Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/796

Cette page n’a pas encore été corrigée

1579

PARABOLES DE L’EVANGILE

1580

qu’elles présentent. L’objection a le tort de ne pas distinguer entre la parabole dogmatique et la parabole morale, entre la parabole dite devant les seuls disciples et la parabole s’adressantà la l’ouïe.

L’obscurité de la parabole évanjfélique s’aecroil à raison de l’objet qu’elle enseij^uc : t le mystère du Royaume de Dieu o ; d’autant plus que Jésus-Christ avait ici à remonter le courant des préjugés juifs. Ce point a été heureusement développé par le P. Buzy. Op. ci(., p. 3^0-378.

d) D’ordre exégétique. — Représenter l’enseignement par paraboles comme un châtiment, infligé à la foule à raison de son intidélité, c’est faire une hypothèse qui s’accorde mal avec l’ensemble des textes de l’Evangile. Avant comme après les paraboles du lac, la foule suit Jésus-Christ et se presse pour entendre ses discours.

Réponse. — La foule s’oppose ici aux disciples avérés. Or, jusque dans cette foule, il y a bien des classes à distinguer. Voilà pourquoi le texte dit : Que celui qui peut comprendre, comprenne », ou encore : n Et il leur parlait, selon qu’ils pouvaient comprendre. » Il y a les adversaires décidés, qui ne souhaitent pas de s'éclairer, qui suivent le prophète de Nazareth pour épiloguer sur ses discours et le prendre en défaut. C’est à ceux-là que s’adresse avant tout la parabole voilée. Quanta la foule proprement dite, elle n’a pas encore pris à l'égard de Jésus l’attitude qu’elle devrait avoir, étant donnés les enseignements et les miracles antérieurs. Elle s’attache opiniâtrement à son espérance d’un Messie temporel. Cf. Jean, vi, 26. A mesure que Jésus dissipe son illusion, elle s'éloigne de lui. Il semble mémo qu’un jour l’entourage de celui qu’elle venait d’acclamer comme le Uoi d’Israël, se réduisit aux seuls apôtres. Cf. Jean, vi. 67-92.

D’ailleurs, l.i raison donnée au chapitre xin de saint Matthieu n’explique que partiellement le changement d’attituile de Jésus-Christ vis-à-vis de la foule. Le reste de l’Evangile donne le droit de conjecturer qu’en agissant de la sorte, NotreScigueur ne faisait pas seulement œuvre de justice, mais qu’il prenait aussi une mesure de prudence. Voir col. ib~jh.

Il est vrai que pour l’une ou l’autre de ces paraboles, par exemple celle des vignerons homicides, Jésus en donne spontanément l’explication aux Pharisiens ; mais c'était vers la fin de sa vie publique. Le moment est venu de parler ouvertement. C’est alors qu’il avoue, devant Gaïphe, être le < Christ » de Dieu, lui qui, jusque-là. avait évité de prendre et même d’accepter en public ce nom populaire, parce qu’il résumait pour la foule tout un programme, celui du messianisme mondain, fait de domination et de plaisir, qu’elle attendait. Je dis en public, car en particulier, conversant avec ses disciples ou avec la Samaritaine, il ne faisait pas dilUculté de déclarer qu’il était le Christ, Fils de Dieu. Matlh., xvi, 16-18 ; Jean, iv, 26.

III.

L’authenticité des paraboles

Il ne s’agit pas de l’authenticité littéraire : tout le monde admet que les paraboles ont toujours fait partie du texte des évangiles canoniques ; mais de l’authenticité historique : si, oui ou non, elles appartiennent à l’enseignement personnel de JésusChrist. Nous nous bornons ici à cet aspect du problème plus général de l’historicité du récit évangélique ; mais, pour résoudre les difficultés particulières, soulevées à propos des paraboles, nous supposons tout ce qui a été dit dans l’article consacré aux Evangiles. Il faut pareillement se ressouvenir de la

première partie de cette présente étude, sur la théorie littéraire de la parabole.

Les objections qu’on formule au nom du critère interne peuvent se ramener à deux chefs : i" le caractère allégorique des paraboles les dénonce comme des compositions laborieuses et tardives ; 2° l’analyse des textes jj' révèle des remaniements et des adaptations.

1° Les textes qui nous ont été transmis ne vérifient ni la détinition, ni l’idée que l’on se fait de la parabole. Ces allégories prophétiques se comprennent mieux comme un résultat de la réflexion chrétienne, que comme un produit spontané de l'àme du Christ. C’est l’opinion île JiiLicHEH et de LoisY.

Itéponse. — La parabole évangélique ne vériQe pas toujours la déflnition que les rhéteurs classiques, grecs et latins, donnent de lii parabole simple ; mais ces mêmes auteurs parlent de la parabole complexe, qui s’obtient par un mélange de comparaisons et de métaphores. Quinlilien recommande la paraboleallégorie comme l'œuvre parfaite. Or, le mâchiil hébraïque est toujours plus ou moins une parabole allégorisanle. C’est ce que nous avons établi plus haut, col. 1.^65. Quand M. Jiilicher déclare monstrueux ce mélange de parabole et d’allégorie, il prèle à rire à ceux qui savent.

Tout l’Evangile atteste que, par un tour naturel de son esprit, Jésus-Christ s’exprimait en termes paraboliques, mais il n’en reste pas moins vrai que le trait allégorique lui est familier. Cette tendance au symbolisme, dont l’allégorie est la langue naturelle, ne se révèle pas seulement dans les discours du quatrième Evangile, mais encore dans ceux rapportés par les autres évangélistcs. Ce n’est pas dans saint Jean qu’on lit des sentences comme celle-ci : Vous êtes le sel de la terre, la lumière du monde ; ne jetez pas vos perles aux pourceaux ; prenez garde au levain des Pharisiens ; les faux proi>hètes se présentent avec une toison de brebis ; laissez les morts ensevelir leurs morts, etc., etc.

C’est se tromper que de se représenter le tempérament littéraire de Jésus-Christ comme on fait d’Esope, de La Fontaine ou d’un rabbin. Les fabulistes sont des observateurs attentifs, lins et judicieux, mais ils procèdent par voie de raisonnement, encore que ce raisonnement tienne d’ordinaire dans de simples comparaisons ? Quant au rabbin, il remplace le jugement par l’ingéniosité. Mais le Christ est un intuitif, qui va droit aux réalités ; il est un mystique, percevant les choses spirituelles dans les phénomènes sensibles ; son langage est symbolique, il parle de l’invisible comme nous faisons des corps et des phénomènes. Cf. ]es Etudes, 1912, t.CXXXIl, p. 161-169.

Il est vrai que des paraboles allégorisantes, telles ([ue le sénevé, l’ivraie, le levain, le festin, les vignerons, etc., symbolisent un état de choses qui était encore à venir, du moins en partie ; et donc, dans la môme mesure, décrivent une situation inexistante au temps de Jésus, et qui ne devait guère être réelle que cinquante ans plus tard. Mais pour pouvoir conclure de cette circonstance que les parabples de l’Evangile datent de la (in du i" siècle, on doit, au préalable, supposer que la prophétie est impossible, et que Jésus n’en a point fait, ni prétendu en faire. A ce compte, ce n’est pas seulement l’authenticité des paraboles qu’il faut nier, c’est tout l’Evangile à déchirer. Est-il un seul des enseignements prophétiques, donnés dans les paraboles, qui ne revienne ailleurs dans les évangiles ? Notamment : les destinées du judaïsme, la fin de la Synagogue pour faire place à une Eglise chrétienne, la catholicité de celle Eglise, sa loi de progrès, le caractère du Royaume