Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/781

Cette page n’a pas encore été corrigée

1549

PAPES D’AVIGNON

1550

Clément VI eut des compinisnnees pour les siens. Grâce à lui, son neveu Guillaume Roger de Beauloit acquit la vicomte de’l’urenne, reçut des cadeaux importants des rois de France et arrondit ses domaines. Les autres membres de sa famille ne lurent pas moins gâtés (S. Haluzo, Viliie Papanim.Ueiiioiiensiiiin, t. ii, col. 671 67.3, 678, 777, 7^2 et K. Albk, Titres et Hocuinents concernant le Limousin et le Quercy, du temps des Papes d’Avignon, Brive, 1906). Sous Grégoire XI, la Cauiille de Beaufort reçut encore des faveurs inipurlantes. Lejiape combla de cadeaux sa sœur Alice (G. Mollat, Etudes et documents sur i/iistoire de Bretagne, p. 171). Le 28 mars iS-^i, il reconnut son lieau-frère, Aymar VI de Poitiers, comte de Valentinois et de Diois, comme son vassal, moyennant un don de 3d.ooo llorins (J. Chealier, .Mémoires pour l’histoire des comtes de Valentinois et de Dinis, Paris, 1897, t. I).

Urbain V, tout dévotqu’il lïit, ne négligea pas non plus les intérêts de ses compatriotes ou ceux de ses proches. Son pays natal fut d comme inondé de Taveurs et de bienfaits ». A son instigation, les rois ie France alIVancliirent de tailles bon nombre de fiefs de la famille Grimoard et déchargèrent d’impôts ses itenanciers. Anglic Grimoard, son frère, devint évêque d’Avignon et lut chargé de hantes missions en Italie ; M. Cuvii.i.vN, Le bienheureux Urbain V, Paris, 1911, p. 107-118.

Mais, de même qu’au temps de Jean XXII, les prélats pourvus de sièges épiscopaux par Clément VI, Innocent VI, Urbain V et Grégoire XI, ne déméritèrent pas en général. Les biographies succinctes que Baluze a données d’eux montrent que beaucoup Turent des hommes remarquables ; Baluze, ’itae Paparum Avenionensiuni, anc. éd., t. I, voir les notes qui terminent le tome.

Le népotisme, qui choque tant les modernes, Q’étonnail guère les gens du Moyen Age. Avant le jtiv siècle, il existait dans l’Eglise. Il atteignit son ipoint culminant à l’époque de la Renaissance. C’est que, dans le pape, il y a un double personnage : le roi et le chef de l’Eglise. En tant que roi, le souverain pontife apanage ou comble de faveurs les membres de sa fauiille, comme le font les autres monarques du monde chrétien. En tant que maître de l’Eglise, il tient à se créer des clients fidèles — on peut dire des vassaux —, eu octroyant avec largesse les biens et les honneurs ecclésiastiques à ses favoris. Ainsi, en face des rois qui en Occident resserrent les liens de dépendance existant entre eux et leurs sujets, les souverains pontifes placent une Eglise fortement constituée et docile à leurs ordres.

Si le Saint-Siège pourvoit de gras et d’abondants bénéfices les cardinaux et les olliciers de la cour pontificale, c’est pour servir des appointements à son personnel, sans bourse délier. En cela, il imitait l’exemple des rois qui faisaient à leurs courtisans des dons en argent ou en nature et en terres, provenant généralement de confiscations (J. Viviin. Documents fiarisiens du ri’gne de Philippe VI de F « /ois, Paris, 189g, t. I, p. viii-ix ; Rymkh, Foedera, conventiones, liteiæ et cujuscutique generis acla piiblica interreges Angliæ etalios quusvis imperatures, reges, pontifices, principes vel communilates, La Haye, 17311-1740, les trois premiers tomes ; J. F. BcEUMER, Kegesta Imperii, t. VI et Vil et les adjonctions de Hiiber ; J. Schwai.m, Cunstitutiones et acl/i publica inipe’ntorum et regum, t. IV, V, VI et VUI dans la collection des Mimumenta Germaniae Justurica. Legum section IV, ILinovre, igoô-iyi^)- Celle conception singulière amenait des conséquences fâcheuses. Plus la fonction, remplie à la cour, était importante, plus elle nécessitait de

revenus et par suite de bénéfices. A une époque où les finances pontificales étaient fort peu prospères, le Saint-Siège se voyait acculé à cet expédient.

Enfin, au xiv" siècle, il n’y avait point distinction entre trésor d’Etat et caisse privée. Le pape disposait des revenus de l’Eglise, comme si ceux-ci étaient sa propriété personnelle. Ajoutons d’ailleurs, que les libéralités familiales constituent une très petite part des dépenses pontificales. Sous Jean XXII, elles ne représentent que 3, 93<70 de ces mêmes dépenses (K. H. Schækkr, Die Ausgaben der apostolischen Kammerunter Johann.V.V//, Paderborn, 191 1, p. 361).

Bibliographie. — L. Schmitz, Die Kardiiicde und die ÎYeputen der Pdpste des li Jahrhundert, dans DasFreie IVort, 1908, t. VUI, p. 542-548, 575-682.

IV. Le luse à la cour d’Avignon. — La situation politique des papes n’avait pas cessé de grandir depuis le pontificat de Clément II, vers le milieu du m^ siècle. Leur prééminence s’était accusée au cours des luttes du Sacerdoce et de l’Empire. Le souverain pontife, dans l’estime de la chrétienté aux XII’et XIII* siècles, n’avait d’égal ni dans les rois, ni dans les empereurs. Il les surpassait tous. Avec le progrès de la richesse générale, il était devenu, au xiii" et surtout au xiv= siècle, le centre d’une société fastueuse. Les pnpes d’Avignon vécurent en princes et soutinrent magniliquement leur j personnage. Leur cour brilla par un déploiement de luxe extraordinaire dont E. MÛNrza donné naguère quelque idée ; L’argent et le lu.re à la cour pontificale, dans lievue des questions Historiques, t. LX I (1899), p. 5-44, 378-406. Elle fut, sous Clément VI, le rendez-vous des plus beaux esprits de l’époque. On y rencontrait des peintres italiens ou allemands, dessculpteursel des architectes français, des poètes, des lettrés, des physiciens, des astronomes, des médecins. On y donnait des bals, des tournois, des fêtes, des repas de noce. Un Italien, témoin oculaire, nous a laissé le récit d’une réception grandiose qu’offril, en 1343, à Clément VI, le cardinal Annibal de Ceceano ; E. Casanova, Visita di un papa avignonese dans Archivio storico délia Società î/umana di storia patria, t. XXII (1899), p. 371-381.

A l’égal du pape, les cardinaux menaient une existence fastueuse. En 1316, Arnaud d’Aux a besoin de 31 maisons ou parties d’habitations pour loger tous ses gens ; en 1 32 1, Bernard de Garves en loue 5 1. Pierre de Banhac installe ses chevaux dans dix écuries, dont cinq peuvent contenir 89 animaux. Enfin, à sa mort, Hugues Roger, fils d’un petit hobereau limousin, laisse 176.000 florins d’or, c’est-à-dire près de deux millions de notre monnaie. Aussi la richesse des cardinaux provoque la verve de PiirnvnouB.

« A la place des apôtres qui allaient nu pieds, écrit-il, 

on voit à présent des satrapes montés sur des chevaux couverts d’or, rongeant l’or et bientôt chaussés d’or, si Dieu ne réprime leur luxe insolent. On les prendrait pour des rois de Perse ou des Parthes <|u’il faut a<lorer, et qu’on n’oserait aborder les mains vides » ; uk Sadb, Mémoires pour la tie de François Pétrarque, tires de ses œuvres et des auteurs contemporains, avec des notes ou des dissertations et des pièces justificatives, Amsterdam, 1764-1767, t. 11, p. 95.

Ainsi, au xiv= siècle, un fait nouveau se produit. La papauté s’applique à tirer désormais des ressources prodigieuses amoncelées tout ce que celles-ci com-I )ortent d’éclat mondain et de jouissances humaines. Elle imite en cela les puissances temporelles qui, à la même époque, deviennent plus fastueuses. La cour pontificale subit les mêmes transformations que celle de France ou celle d’Aragon ; J. Viard, /’hôtel de