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PAPES D’AVIGNON

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Sentant ses forces diminuer, Iç pape lit son testament le 9 juin 13n (F. Ehrlb, Der lYachlass Clemens (’, dans Archiv fur /.iteratiir-ttiid Kircliengeschichte, t. V (1889), p. 26). En 131/), le mal empira encore. Clément V s’imagina éprouver quelques soulagements dans un changement d’air et songea à regagner sa terre natale, sa chère Gascogne. Epuisé par la soullraiice, il mourut, le i ! avril 1314, à Roquemaure, dans le Gard.

Quand bien même Clément V eût joui d’une meilleure santé, il lui aurait été impossible de franchir les Alpes au cours des années 1312 et io13. L’entrée du roi des Romains, Henri VII, en Italie avait sulli à révolutionner le pays tout entier. Depuis le ) mai 131a, Rome n’était plus qu’un champ de bataille oii Guelfes et Gibelins se livraient de sanglants assauts. Les troupes napolitaines occupaient le Borgo, le château Saint-Ange, le Transtévère, tous les ponts jetés sur le Tibre. Des barricades se dressaient dans les rues et barraient le chemin vers Saint-Pierre où Henri VII voilait se faire sacrerempereur. Bien plus, le prince traitait le pape en ennemi et protestait de son indépendance absolue vis-àvis du pouvoir spirituel. O.ontre le roi Robert de Naples, il rassemblait une nombreuse Hotte. Et pourtant, le 12 avril 1313, une bulle avait promulgué l’excommunication contre quiconque oserait attaquer le vassal de l’Eglise romaine I Dans de telles conjonctures, peut-on faire un grief à Clément V d’être resté dans le Comtat-Venaissin ? Où eût-il trouvé un asile aussi sûr que là ?

Sous les successeurs de Clément V, Rome, l’Italie, en dépit des protestations et des appels réitérés des populations, demiurèrent inhospitalières à la papauté.

« Ah 1 Italie, séjour dedouleur, écrivait Dante, 

vaisseau sans nocher au milieu d’une affreuse tempête, tu n’es plus la maîtresse des peuples, mais un lieu de prostitution. Maintenant, ceux qui vivent dans tes contrées se font une guerre implacable ; ceux qu’une même muraille et les mêmes remparts protègent, se rongent les uns les autres. Cherche, misérable, autour de tes rives, et vois si dans ton sein une seule de les provinces jouit de la paix. » De fait, la guerre ne cessa pas de dévaster l’Italie sous le ponlilicat de Jean XXII. Un moment, en 1332, le pape songea à franchir les Alpes, à la suite des victoire » remportées sur les Gibelins par son légat, le cardinal Bertrand du Pouget. Il voulait pacilier la Lombardie et la Toscane, puis gagner Rome. Bologne, soumise à l’Eglise, fut choisie comme lieu de résidence. On y Ut des préparatifs de réception. Une citadelle fut édiliée près la porte Galliera.

A Rome même parvint l’ordre de restaurer les demeures pontificales et de rendre les jardins à la culture. La réalisation de la croisade, les instances du roi de France et surtout la rébellion de Bologne coupèrent court aux projets du pape (Notices et extraits des manuscrits, t. XXXV, 2< : partie, p. 417419 ; liegesta Yaticana, t. 116, fol. ai’j r<>, cap. 10961098 et t. 117, fol. io8r", cap. 534).

Au début de son pontiûcat, Benoît XII reçut des ambassadeurs venus pour le supplier, au nom des Romains, de revenir se fixer dans leur ville. Dans un consistoire tenu en juillet 1335, il décida d’un commun accord avec les cardinaux qu’on partirait vers le i" octobre suivant et qu’on transporterait le siège du gouvernement pontifical à Bologne, du moins provisoirement ;  !. M. Vidal, Lettres closes et patentes de Benoit XII, t. I, n. 476. Dans un second consistoire, les cardinaux changèrent d’avis. Us jugèrent à propos de différer le départ pour l’Italie ; car, outre les nombreuses ditricnltés que soulevait le voyage même, ils pensaient qu’un déplacement

du Saint-Siège entraverait les projets de croisadi et la solution d’autres affaires urgentes ; G. Daumet Lettres closes, patentes et curiales de Benoit Xlt, t. I n. 189 et 14 I.

D’autre part, une enquête conduite sur les lieuj montra avec évidence que Bologne était trop agiléi par des séditions pour autoriser le transfert du Saint Siège dans ses murs (A. Thrinbh, C"orfe.r diptomaticu : doininii temporalis Sanciæ Sedis, Rome, 1861, t. I

doc. DCCLXVIII et DCCLXIX).

Les prévisions des cardinaux étaient justes. Bolo gne ne tarda pas à se révolter de nouveau contn l’Eglise. Ailleurs, en Romagne et dans les Marches les seigneurs locaux méditaient de se rendre indé pendants. A Rome même, la révolution dura d 1347 à 1354. La guerre devint inévitable sous Clé ment VI. Elle ne cessa que le jour où la rude épéi d’Albornoz eut réduit à l’impuissance les divers ty rans, petits ou grands, qui troublafent la paix de 1 péninsule. Urbain V crut le moment venu de réta blir la papauté à Rome. Par une rare inconséquenct les Romains, qui désiraient la conserver dans leur murs, s’ingénièrent à l’en chasser. Tandis qu’Ui bain V séjournait à Montefiascone (printemps d 1370), ils lièrent partie avec les Péiugins révolté contre l’Eglise ; le préfet de Vico s’agita. Poussant 1 rébellion jusqu’à l’extrême, Pérouse prit à gage le bandes du condottiere John Hawkwood et les lanç à l’assaut de Viterbe où le pape s’était réfugié. S soumission n’améliora guère la situation, car le routiers à la solde de Bernabô Visconti parcouraiei la riche Toscane et menaçaient d’envahir le Patri moine de Saint-Pierre. Craignant pour sa sùret( mis en défiance par les agissements de ses sujet désirant s’opposer aux hostilités qui avaient d nouveau recommencé entre la France et l’Angletern Urbain V retourna en Avignon.

Le première pensée de son successeur fut de rêve nir en Italie. Les événements contrecarrèrent ceti généreuse résohition durant quelques année*. I 17 janvier 1877, seulement, Grégoire XI débarqua Rome. Il n’y fut pas longtemps en sûreté. Les fa tions romaines s’agitèrent de nouveau. Des b ; ind( armées tentèrent d’escalader les muis du palais poi tilical. Bien plus, un cardinal romain. — Jac’|ue Orsini, semble-t-il, — complota d’attenter aux joui du pape ! (L. Gayet, Le Grand Schisme d’Occiden t. I, p. II).

Si la papauté n’a pas résidé en Italie depuis Cli ment V, c’est donc que l’Italie la chassait hors de se | sein. Vraisemblablement, les papes du xiV siée ont dû conserver présent à la mémoire le souven de l’attentat perpétré à Anagni sur la personne ( Boniface VIII, attentat qu’avait rendu possible’connivence des Romains.

On n’a point encore suffisamment remarqué qi la pensée maîtresse de la papauté avignonaise fut croisade. Parmi les antres nations chrétiennes, France s’était distinguée par son enthousiasme à fcroiser. En 1333, son roi avait été nommé capitaiij général de l’armée chrétienne. A cette épociue, aloi que les négociations entn’la cour de Paris et cel d’Avignon étaient plus actives que jamais, un élo gnement de la France eût mécontenté Philippe VI -, les projets de dép, Trl du pape l’avaient fort ému - I entravé les préparatifs de l’expédition et, sans n doute, compromis gravement le succèg évrntiu Cédant à la pression des événements, Jean XX remit son départ pour 1 Italie à une date ultéreuri »

Lespapesqni sesuccédèrent à vignon — Benoit X’excepté — n’eurent pas moins la hantise de la cro. sade. Malheureusement, cette œuvre grandiose n’étaj réalisable qu’à une seule condition : une paix déÛE ;