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PAPES D’AVIGNON

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Benoit le lui interdit. Le roi désire interveTiir lomnie médialeiir entre l’Ecosse et l’Ansleterrc ; le pape l’en dissuade et l'évincé. Pliilippe prononce la conli-.cation de la Guyenne ; lîenoit l’invite à la révoquer. Ue 133^ à 13/|i, le souverain pontife eniix'-clie le roi de France de prendre l’olFensive, alors qu’Edouard lU, privé des secours que lui avaient promis ses alliés, aurait pu être facilement écrasé par son adversaire.

Débarrassés de tout souci du côté de l’Empire, Clément VI, Innocent "VI, Urbain V et Grégoire XI reprennent les projets de croisade abandonnés par BenoU XII. Or, le saint voyage outre-mer n'était possible qu'à la suite de la réconciliation des rois de France, chefs éventuels de l’expédition, avec ceux d’Angleterre. Aussi les papes poursuivent-ils avec une obstination inlassable le rétablissement de la paix. Leurs légats sont sans cesse par voies et par chemins, courent les champs de bataille, négocient des trêves ou des armistices. Les traités que fait signer Innocent VI consacrent en réalité, d’une manière éclalanle, le triomphe d’Edouard III et l’affaililissement de la monarchie français ;. Ainsi, bien que la France et la Papauté suivent une politique extérieure le plus souvent commune, l’une et l’autre ne cherchent en somme que leurs intérêts particuliers (H. DRr.Ar.iiBNAL. Histoire de Chartes T, t. III, p. /(g8-510 ; E. Dkpbeî ; , Les préliminaires de la guerre de Cent Ans. La Papauté, la France et l’Angleterre {13'i%-1'13'^), Paris, 1902 ; M. Pbou, Etude sur les relations politiques du pape l’rbuin V avec les rois de France Jean H et Charles K(136218^o), Paris, 1888).

Les papes d’Avignon favorisèrent encore la politique intérieure des rois de France., Tean XXII, par exemple, dissoudra les ligues féodales qui s'étaient formées contre Philippe V le Long, au début de son règne. Il empêchera la reine Clémence, veuve de Louis X Hulin, de se joindre au parti des mécontents. Il ne nommera pas Guillaume de Flavacourt archevêque de Rouen, parce que Charles, comte de la Marche, le lui a recommandé. Charles n’a pas sa faveur, parcequ’il ne possède pas celle dePhilippe V. Mais si le pape agit ainsi, c’est pour écarter tout péril domestique de la personne du roi, devenu chef delà croisade.

D’ailleurs, Jean X.XII ne dépasse pas la mesure dans les complaisances qu’il a pour le roi. Il intervient directement dans les aft’aires du royaume. Il impose, de sa propre autorité, des trêves à des seigneurs, tels que Amanieu d’Albret, Sans-Aner du Pin, Béraud de Mercœur, Hugues de Chalon, Mathe et Bernard d’Armagnac, Marguerite de Foix (A.CouLON, Lettres secrètes et curiales de Jean XXIL, Paris, 1906, t. I, n. 3a-36, 583-588, 698). Philippe V exprima son mécontentement au pape et lui contesta ie droit de s’immiscer dans les affaires de ses vassaux. Jean XXII ne lui donna pas satisfaction. « A coupsCir, mon (ils, écrit-il, si vous réiléchissiez avec quelque attention aux événements que peut réserver l’avenir, vous ne sauriez désapprouver ni trouver préjudiciable, pour vous-même et votre royaume, l’exercice du droit qui appartient au Siège Apostolique d’imposer des trêves » ; Coulon, op. cit, n. 904. Dans d’autres circonstances, le souverain pontife maintint dans toute sa rigueur l’ancienne théorie de la supériorité de la puissance spirituelle sur la temporelle. Philippe V se plaignit que des clercs pourvus de lettres apostoliques eussent la préférence dans l’obtention de bénéfices dont lui-même avait nanti ses favoris ; Jean XXII réconduisit (.. Coulon, op. cit., n. 957). Le roi demanda la nomination à des évêchés de clercs qu’il agréait spécialement, le

pape s’y refusa (.. Coui.oN, op. <(/., n. ^a et 667). Philippe V insista pour que l’on suspendit la procédure entamée contre un membre de son conseil, l'évêque de Meiide Guillauine Durant, accusé d’avoir tenu des propos schismatiques ; Jean XXII passa outre (A. Coulon, op. cit., n.775). Haoul de Pereaux a-t-il encouru la disgrâce royale, il trouve un protecteur elhcace dans la personne du pape (A. Coulon, op. cit., n. 7a). Bien plus, le démembrement de la province ecclésiastique de Toulouse en plusieurs évéchésa lieu sans que le roi de France soit consulté ou pressenti (A. Coulon, op. cit., n. 871, liio, b16, 330, etc.).

Ces quelques exemples, choisis entre beaucoup d’autres, prouvent quelle indépendance Jean XXIi affichait à l'égard de Philippe V. Sous les régnes de Charles le Bel, Philippe VI,.Ican II et Charles V, lui et ses successeurs s’immisceront dans les affaires du royaume, avec cette dilférence toutefois que leur voix sera moins écoutée. La juridiction de la cour d’Avignon s’exercera en France sans i ; randes entraves, souverainement même. Quelques dillicullés surgiront ausujet de l’application du droit de dépouilles. Les héritiers des évéques défunts réclameront près de la justice royale. Dans tous les cas connus, le dernier nol reste au Ose pontilical. L’action des officiers du roi n’a consisté généralement qu'à retarder le règlement de succession contestée. Les collecteurs apostoliques accompliront leur besogne sans rencontrer de sérieux obstacles.

Rien ne démontre mieux combien les Papes d’Avignon étaient vraiment indépendants des rois de France, que l’accomplissement d’un dessein longtemps mûri par LTrbain V : le retour du Saint-Siège à Home. Cette résolulion consterna la cour de Paris, quand elle y fut connue en septembre 1366. Charles ' tenta un sujirême effort. Il envoya en Avignon une ambassade solennelle. Ancel Clioquart, au cours d’une audience, exposa longuement au souverain pontife les raisons qui condamnaient le départ pour Rome, Son maître argument resta sans effet. Il disait : « Ne devez-vous pas, très Saint-Père, songer avant tout à apaiser les contlils, qui menacent d'éclater de toutes parts, et rendre la paix à ce peuple au milieu duquel vous avez vécu, alin de ne pas ressembler au mercenaire qui, voyant venir le loup, s’enfuit parce qu’il n’a cure des brebis, conliées à sa garde ? » Il avertissait encore le souverain pontife des dangers qui le menaceraient en Italie. S’inspirant de la légende suivant laquelle saint Pierre demanda au Christ : « Seigneur.où allez-vous ? », il posait la même ([uestion au pape et lui faisait répondre « Je vais à llome. » A quoi il répliquait : « Pour y être de nouveau cruciGé. » Les cardinaux joignirent leurs instance- ;.T celles des ambassadeurs de Charles V. Rien ne fléchit la résolulion d’Urbain V. Grégoire XI, son successeur, montra la même obstination, quelques années plus tard. Malgré les supplications de la cour, les reproches de ses parents et les remontrances du .Sacré-Collège, il s’embarqua à Marseille, le 13 septembre 137C1, et lit voile vers l’Italie. Mais, reniarqTions-le, ni Url>ain V, ni Grégoire XI n’eussent réussi à quitter le Comtat-Venaissin, si leurs prédécesseurs n’avaient pas travaillé sans relâche à la pacification de la Péninsule. En poursuivant cette noble entreprise, les Papes d’Avignon ont montré une réelle indépendance vis-à-vis des Valois.

BiBLioGRAi’UiR. — P. Fournicr, Bulletin critique, 2' série, t. VII (1991), p. 163-167 et t. VIII (1902), p. 84-89. — P. Richard, La captivité de Babylone à Av ! < ; ncn (l3lli-l378) dans L’Université catholique, t. LXVI (191 1), p. 81-101 (superficiel). — A.