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PAPES D’AVIGNON

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tive devait imposer un terme à la guerre désastreuse que s'étaient déclarée la France et l’Angleterre. La Papauté déploya un zèle extraordinaire, qu’atteste sa volumineuse correspondance diplomatique, pour réconcilier les deux nations ennemies. Loin d’Avignon, eût-elle réussi à poursuivre cette louable lin avec l’activité incroyable qu’elle déploya ? Il y a lieu d’en douter, tant est compliqué l'éclieveau des négociations diplomatiques qui durèrent pendant la guerre de Cent ans et que le mauvais vouloir des cours françaises et anglaises erapèclia toujours d’aboutir.

Ainsi, le séjour de la papauté en Avignon se trouve sufBsaniment expliqué, voire excusé, par les tentatives de conciliation entre la France et l’Angleterre, l'éventualité de la croisade, la nécessité de terminer le procès intenté à la mémoire de Boniface VIII, l’ouverture du concile de Vienne et surtoull’insécupité de ritalie."A ces causes principales, il s’en joint de secondaires : la prépondérance des cardinaux français dans le Sacré Collège et leur antipathie marquée pour le sol italien, la construction par Benoit XII du palais des papes, admirable ouvrage d’art autant que de défense, qui garantissait la plus complète sécurité, l’achat en 13118 d’Avignon à la reine Jeanne l'" de Naples, rattachement de Clélent VI pour sa patrie, l'âge et les infirmités d’Innocent Vi (MABTiiNE et Durand, Thésaurus novusanecdotorum, Paris, 1717, t. II, col. 9^6-947), les menées et les intrigues des rois de France pour retenir la our pontilicaie à portée de leur influence, le souci le la papauté de ménager les seuls alliés sérieux {D’elle comptât dans le conflit aigu avec Louis de Bavière.

c) Conséquences de l'établisieinenl de la papauté tn Avignon. — L'établissement prolongé de la paaauté en Avignon eut pour effet de priver les Italiens des avantages considérables que leur avait 'alu jusque-là sa présence. Rome passa à l'état de lécropole. Au lieu d'être la capitale du monde, elle ut réduite, en fait, à l'état de ville de province, l’oilà pourquoi les Italiens n’ont pas manqué, sur les traces de Pétrarque et de sainte Catherine de tienne, d’accumuler les blâmes et les plaintes conre les papes d’Avignon. Ugublli, pour ne citer [u’un des plus connus, va jusqu'à prétendre que la ranslation du Saint-Siège sur les bords du Rhône ut plus funeste à son pays que toutes les invasions larbares (Italia sacra, Venise, 1717, t. I, p. 71). lerles, rien n’est plus pitoyable que le sort des Itaiens au xiv siècle. Mais eux-mêmes travaillèrent à BUr infortune. Leur insubordination constante loigna d’eux la papauté.

Les Romains portent encore, en grande partie, la esponsabilité du schisme qui désola l’Eglise à la n du xrv" siècle. Ils voulurent faire cesser la cause e leur ruine, qui n'était autre que l’absence delà apaulé. Du vivant de Grégoire XI, leurs ambassæurs sommèrent le Pape de revenir à Rouie, « lui ertiûant, au nom de leurs commettants, que s’il ne ransférait la eour pontiOcale à Rome, les Romains e feraient un Pape, qui s’engagerait à fixer sa deleure et sa résidence au milieu d’eux » ; déposition aite en iSgo par Nicolas Eymeric, inquisiteur en ragon, dans L. Gavet, Le grand schisme d' Godent, t. I, pièces justilicalives, p. 119. D’après le bâlelain du château Saint-Ange, l’abbé du Montassin était prêt à jouer le triste rôle d’antipape L. Gayct, op. cit, pièces justificatives, p. 157). ien plus, plusieurs Romains complotèrent de niasacrer les étrangers qui composaient la cour pontifiale et surtout les cardinaux, afin de forcer le pape à se xer à perpétuité dans la Ville éternelle (L. Gavet,

op. cit., pièces justificatives, p. 120). Enfin, d’après le cardinal Hugues de Montalais, un cardinal romain s’apprêta à attenter aux jours de Grégoire XI, « afin que l'élection future eût lieu à Rome, sa ville natale, où il comptait des amis nombreux et puissants, et qu’il put lui-même être élu Pape » ; L. Gaybt, op. cit., l. ii, pièces justificatives, p. 162. Par conséquent, le séjour des Papes en Avignon ne fut pas, comme on l’a dit, la cause principale du Grand Schisme d Occident, mais seulement l’occasion. Cependant, par sa durée extraordinaire, ce séjour exaspéra les Romains et les détermina à exercer une pression sur les cardinaux, lors du conclave au cours duquel Urbain VI devint Pape. Si, comme il en annonça le projet, Grégoire XI eût quitté à nouveau Rome, selon toute vraisemblance le schisme aurait éclaté. Lui vivant, la crise eût été plus facile à résoudre. Malheureusement il mourut trop tôt ; et les cardinaux n'écoutèrent pas les sages conseils du pontife expirant.

Sources. — Les mémoires présentés à Jean XXII par Bertrand de la Tour et Bernard Gui sur l'état politique de la Haute-Italie en 1317 ' S. Riezler, Vatikanisclie Akten, Innsbruck, 1891, p. 2a-3y. — Uue lettre très intéressante d’Aimeric de Chàlus, rtcteur de la Roniagne (28 février 13ai) ; Fantuzzi, Monnmenti Bavennati, Venise, 1891, t. V. p. 891. — H. Finke, Aus den Tagen Bonifaz VI/I, Miinster, 1902 ; Papsttum und Untergang des Templerordens, Miinster, 1907 ; Acla aragonensia, Miinster, 1908. — S. Baluze, Vitæ Paparum Aveniuuensinm, Paris, 1693 et la nouvelle édition par G. MoUat, t. I, Paris, 19 16. — Hegestum démentis Papæ V, Rome, 1884-1892, 8 vol. — Les registres des Papes du xiv « siècle publiés par l’Ecole française de Rome. — A. Segré, I dispacci di Cristofuroda Piacenza proeuratore Mantoyano alla corte pontiftcia, dans Archifio storico italiano, série V, t. XLIl^igog), p. 37-96 et XLIV (1909), p. 253-320. — Santa Caterina da Siena, Le lettere, éd. P. Misciatelli, 3 tomes. Sienne, 1912-1913. — F. Novati, lipisliilario di Coluccio Salutati, Rome, 1891-igi i, 4 '^'ol’i'nes. — Les œuvres de Pétrarque, éd. de Bàle, iô81 ; voir surtout la canzone xvi, Italia mia, qui dépeint l'état malheureux où se trouvait l’Italie en 1344 MoNOGRAPHiEs. — C. Wcnck, Clemens V und Heinrich VU, Halle, 1882 (excellent livre). — G. Lizerand. Clément V et Philippe IV le Bel, Paris, 1910 (ouvrage rempli d’inexactitudes). — K. Wenck, Aus den Tagen der Zusammeiikunft Papst Kleinens V und Konig Philipps des Schonen zu l.yon (1305-1306) dans Zeitschrift zur Kirchengeschichte, t. XXVIl, p. 189-203. — V. Inglese d’Amico, Lotta tra Bonifazio VIHe Filippo il Belloe cause determinatrici del trasporto delta sede pontificia in Avigncjne, Belluno, I914- — Sur les guerres qui ensanglantèrent l’Italie au xiV siècle, on trouvera la bibliographie nécessaire dans G. Mollat, Les Papes d’Avignon, 3 « édition, Paris, 1920, p. 129-191. — L. Bréhier, L' Eglise et l’Orient au Moyen Age. Les Croisades, Paris, 191 1. — J. Gay, Le pape Clément VI et les affaires d’Orient, Paris, 1904. — L. Pastor, Histoire des papes depuis la fin du Moyen.4ge, Va.Tis, 1907, 3 « édition(très insuffisante et vieillie pour le niV siècle). — E. AUain, Le registre de Clément V dans La Controverse et le Contemporain, t. XIV (1888), p. 343-376, 642-662 (excellents articles). — C. Hoefler, Vie avignonesischen Piipste, ihre Machifiille und ihr Untergang dans Almanach der Kaiserlichen Akademie der U’issenschaften, 210 année. Vienne, 1871, p. a31285. — J.-B. Christophe, Histoire de la l’apaulé