Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/782

Cette page n’a pas encore été corrigée

1551

PAPES D’AVIGNON

1552

Philippe VI de Valois, dans BiiVioihèque de l’Ecole des Charifs, t. LV (iSgO, p. 465-^87, 698-626 et La cour(curi<i) au comine’icemeiit du A’/T’" siècle, iliidem, t. LXXVIl (1916), p. 7/1-87 ; K. ScHWARZ, Aragonisclit Hofordnun^en iin XIII und XIY Jalirhundert, Berlin, 191^. Leculle des arts, inauguré parBoniface YIII, ne fait que grandir. Mais il n’est, remarquons-le, qu’une foi<liie contemporaine du faste dont se pare . Papauté..Somme toute, les temps des papes d’Avi{410n marquent une transformation profonde. La Papauté avait perdu son prestige moral, lors des démêlés « ntre Philippe le Bel et Boniface VIII. Elle le reconquit à partir de 1316, en se créant une forte puissance temporelle. C’est pourquoi elle arrondit C’instanimrnt ses domaines en terres d’Empire et voulut subjuguer les populations italiennes qui ne » reconnaissaient plus son autorité. Le pape s’allirma roi, et comme tel il s’entoura d’une cour magnifique où les cardinaux tinrent le rang de princes du sang. Rien donc d’étonnant à ce que le luxe régna en Avignon. Au xiv’siècle, une puissance, même d’ordre essentiellement spirituel, ne pouvait dominer le monde qu’à la condition d’asseoir sesmoyensd’aclion sur la propriété territoriale, la fortune mobilière, et surtout l’apparat qui, aux yeux des simples, a toujours été considéré comme le signe caractéristique de la richesse et de l’autorité.

Sans doute, à rendre l’Eglise riche et puissante, on risquait d’j- introduire l’esprit du monde et le désir ilu lucre. L’intérêt des âmes ne serait-il pas négligé ? i)e fait, l’exemple donné par le pape devint contagieux. Jean le Bel, simple chanoine de Liège, ne se lendait-il pas à la messe, chaque jour de la semaine, avec une escorte d’honneur composée de seize à vingt personnes I Miroir des nobles de la Ilasbaye par Jacques de Hbmricourt, éd. de Salbray, p. 158. Les clercs se revêtent d’habits somptueux, faits d’étoffes à dessins quadrillés comme les cases d’un échiquier. Ils se chaussent de souliers à la poulaine, fort à la mode. Us portent les cheveux longs, contrairement aux usages ecclésiastiques. Sauf exception, les évêques, comme le remarque un cistercien, Jacques de’I’hérinbs, « s’occupent principalement d’accroître leurs revenus temporels et leur puissance » ; Histoire littéraire de la France, t. XXXIV, p. 206. Us pratiquent beaucoup le luxe et l’ostentation. Les conciles provinciaux s’efforcent vainement d3 réduire le train de leurs maisons. Us leur interdisent sans succès d’avoir des bateleurs, des chiens et des faucons ; Hkfblb-Lkclkhcq, Histoire des Conciles, t. VI, igiS, p. 956 et Histoire littéraire de la France, t. XXXIV, p. 192 et 198. Ces mœurs cléricales, c Ttes blâmables, ne sont pas spéciales à l’époque djs papes d’Avignon. Elles existaient auparavant. Au xiv= siècle, elles ne firent que se développer, p irce que le luxe régnait dans toutes les classes sociales.

Toutefois, il convient de ne pas exagérer. Si un grand nombre de clercs vécurent en riches personnages, le XIV* siècle fut fertile en chrétiens qui pratiquèrent les vertus héroïques. Citons parmi les plus marquants Giovanni Colombini, Giovanni Tolomei, Pierre Ferdinand Pécha, sainte Brigitte de Suède, sainte Catherine de Sienne, sainte Angèle de Foligno, etc. Ces pieuses gens ne furent pas des isolés. Leurs disciples formèrent des congrégations, telles celles des Olivétains, des Jésuates, des Hicronymites. Enfin, la mystique chrétienne, qui prêchait le renoncement aux choses de la terre et l’attachement entier à Dieu, compta, au xiv « siècle, ses plus illustres représentants : maître Eckart, Jean Tauler, Henri Suso, Jean Ruysbroek, Jean Gerson et surtout Thomas a Kempis, l’auteur de l’Imitation de Jésus-Clirist, etc.

Bibliographie. — J. Guiraud, L’Eglise liomaine et les origines de la Henaissance, Paris, 1911. — F. Digonnet, Le Palais des Papes d’Aiignon, Paris, i^o-^.

— F.Ehrle, Historia bibliothecæ romanorum poniificiim tiim Bonifatianæ tum.4vinionensis, Home, 1890. — Gh. Dejob, La fui religieuse en Italie au XIV’siècle, Paris, 1906. — Plleger, I.udolf lon Sachsen iiher die kirchlichen Zustande des 14 Jahr. hiindcrls, dans Hiitorisclics Jalirhuch, t. XXIX (1908), p. 96-98. — H. V. Sauerland, Kirchliclie Zustande im Rheinland ivâhrend des 14 Jahrhunderts dans Westdeutsche Zeitschrijt, t. XXVII (1908), p. 304-365. — P. Norbert, Saint Jean DiscaUéat. /rère mineur{12’^^-iHt^), sa tie, son époque, son ordre en Bretns^ne, S. Brieuc, 1911. — A. Wautier d’Aygalliers, i’ie de Buysbroecf : l’admirable (ia93-1381), Cahors. 1909. — W. Preger, Geschichte der deutschen Mystik im Mitlelaller, Leipzig, 18741893. — H. Denifle, La yie spirituelle d’après les mystiques allemands du XI)’siècle, Paris, s. d.

—’V. Preger, lleilruge zur Geschichte der religiosen Beægung in den Niederlanden in der zweiten Hiilfte des li Jahhunderts, Munich, 1894. — K. H. Schiifcr, Zur Kritik mittelallerlicher kirchlicher Zustande, dans Bumische Quartalschri/I, 2’partie, t. XXIII (190g), p. 35-64. — H. Delacroix, Essai sur le nnsticisme spéculatif en Allemagne au XI} siècle, Paris, 1900. — E. Schelenz, Stiidien zur Geschichte des Kardinalats im XIII. und.V/t’. Juhrhundert, Marburg, 1918. — R. André-Michel, Mélanges d’archéologie et d’histoire. Avignon, VaLris, 19ÎO. — P. Pansier, la liyrée de Thury à Avignon aux XIV’et XV’siècles et La liyrée de Poitiers à Avignon du XIV’au XVIll’siècle, dans Annales d’Avignon et du Comtal Venaissin, 1. 111(191 4-1915). p. 125 et 233.

V. Les mœurs à la cour d’Avignon. — a) Lu personne des papes. — Parmi les papes d’Avignon, trois ont été spécialement accusés de librrtinage : ce sont Clément V. Benoît XII et Clément VI.

Du premier, Giovanni Villam a tracé, dans ses Istorie /"joreHiine, un portrait peu llatté. D’après lui. Clément V fut luxurieux, si bien qu’on disait ouvertement qu’il avait pour amie la comtesse de Périgord, très belle dame, OUe du comte de Foix » ; lib. IX, cap. Lviii, dans MuRATOHi, Herum Italicarum scriptores, t. XIII, col. 47’. Le chroniqueur Pépin, interprétantun passage de Gestis Italicorum d’AtBBR-TiNoMussATO, signale aussi les bruits fâcheux qui coururent relativement à la conduite du pape. Mais il n’y ajoute pas foi. Il en donne pour explication que le Saint-Père vécut retiré du monde, — raros conventus cum confralribus hubens, locis abditis abstractus et solilarius mansit, ex quo fama contra ejus pudiciiiam taborant ; Muh.vtori, 0/). c//., t. IX, col. 702, et t. X. col. 606. S’il exagère en prétendant que Clément consulta rarement les cardinaux, il dit vrai quand il l’ait allusion à la vie solitaire que mena io pontife. En effet, pendant tout son règne, le pape soufl’rit cruellement d’unemaladie que l’on croit avoir été un cancer des intestins ou de l’estomac. Sous l’empire du mal, il devenait taciturne et vivait en reclus durant des mois entiers. Lors de la crise qui dura depuis août jusqu’à la fin de décembre 1306, il n’admit personne près de lui, sinon quatre de se » parents. Les cardinaux ne réussirent à l’approcher qu’à l’Epiphanie de 1807 ; H. Finkb, Papsttum und Cntevgang des Templerordens, t. ii, passim. Pour peu que la comtesse de Pèrigord, Brunissende, ait fréquenté la cour pontificale — elle était apparentée à la famille de Got —, la malignité publique travailla contre la mémoire du pape. Toutefois, les ambassa-