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PAPES D’AVIGNON

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a fait un crime d’avoir séjourné hors de Rome ou, à tout le moins, hors d’Italie. On leur a reproché leur servilisine à l'égard des rois de Fiance, leur népotisme, leur luxe, leurs dérèglements moraux, leur Uscalité. J’examinerai tour à tour cliacune des accusations émises contre eux et m’elForcerai d’t'tablir si elles sont oui ou non jusliliées. l. L'étahlissement du Sainl-Siège en Avignun. — II. Le seivtlisme des Pipes d’Ayi^non à l'égard des rois de France. — III. Le népotisme n la cour d' Avignon. — IV. Le luxe à ta cour d’Avignon. — V. Les mœurs à la cour d’Avignon. — VI. La fiscalité des Papes d’Avignon.

I. L'établissement du Saint-Siège en Avignon. — a) Ctirrictère. — Depuis Plah.na, semble-t-il, la généralité des auteurs non-français ont laissé entendre que le séjour de la papaulé hors de R ime l’ut un fait inouï, voire « un scandale " dans les annales de l’Eglise. Cependant, tout évêques de Home i(u’ils étaient, un grand nombre de papes furent élus et couronnés ailleurs qu'à Rome, gouvernèrent le monde d’ailleurs que de Rome..-Vu cours de la dernière moitié du xiii" siècle, la turbulence de leurs sujets rend impossible le séjour de l.i Vill, ^ éternelle aux papes, et les force à émigrer, à tel point <|ue leur séjour à Rome devient exceptionnel. La cour pontificale a déserté Rome, et le pape, transportant ailleurs sa personne sacrée, peut relire avec justice le mot fameux : « Rome n’est plus dans Rome ; elle est toute où je suis. »

Rien n’est plus suggestif à cet égard que le tracé de l’itinéraire des papes durant tout le deuii-siècle qui précède l’inslallalion en Avignon. Après cinq mois et quelques jours de séjour à Roui' », où il se trouve aussi peu libre que possible et entravé dans son autorité par les puissantes maisons féodales ipii se disputent le pouvoir, Benoît XI (iJo3 13u/4) part pour Pérouse, où il meurt..Suivaul le chronic)ueur Ferreto Fkrrbti de Vicence, il songeait à s'établir d’une manière indélinie en Lombardie (Muratoki, Beruni /tiilicarum scriptores, l. XI, col. 1012). Avant lui, Boniface VUI (lag^-iSoS) est bien moins souvent au Latran qu'à. agni, Oi’Vieto, Velletri. (^élestin V (iay4) ne vit pas Rome : élu à Pérouse. couronné à Aquila, il va à Solraona, à Capoue, à Naple-, d’où est datée sa renonciation. Xicolas IV (128-i-r-292).élu à Rome, réside parfois à Sainte-Marie.Majeure ; mais il habileordinairemenl Rieti et Orvieto. H.inoriuslV (1285-1.J87), après son élection à Pérouse, se plaît à Sainte-Sabine ; ce n’e.- ; t qu’au fort des chaleurs de l'été qu’il se réfugiée Tivoli, à Palombaïa..MarlinlV (1281-ia85), un Français, élu à Viterbe, ubi tune residelnit romann curia, ne sort point delà Toscane, nide l’Ombrie. Nicolas 111 (1279- r.>So), élu lui aussi à Viterbe, est couronné par extraordinaire à Rome ; il se partage entre celle ville, Sulri, Velralla et Viterbe. Jean XXI (1276-1277) ne quitta p.is Viterbe, où il avait été élu et où il mourut, enseveli sous les murs de son palais. Innocent V et Hadrien V ne font que pas-er sur le trône pontifical au cours des six premiers mois de l’année 1276..près avoir séjourné deux mois à Rome, Grégoire X (1271-127(3) se rend à Orvielo, puis en France, où il réunit à Lj’ou le xiv concile œcuménique. S’il reprend iecheuiin de rilalie, c’est à petites étapes, avec des arrêts multipliés dans « la douce terre de Provence » Il passe àOrange, à Beaucaire.à Valence, revient à Vienne pour regagnerl’Italieparla Suisse, et meurtà.rezzo. Le Français Clément IV (1265-1268) ne signe pas un seul acte de Rome ; ilvaà Pérouse,.ssi, se, Orvieto, Montefiascone, Viterbe. Urbain IV (1261-126'i), un Français encore, n’a que trois résidences : Viterbe,

Monteliascone, Orvieto ; il meurt en litière, sur la route d’Orvielo à Pérouse. Elu et couronné à Naples, .lexandre IV (125/1-1261) affectionne. agni, Viterbe ; au début et an terme de son pontilical, il demeure quelques mois au Latran et exi>ire à Viterbe. Innocent IV (124^-125^), cntin, élu et consacré à. agni, ne passe à Rome que de courts moments ; il est obligé de fuir devant Frédéric II et de se réfugier à Lyon de 12/(4 à 12, ^1 ; qua : Kl il rentre en Italie, c’est pour s’installer dans la tranquille Ombiie.puis à Naples, où il meurt (Potthast, Regesta pontifictim roiii.inorum, Berlin, 1871-1875, passim, et les registres des papes du xiii siècle, publiés par les élèves de l’Ecole française de Rome).

Il serait encore facile de remonter plus liant dans l’hisloire. Grégoire IX (1227-1241), qui ri gna environ quatorze ans, en passa plus de huit hors de Rome. En 120g, l’incoustance des Romains poussa vraisemblablement Innocent III à établir les bases d’un Etal ecclésiastique au delà des.lpes. lîn vertu d’une convention passée avec Raymond VI de Toulouse, le Saint-Siège reçut en Provence sept châteaux comme gage de la conversion du comte. Celui-ci ayant embrassé à nouveau l’erreur albigeoise, les sept châteaux échurent à l’Eglise romaine, qui les céda plus tard à Rayinoml VU, en échange du Goiulat-Venaissin (22 avril 1329) ; cf. Hi : Fia.B-I^ii( ; LKHc.Q, Ustoire des conciles, Paris, I913, t. V, 2' partie, p. 1281, 1396, 1492. D août 1099 à janvier iiy8, le S liutSiège resta 55 ans et quehjues mois hors de Home, et 8 ans et demi en France. En résumé, comme on l’a calculé, « de 1100 à 1304, soit 204 ans, les papes sont demeurés 121 ans hors de Rome, et 82 ans dans Rome : soit une dilférence de 40 ans en faveur de l’absence » ; cf. L. Gav’et, Le Grand Schisme d’Occident, Florence, 1889, p. 3.

Ainsi, l'établissement de la papaulé hors des murs de Rome, au xiv° siècle, ne constitue pas une révolution inouie ; il est la conséquence naturelle d’une longue suite de circonstances et d'évéuenic-iits. Ce qui est vraiment extraordinaire et sans précédent, c’est le séjour prolongé hors d’Italie. Cherchons-en les causes.

b) Causes de rétablissement du Saint-Sii’ge en Av’gnon. — Le chroniqueur Ptolrmke db Licquks a rapporté qu’aussitôt élu pape, Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, » délibéra de lixer sa résidence dans le Comtal-Venaissin et de ne jamais passer outre-monts » ; cf. Baluzk Mollat, l’ilne Paparum Aveniunciisium, Paris, 1917, t. I, p. a’i. Il a commis une méprise. Certes, les lettres des cardinaux, nolilianl l'élection, étaient plutôt rédigées de façon à détourner Clément V de l’Italie. Elles déIieignaient ce pays comme livré à l’anarchie et les Etals de l’Eglise comme ruinés par la guerre (.Mansi. Concdinrnm nova et amplissini’i coUectio, t. XXV, col. 127) Malgré cela, le Pape annonça son intention de gagner l’Italie dès que la paix aurait été conclue entre les rois d’Angleterre et de France, et la Cioisade organisée. Il fixa le lieu <le son couronnement en terre d’Empiie.en Oaupliiné.à Vienne, ville située sur la route d’Italie (lettre du 2Ô aoùl 1305, dans C. Wrnck, Clemena V und Jleinrich l'/f, Halle, 1882. p. 169). -A. son couronnement il ii’i^ivita qu’nn nombre restreint de cardinaux, diiix évêques, deux prêtres et d^ux diacres (dépèihe adressée an roi d'.i’agon, dans H. Finkk, Acta.Iragonensin. Munster, 1908, t. I, p. lyg).

Si, par la sui : e. Clément V changea de projets, il persista dansson intention de quitter la France, où des circonstances imprévues l’avaient retenu. En l306, Jean Bnrgundi écrivait de Bordeaux au roi Jayme II d’Aragon : a Le Pape signilia [aux cardi-