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MARIE, MÈRE DE DIEU

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Pour la troisième fols, l’ange s’adresse à la Vierge : il lui découvre le comment de sa maternité miraculeuse ; il achève de l’éclairer sur la dignité de son Fils, qui ne sera pas seulement Messie, au sens que la tradition d’Israël attachait à ce litre, mais proprement Fils de Dieu ; il lui donne un signe, destiné non à déterminer sa foi, dès lors entière, mais à l’airermir : une femme longtemps stérile est devenue mère ; Dieu, à qui rien n’est impossible (cf. la parole de l’ange à Abraham, Geii., xviii, li)), a fait ce miracle ; il en fera un autre plus grand, et rendra mère une vierge.

Dès lors, le doute de Marie est résolu : servante du Seigneur, elle donne l’acquiescement requis pour l’accomplissement du mystère, et de son Fiat date l’Incarnation du Verbe.

Le dogme de la maternité divine a ici son point d’appui inébranlable. Si Marie a conçu par l’opération du Saint Esprit, Jésus ne laisse pas de lui devoir tout ce qu’un lils doit à sa mère ; il est même, en un sens, plus exclusivement son Fils, n’ayant point de père ici-bas. Le Verbe fait chair est appelé Fils de Dieu et Dieu lui-même, à raison de sa préexistence éternelle au sein du Père (Luc., i, 35 ; loan., I, 14. I. 3. 18). Il est d’autre part appelé fils de Marie, à raison du lien qui unit son humanité à la Vierge mère. C’est pourquoi, en toute rigueur, Marie est mère d’une personne divine ; elle a droit au titre de Mère de Dieu. — S. Tuomas, III, q. 35, art. 4 Parmi les défenseurs non catholiques de la conception virginale, on peut lire avec fruit Ch. Gore, évoque anglican de Birmingham, Dissertations un siihjects connectée nitlt tke Incarnation, diss. i, Londoii, 1907.

Luc, 1, 39-50.

Marie, se levant en ces jours-là, s’en alla en hâte au pays des montagnes, ilans une ville de Juda ; elle entra, dans la maison de Zacliarie et salua Elisabeth. Or dt-s qu’Llisabeth entendit In salutation do Marie, son enfant tressaillit dans ses entrailles ; Elisabeth fut remplie du Saint Esprit et, élevant la voix, s’écria : « Bénie eles-vous entre les femmes, et béni le fruit de vos entrailles ! Et d’où m’arrive [cet honneur] que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Car aussitôt que votre parole do salutation a frappé mes oreilles, mon enfant a tressailli de joie dans mes entrailles. Heureuse étes-vous d’avoir cru, car elles s’accompliront, les choses qui vous ont été dites de la part du Seigneur. » Et Marie dit :

M Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit tressaille en Dieu mon Sauveur : parce qu’il a regardé la bassesse de sa servante. Car voici que désormais toutes les générations m’appel [leront bienheureuse,

parce que le Tout-Puissant a fait en moi de grandes Son nom est saint ; [choses,

sa miséricorde (se répand) d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

Il a déployé la force de son bras,

il a dissipé ceux qui s’enorgueillissaient dans les pensées

[de leur cœur.

Il a déposé les puissants de leur trône et exalté les hum [bles ;

Il a comblé de biens les aU’aïués, et renvoyé les riches

[les mains vides ;

Il a pris soin d’Israël, son serviteur, se souvenant de sa miséricorde, selon la promesse qu’il avait faite à nos pères, envers Abraham et sa race, pour toujours, »

.Marie demeura avec Elisabeth environ trois mois, puis retourna dans.sa maison.

L’exclamation d’Elisabeth visitée par Marie traduit s » s félicitations joyeuses et son admiration pour l’œuvre de Dieu en sa cousine. Quand une femme devenait mère en Israël, ses proches se

réjouissaient avec elle (cf. E.rod., xxiii, 26, et, pour Jean-Baptiste, Luc, i, 58). Les félicitations d’Elisabeth s’expriment dans le style de l’Ancien Testament (cf. ludic, V, 2^ : henedicta inter niulieres luhel uxor llaber Cinæi…, luditli, xiii, 26 : Ilodie nomen tuum ita magnificavit (Dominus) ut non recédât laus tua de ore hominum). Mais ici, la bénédiction donnée à la mère se mesure à la grandeur de son Fils, qui doit être béni et glorilié par-dessus toute créature. Comme le protévangile associait l’inimitié de la race de la femme contre la race du serpent à l’inimitié de la femme contre le serpent, ainsi la salutation d’Elisabeth associe deux bénédictions ; gloriliant à la fois la Mère et le Fils.

Le cantique de Marie, tissu d’allusions bibliques, renvoie à Dieu la gloire des grandes choses qu’il a faites en son humble servante. La mère du Rédempteur ne peut ignorer que toutes les générations l’appelleront bienheureuse. Anciennement, Anne, mère de Samuel, préludant de loin au Magnificat par son cantique (1 Sam, , 11, i-io), avait célébré le salut attendu de Dieu ; à meilleur titre, Marie célèbre le salut présent.

Il y a quelques années, sur la foi d’une leçon aberrante, des critiques protestants ont révoqué en doute l’attribution à Marie du Magnificat, et l’ont revendiqué pour Elisabeth. Il n’y a pas lieu de reprendre ici cette question, déjà traitée dans le Dictionnaire à l’article Evangiles, t. I, 1621-1623. Avec toute la tradition chrétienne, nous maintenons l’attribution de ce cantique à Marie.

Malt., I, 18-25 :

Or la naissance du Christ arriva ainsi. Sa mère, Marie, (tant liancée à Joseph, avant qu’ils eussent commencé d’habiter ensemble, se trouva enceinte par la vertu de rEsi)rit Saint. Joseph son époux, <’-tanl juste et ne voulant pas la dllTamer, se proposa de la renvoyer secrelenient. Comme il avait forcné cô projet, voici qu’un ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : <( Joseph, fils de David, no craitis pas de prendre chez toi.Marie ton épouse, car co qui est conçu en elle ^’ient de l’Esprit-Saint, Elle enfantera un lils, tu l’appelleras du nom de Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés. >' Tout cela arriva pour l’accomplissement de la parole que le Seigneur a dite par le prophète ; Voici quf la Vierge concevra et enfantera un fils et on l*appellera du nom d’Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous Réveillé de son sommeil, Joseph lit comnïe lui avait ordonné l’ange du Seigneur, et prit chez lui son épouse. Et il ne la connut point, jusiju’au jour où elle enfanta son fils [premier-né] ; et il l’appela du nom de Jésus.

Dans Mat., i, 25, r^wTiTwov, premier-né, est omis

par B et X. C’est ici probablement une glose, empruntée à Luc, H, ’j.

Le commencement de ce récit nous ramène vraisemblablement au temps où Marie, liancée à Joseph

(/j.vr, 7ztj(iîtTr, ^, cf. l.nc., I, 2^ : T.y.rJlij’.v’5/jtv-/ : 7T£u^u£v/ ; y)

n’habitait pas encore sous son toit. L’introduction de l’épouse dans la deræuie de l’époux mettait lin à la période des fiançailles ; c’est cette démarche qu’exprime ici 7J « /5cîv, plus loin vv.f, y-’/ » Cttv, 20, 24. Au cours de cette période précédant la réunion sous un même toit, Trp’i-j imiBiXj kOtw ; , la grossesse de Marie fut remarquée par Joseph. S^vi/6’icv ne désigne pas les relations conjugales : pour ces relations, le mot des évangélistes est : /lituTzscj, voir Matt., i, 25 ; Luc, i, 34. El ainsi tombe une difficulté opposée dès le quatrième siècle à la perpétuelle virginité de Marie.

Pourquoi Joseph songea-t-il à rompre secrètement avec Marie ? L’évangéliste dit assez clairement que ce fut par délicatesse de conscience Mais encore : avait-il conçu un doute sur la vertu de son épouse, et se croyait-il, aux termes de la Loi, tenu de la quitter ? Cf. Lev., v, i ; Prov., xviii, 22. Cette idée se présente