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PAPES D’AVIGNON

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deurs du mi d’Aragon, si loquaces d’ordinaire, ne nicntionn « nl dans aucune de leurs dépêches la présence de Brunisscndc à In curie. Si cette lielle dame avait dominé Clément V, ils n’eussent sans doute pas manqué de recourir à ses bons ollices, dans l’intérêt de leur maître. Il n’y a donc pas de cas à l’aire des racontars rajiporlés par Giovanni Villani. Ce chroniqueur a enregistré, avec lomplaisancc, les on dit qui circulaient de son lemps.dans le dessein d’intéresser ses lecteurs. Il en a consigné d’invraisemblables dans ses Isturif Florentine. Ainsi, d’après lui. Clément V, incertain du sort réservé par l’Elrrnel à un de ses neveux mort cardinal, consulta un nécromancien. Celui-ci députa aux enfers un de ses chapelains qui vit le défunt logé dans un palais, mais couché sur un lit de feu. En face du palais, le pèlerin outre tombe vit construire un autre palais. Les démons lui apprirent que cette d( meure était destinéeà Clément V lui-même ; MunXToiii, /?erum Halicartim scriptures, t. Xlll, col. 47>, Islovie Fioienfine, lib. IX, cap. Lvm. On sait encore avec certitude que le récit de l'élection de Clément V tracé par Villani est fabuleux (hturie Fiorenline, lib. VHI, cap. Lxxx). Rabanis a naguère démontré comment il était contredit par les faits ; Clément ' et Philippe le Bel. l.eitie à M. Dareriiberf ;.sur l’entreyue de Philippe-le-ltel cl de Derirand de Gi’l à Saint-Jeand'Ânf ; ély, Paris, 1858. Le même érudit a donné de nombreuses preuves de la favon dont la légendf s’empara rapidement de Clément V ; op. cit., p. 8085. Elle lui fut généralement défavorable. Notons cependant une exception propre à étonner. On sait comment le chroniqueur FbruetoFrbreti, de Vicence, d’humeur satirique, s’est plu à enregistrer les bruits déshonorants pour les personnages de marque. A I)ropos du procès des Templiers, il dit de Clément V :

« On ne pensera pas qu’un pasteur si modéré, si

agréable à Dieu, ait commis une injustice, sous l’empire delà haine ou sur les instances d’aulrui, car personne, vraiment intégre, ne contestera qu’il ait agi en tout, bien et sagement » ; Ilisturia rerum in Italia sentiirum ah anno 1250 mque ad annum 1318 dans MtiRAToiii, lieriim Italtcarum scriplores, t. IX, col. 1018 et U. Balzani, l.e cronache italiane net .Verfio £io. Milan, igoy, p. ayi-j' ; ?.

PÉTRAHQUU nous présente un lîenoîl XII tourné en dérision par une cour licencieuse et accueilli par des railleries dans son propre entourage. D’après lui, ce fut un ivrogne, sans cesse « plein de viii, appesanti par l'âge, accablé par le sommeil » ; Epistolæ sine titiilo, 1, et de Sadb, Mémoires pour la ii’e de François Pétrarc/ue, Amsterdam, 1767, t. ii, p. 8941, et note xv. D’après un autre contemporain, (( tous les gens de la cour » tenaient le pape pour le plus grand buveur de vin » : d’où le proverbe

« Buvons ponliticalement » ; 1 !.i, u/.e-Mollat, V^itae

paparum Axenionensium, t. I, p. 286. Jean de WinTKUTUUit (Chronicon dans Archiv fin- schiveizerisclie Geschichte, t. XI (185b), p. ni). Galva.no dklla FiAMMA (MuRATORi, tîeriim Italicaruni scriplores. t. XII, col. Ioo9^, PiERHE na Hkreniuals (BaluzeMoLLAT, op. cit., t. l, p. 23/î) ont tous traité Benoît de buveur émérite. Mais Pétrarque et les chroniqueurs qui l’ont vilipendé ne méritent pas créance. L’amant de Laure l’a détracté apparemment parce que, en construisant le palais des Doms, Benoit sembla avoir voulu lixer la Papauté en Avignon. Quant aux chroniqueurs contemporains, ils ont trop complaisamment servi soit la rancune des partisans de Louis de Bavière, soit celle de moines ou de parasites de la cour pontificale, auxquels les réformes du pape avaient arraché des cris de colore. Benoit a partagé le sort de tout réformateur austère : il lut

peu aimé ; il a été décrié, haï, calomnie. Qu’il ait aimé le viii, nous ne savons. Une chose est certaine : par ses réformes et ses actes, Benoît XII a prouvé qu’il avait au cœur le sentiment de la justice et un désir sincère de corriger les abus. Son caractère énergique, tenace, dur même, lui valut bien des inimitiés. Peut-être son teint coloré accrédita t-il les propos désobligeants de ses ennemis ? En tout cas, en l’accusant d'ébriété, Pétrarque se contredit quelque peu. Ne dit-il pas que 1rs abstinences de Benoit Xll égayaient les gens de la cour ? Epitresine tititlo, I.

Au XV" siècle, un commentateur de Pétrarque, GirolamoSquarzaI’Ichi, accusa le pape de lubricité. D’après lui, Benoit XII s'éprit de Selvaggia, sœur de Pétrarque, et pria celui-ci de lui livrer l’objet de sa passion..Vyant éprouvé un refus, le pontife pressentit le frère de Pétrarque, Gérard, qui lui livra Selvaggia. Pétrarque, outré, partit pour l’Italie. Selvaggia se maria bientôt avecquelque inconnu. Quant à Gérard, pris de remords, il s’en fut pleurer son crime à la chartreuse de Montrieux (Var) ; db Sade, op. cit., t. ii, p. 67.

Balæus (Ct' ; (<u ; (a 4, appendice, chap. 92), Simon GoULART (Catalogus iestiunt veritatis qui ante nosIram aetalem reclamaverunt, Genève, 1609, p. 1820) DU Plessis Mornay (Le mystère d’iniquité, c’est-àdire l’histoire de la papaulé, par quelz progrès elle est montée à ce comble, etc. Saumur, 161 1), ont accepté l’anecdote comme telle. Ils l’enjolivèrent même et représentèrent le pape entouré de courtisanes.

Avant tout, remarquons que ces écrivains ne jouissent d’aucune autorité et que, somme toute, leurs dires reposent uniquement sur le passage analysé de Squarzafichi. Or, celui-ci se trompe étrangement. Pétrarque eut peut-être une sœur naturelle, du nom de Selvaggia, mais il n’a jamais fait allusion à son inconduite. D’autre part, on connaît, par Pétrarque lui même, les motifs qui poussèrent son frère à se faire chartreux. La mort de sa maîtresse plongea Géi-ard dans le désespoir et le détermina à se cloîtrer ; H. CocniN, f.e frère de Pétrarque, Paris, igoS, p. 32.

Les chroniqueurs n’ont pas épargné non plus Clément VI. Mathias de Neueniîubc. a prétendu qu’il était « passionné pour les femmes » ; J. F. Bôhmkr, Fontes rerum Geimanicarum, t. IV, p. 227. « Des femmes, raconte Mathieu Villani, pendant qu’il était archevêque, il ne se garda pas, mais il outrepassa la manière de vivredes jeunes barons séculiers ; pendant son pontilicat, il ne sut pas s’en passer, et il ne s’en cacha pas. Dans ses appartements circulaient les grandes dames, de même que les prélats, et parmi elles une comtesse de Turenne eut tellement sa faveur qu’une grande partie des grâces s’obtenait par son entremise. Etait-il malade, les dames le servaient et gouvernaient les autres séculiers en tant que ses parentes » ; Muratori, Ilernm Ilulicarum scriplores, t. XIV, col. 186-187. Thomas BurTON, vers 1^00, rapporte les reproches que Clément fut censé avoir reçu de son confesseur..vec cynisme, le pape aurait répondu : « Quand nous étions jeune, nous en [des plaisirs cliarnels] usions ; à présent, ce que nous faisons, nous le faisons sur le conseil des médecins. » Pour mettre lin aux murmures de sa cour, il aurait encore osé lire II un libel noir sur lequel étaient consignés les noms de divers pontifes qui furent lui)rii|iies et incontinents, et il démontra par les faits dûment enregistrés que ceux-là même régirent mieux l’Eglise et accomplirent beaucoup pins de bien que les pontifes chastes » ; Chronicon monaslevit de.Velsa, éd. Bond, Londres, 1867, t. III, p. 89.