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2' L’Idée d’infaillibilité dans cette lutte. — l>es mandements de la majorité ]iour la bulle t’ni^'enitiis, un contemporain, Soardi, nous a transcrit de longs extraits, qui font voir l'étal des esprits. Peu d'évêques soutiennent ouvertement l’infaillibilité personnelle du Pape. La plupart, quelle que soit là-dessus leur pensée intime, prennent une position moins irritante pour les adversaires, et qui suffît contre eux.

M. Diî GoLONGUB, év. d’Apt, est des plus infaillibilistes. Dans un-mandement du ao décembre 1717, après avoir cité sur les prérogatives du Saint-Siège plusieurs témoignages bien capables d’impressionner des gallicans et donnés plus haut par nous, celui de Pierre d’Ailly admettant l’infaillibililé au nom de l’ancienne Sorbonne, celui de Marca, et la lettre des évêques de France à Innocent X sur les cinq propositions (voir col. 1436, 1454, 1455), il dit :

« Celte prérogative même (d'être le centre de l’unité) est

une pieiive authentique des deux j » récédentes…, savoir, d'être le juge et l’arbitre de toutes tes questions de doctrine qui 8 élèvent dans le monde clirétien, et d'èti-e toujours pure dans la foi… Toutes les E-.-'îises chrétiennes se font un devoir de porter au Satnt-Sièg"e toutes les nouTeautés en fait de dogme qui naissent dans leur sein ; et si ce trône de Pierre, qui est le centre de l’unité, venait à être infecté de quelque erreur, il n’y a pas de doute qu «  sa corruption se communiquerait aux antres ijui en dériTent et qui y Vont aboutir. On osera peut-être avancer ici que ces novateurs mettent une grande dill'érenre entre le Saint-Siège et celui qui l’occupe ; qu’ils protestent, dans tous leurs ouvrages, avoir un grand respect et une grande soumission j^our les décisions de cet auguste tribunal. qu’ils le reconnaissent infaillîtïle, tandis qu’ils condamnent d’erreur celui qui y est assis. Distinction abstraite, et inventée par 1*'S hérétiques pour éluder leur condamnation. distinction que saint Gyprien n’a jamais connue, juiisqu’i] prétend que ciiaque Eglise est dans son évéque, Ecclesia m episcopo… Distinction condamnée par saint Pierre Damien, qui disait au Pa[ »e ; Vous êtes vous-même ce Siège apostolique, vous êtes l’Eglise romaine : ce n’est pas à cette masse de pierres dont elle est formée, que j’ai recours, mais seulement à celui en qui réside toute l’autorité de cette méiue Eglise.)i Soaudi. Df suprema hiomani Pontificis auctorilair, etc., Avignon, 1717, t. I, p. 190.

Ecotitons maintenant d’autres évêques qui n’attaquent point cette distinction alors à la mode chez les novateurs, ni ne se posent en défenseurs de l’infaillibilité du Pape qui était odieuse à ceux-ci. — Ainsi FiiNELON, fidèle à sa méthode, dans une instruction pastorale du 29 juin 1714, Qui fut très appréciée à Rome, se contente de tourner contre les exigences extrêmes du parti quesnelliste les documents de la tradition pour l’infaillibilité ; telle la formule du Pape HoRMisD.^s ; telle aussi la condamnation du pélagianisme par les Papes, si applaudie par saint Augustin :

« On a envoyé, dit saint Augustin, au Siège apostolique les

actes de deux conciles particuliers d’Afrique sur cette cause. // est venu des rescrits de Rome. La cause est finie. Plaise à Dieu que l’erreur finisse aussi. » Rien n’est plus clair… Avant les rescrits qui viennent de Rome, les deux conciles d’Afrique ne finissaient point la cause ; mais elle fut finie dès que les rescrits de Rome furent venus. Représentons-nous maintenant saint Augustin comme s’il vivait encore au milieu de nous ; supposons qu’il parle à ses faux disciples, comme il parlait aux pélagîens. {( Rome, G lui dit le P. Quesnel, a frappé d’un seul coup cent et

« une vérités (ses 101 propositions) dont plusieurs sont
« essentielles à la religion ; j’offre de le démontrer » 

(/// mrmoire^ Avertissl., p. 13). Taisez-vous, lui répond le Saint Docteur, la cause est finie] pourquoi l’erreur ne l’esl-elle pas aussi ?,.. Si le P. Quesnel soutient encore que les pro|)ositiot18 cond ; ininées sont mot pour mol de saint Augustin et que c’est le censurer lui-même que de flétrir ces propositinns (Ibid., p. 71, '74), le saint Docteur… confondra ainsi ces téméraires écrivains ; O vous qui vous vantez faussement de suivre ma doctrine, apprenez de moi

que je n’en ai point d’autre que celle de l’Eglise. Taisezvous, la cause est finie. Luther et Calvin se sont vantés comme vous de réi'éler mot pour mot ce que j’ai enseigné. C’est le langatje de tous les novateurs. Comment n’abuseraient-ils pas de mon texte, ceux qui abusent avec tant d’artifice de celui des Saintes Ecritures ?.. » : Enfin si le parti crie, comme les pélagiens, qu’on n’a a-^semhlé aucun concile général, que répondra saint Augustin ? « Quoi donc ?

« a-t-on besoin d’assembler un concile, poiir condamner

(( un--" doctrine évidemment pernicieuse ? Comme si aucune (( hérésie n’avait été condamnée sans un concile assem(( blé ! Ne voit-on pas, au contraire, qu’il y a eu très peu fl d’hérésies pour lesquelles on se soit trouvé dans une (( telle nécessité? » [Centra duas eptsi, Pelag. ^Vw. IV, n. 34.)Fknei.ok, Œuvres, t. V, p. 173, 17'i.

On trouve l'écho de cette belle Instiiiciion pastorale dans le mandement donné en fjiS par M. de Mailly, archevêque de Reims, qui fournil de nouA-elIes preuves de l’autorité doctrinale et de la pureté de la foi du Saint-Siège, tirées surtout de la tradition orientale, SoARDi, loc. cit., p. 21 3, 21 4 ; — dans le mandement (1722) du cardinal db Bissy, successeur de Bosstiet sur le siège de Meaux, Ihid., p. 185 ; — etc.

D’autres cniin, comme Languet, alors évêque de Soissons, ne craignaient pas de laisser de côté expressément l’infaillibilité du Pape, pour se retrancher dans l’indéfectibilité du Saint-Siège et sa pureté dans la foi. Cette position, qu’elle fîitjirise par conviction ou seulement orf hominem, était assez opportune dans les circonstances où l’on se trouvait. Ayant alTaire aux extrémistes du parti de Quesnel, qui en venaient par la passion à nier toute prérogative de Rome, c'était un gain de leur en faire admettre au moins quelqu’une, et de montrerqu’ils n'étaient pas raisonnables. D’autre part, après les dcCnitions réitérées de plusieurs Pontifes contre les erreurs jansénistes, quand on renouvelait ces erreurs comme le faisait en réalité Quesnel, ce qui était en jeu n'était plus l’infaillibilité personnelle d’un Pape isolé, c'était vraiment l’indéfectibilité même Un Saint-Siège dans la foi. A défendre celle-ci, on allait donc au plus pressé ; et l’on avait encore l’avantage d’alléguer pour elle des témoignages non suspects aux gallicans. C’est ce que fait Langiet dans son.Second avertissement aux appelants de son diocèse, en 1918.

« C)n s’efforce, dit-il, de vous détacher peu à peu

(de l’Eglise de Rome) par le moyen de ces libelles insolents qui, sous le nom de la cour de Rome », font de cette Eglise des peintures odieuses, qu’ils ont empruntées des calvinistes. Il n’est pas question ici, mes T. C. F., delà faillibilité ou infaillibilité du Pape. Je ne prétends nullement favoriser les sentiments des docteurs ultramontains… mais vous montrer ce que les auteurs les plus attachés à nos libertés, les plus déclarés contre les sentiments des ultramontains, ont reconnu comme des vérités constantes. »

Il cite trois témoins non suspects : 1° Le janséniste Nicole (-f- lôgS). — « Si le Pape, dit Nicole, était tombé dans quelque erreur touchant la foi (ce que le clergé de France suppose possible), s’ensuit-il qu’il pourrait arriver qu’on se séparât avec justice de la communion du Siège de Rome, et que l’Eglise de Rome pourrait devenir hérétique, comme les Eglises de Constantinople, d’Antioche, d’Alexandrie, le sont devenues ? liéponse : Non, la doctrine de ceux qui rejettent l’infailliliilité personnelle du Pape est que Dieu ne permettra jamais que le SaintSiège ou l’Eglise de Rome tombe dans aucune erreur qui lui fasse perdre la foi, et qui la fasse retrancher de la communion de l’Eglise. La raison en est que, l’Eglise devant toujours avoir un chef et n’en