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PAPES D’AVIGNON

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boire et le manger. Quand les autorités séculières le permettaient, les collecteurs d’impôts saisissaient encore les immeubles des récalcitrants et les mettaient en vente.

Les bénéliciers se pliaient en général aux exigences des agents du lise pontifical, car ceux-ci usaient de leurs pouvoirs avec la plus grande rigueur. Ainsi, le cadavre de Gonsalvo, évêque de Mondonnedo, resta, au scandale des populations, hors du cimetière, jusqu'à ce que ses héritiers se fussent engagés à payer les dettes de leur parent.

b) Conséquences de la politique finaucièie du Saint-Siège. — Les récils des contemporains ne laissent aucun doute au sujet des sentiments publics. Les mesures liscales des Papes d’Avignon excitèrent le plus vif mécontentement. En Angleterre, les parlements s'élevèrent avec acrimonie contre elles. Ils constatent qu’elles provoquent l’e.ode des capitaux hors du territoire national, la diminution du culte divin, l’amoindrissement de la piété populaire, le mauvais entretien des édifices sacrés qui tombent en ruines faute de réparations, la cessation des ollices divins, l’abandon des distributions d’aumônes et de l’hospitalisation des malheureux, contrairement aux intentions formelles des fondateurs d’ivuvres pics…

En France, les maux sont plus grands, parce que la guerre de Cent ans, la famine et la peste ont amené des désastres. Les bénéfices ruinés, dévastés ou détruits ne produisent plus aucun revenu. Le retrait du droit de procuration aux évêques a ])our elfet la cessation des visites pastorales, l’abandon du culte et la désertion des bénéfices. « Les peuples, dit un contemporain, se voyaient prescpie partout privés de la parole de Dieu, et, en plusieurs endroits, de la participation des sacrements, parce qu’il ne restait plus de quoi subsister aux pasteurs, à qui l’administration en avait été confiée : les églises et les bâtiments étaient presque partout ruinés, faute de pouvoir les « ntretenir : les pauvres mouraient de misère sans consolation et sans secours » ; Hourgkois DU CuASTiiNKT, Nouvelle histoire du concile de Constance, Paris, 1718, p. j.

Eu Allemagne, les clercs souffrent moins des exigences du Saint-Siège. Ils opposent une telle résistance aux collecteurs que ceux-ci renoncent parfois à percevoir l’imiiôt. Ils ont peur de perdre la vie ou d'être jetés dans d’infectes prisons, comme ce fut le cas pour certains d’entre eux. Somme toute, les plaintes continuelles du clergé pénètrent à la longue dans les masses populaires et y engendrent une opposition dangereuse à la pa|iauté. L'. gleterre mûrit sourdement pour le Schisme et l’Alleuiagne pour la Réforme. Quant à la France, elle incline au Gallicanisme.

c) Causes de la politique financière du Saint-Siège. — Les livres de comptes pontificaux font très exactement counaitre les motifs qui poussèrent les papes d’Avignon à grever le clergé d’impôts. En |3|3, Clément V possédait i.o40.ooo florins d’or de Florence ; ses donations testamentaires exagérées épuisèrent le trésor. Il ne resta aux cardinaux et à Jean XXII que 70.000 florins à se partager, au mois d’août 1316. Dans sa détresse, le pape créa des impôts. Les recettes atteignirent un chiffre élevé. Le trésor pontifical encaissa environ 4. 100.000 florins, pendant le règne de Jean XXII. Cependant les dépenses nécessitées en grande partie par les guerres d’Italie s'élevèrent à 4-'9'-44tj florins. La Chambre Apostolique eût été acculée à la banqueroute, si Jean XXII n’avait pas puisé l’argent nécessaire d^ns sa propre casselte et fait rendre 150.ooo florins à la

j succession de Clément V. Il laissa à Benoit XII une situation financière assez prospère pour que son

successeur pût ne pas réclamer certains impôts. En l’Slii, l’encaisse du trésor pontifical était de 1.117.000 florins. Accoutumé à vivre en grand seigneur, Clément VI dépensa plus que ses revenus. Le gouffre du déficit s’ouvrit et ne fut plus jamais comblé. Innocent VI, Urbain V et Grégoire XI gémissent sur leur situation précaire. Ils sont acculés à vivre d’emprunts et à accabler les ecclésiastiques d’impôts. Mais ce qui les ruine, c’est bien moins le luxe régnant à leur cour, que la guerre d’Italie. Ainsi, le » mesures fiscales prises par les i).T|)es d’Avignon ont un noble motif. Elles sont suflisamnient excusées par le souci constant qui les poussa à préparer le rétablissement du Saint-Siège à Rome.

Si les moyens de contrainte employés pour activer la rentrée des impôts choquent nos idées, il convient d’observer que la science linanciérc n'était pas très avancée au Moyen Age. Les pouvoirs publics se servaient d’expédients grossiers ressemblant aux ijrocédés des conquérants. Hors de l’Eglise comme dans l’Eglise, à cette époque, la dureté était partout. Parce que l’appel au bras séculier était presque illusoire et que les gouvernants d’alors empêchaient parfois le séquestre des biens, le Saint-Siège s’appliqua à faire rendre à l’excommunication tous seg ell’ets.

Les contemporains ont eu tort de traiter les annotes et les seriices communs de simoniaques. La simonie se définit, en effet, « la volonté délibérée d’acheter ou de vendre, mojennant une rétribution appréciable, une chose spirituelle en elle-même, comme la consécration épiscopale, l’ordination sacerdotale, ou une chose annexée à l’exercice d’une fonction spirituelle, comme le revenu d’une cure, d’un monastère » ; Lega… Prælectiones in textum juriscanonici dejudiciis ecctesnsticis, Rome, igo5, 1. II, vol. IV, p. 28. Or, en vertu de son pouvoir de juridiction universelle, le pape a « la pleine disposition de toutes les églises, dignités, oliices et bénéfices ecclésiastiques » ; bulle du 1 1 juillet i’i/i ! i dans Rinaldi, Annales ecclesiastici ad annum l’Ji’i, § 55-59. ^"" suite, il possède le droit

« l’exiger une part des revenus dont il accorde la jouigsance aux clercs et aux prélats Les services communs

cl les aimâtes ne sont donc pas un prix d’achat ; ils ont le caractère d’impôts légitimes quoique onéreux ou périlleux dans leurs effets.

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