; on s’y attache et cela unit… Les hommes, en effet, se sentent liés par quelque chose de fort lorsciu’ils songent (lue la même terre qui les a portés et nourris vivants les recevra dans son sein quand ils seront morts : c’est un sentiment naturel à tons les peuples. « Oui, il est naturel d’aimer sa patrie, comme il est nnlurel d’aimer son enfant ou sa mère. Malheur à celui qui ne le sent pasl Qu’il me prouve, s’il peut, qu’il est plus rationnel de ne rien aimer : je me rt-fuse à ses sophismes et je le regarde comme un être incomplet, dépourvu, comme l’idiot ou l’athée, d’une des choses qui constituent l’homme normal.

4 » Conséquences de la théorie scientifique du patriotisme. — De la théorie que nous venons

d’établir, résultent des conséquences nombreusese importantes.

La première, c’est que les devoirs envers la patrii s imposent à nous indépendamment de toute lo positive. Us découlent de l’existence même de l ; pairie, de notre incor[)oration en elle bien avant qui nous puissions y consentir et des exigences de notre nature ([ui rendentnécessaires à lafois cette existenci et cette incorporation. L’histoire, la psychologie, 1 ; physiologie même, nous venons de le voir, attestent d’accord avec notre conscience, — quand nous laissons son témoignage se produire tel que, spontané ment, elle ncjus le donne, — que le ileveloppcræn de la famille en nation nous est aussi indis)>ensal>l’et dérive autant des exigences de notre nature qu. l’existence de la famille elle même ; et l’histoire, tou autant que la raison, atteste aussi que l’attacliemen (le la nation à un territoire n’est ni moins naturel n moins nécessaire au développement normal de l’hu manité que l’existence même de la nation ou de 1 famille.

Or, des nécessités, des exigences de cette sorte n sont, à leur tour, que le témoignage que la natur rend devant nous des volontés de son.Vuteur. C sont ces volontés souveraines qui nous obligent C’est par elles que nos devoirs envers la patrie nou sont imposes. Avant d’être écrits dans aucune k émanée du législateur humain, ils sont édictés t promulgués par le Législateur divin, pour toute 1 terre et tous les siècles, dans la nature même d l’homme. Us sont de droit divin naturel..A.ncun loi positive ne peut nous en atfranehir et la patrii la nation, ont, par conféquent, vis-à-vis des indiviilii et des Etats, des droits que nul ne doit méconnaitri

Voilà ce qui ressort précisément, avec une évidenc certaine, île la théorie scientilique du patriotisnn De ses autres conséquences nous nous contenteror ici de noter les principales, celles qui ont trait so (A) à la prétendue évolution de l’idée de patrii grand cheval de bataille des anlipatriotes et d( internationalistes dans leur critique du patriotism soit (B) au nationalisme qui agite aujourd hui monde.

A) Nous avons constaté que l’idée de patrie n’e pas une création arbitraire de notre esprit ; qu’cl n’y est pas non plus le fruit de préjugés ou d’hal tudesplusou moins récemment acipiis ; mais qu’el répond à des faits précis, déterminés, identiquese tous temps el en tous lieux et qui s’imposent à toi les hommes de la même minière dès qu’ils se prduisent. Il en résulte que c’est un véritable non-seï que de parler d’uneévolution de 1 idée de piitrie poi éviter, à ceux qui l’éliminent de leur àme sous pr texte de co>^mopolit sine, d’humanisme, d’human tarisme, d interuationalisme, la note dintirmité ( d’infamie que mérile leur reniement.

La patrie est un fait, comme la famille. Méconnail ce fait, ce n’esl pas en faire évoluer l’idée, c’est détruire, S’il y avait, en fait, plusieurs espèces < formes de patrie qui s’engendreraient l’une l’autre mesure que se développerait la civilisation, de tel sorte que notre esprit piit les concevoir tour à toi avant ou après leur réalisation, alors on pourrî parler d’une évolution de l’idée de patrie ; mais patrie n’est pas mulliforme. Grande ou petite, a cienne on moderne, elle est ce que nous avons di’la définir autrement, c’est détinir autre chose. < f|ui évolue, ce sont les sociétés humaines. — Eta el nations en particulier, — et leurs relations m tuelles, parce que sociétés et relations se développe nécessaiiemeiitet prennent, en se développant, mil formes diverses. Il importe donc de les dislingtl de la patrie ; et c’est faute de l’avoir fait, que J