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MARIE, MERE DE DIEU

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à qui était fiancée la vierge Marie (au lieu de : Joseph épuiix de Marie, que porte le teste reçu), l’inteulioii du rédacteur ressort clairement des niodilications qu’il introduit au verset 21 : n elle (’entendra un (ils « ; au verset 25 : « elle lui engendra un lils ». Ce qu’il veut, c’est mettre en relief, d’une part la naissance virginale de Jésus, d’autre part son appartenance à Joseph comme à son père légal. Et donc, en disant que Joseph engendra Jésus, il a en vue la lilialion légale. Il en est de même du texte cité par le juif Aquila, dans le dialogue grec entre Timotlice et Jquila, édité par F. C. Conybearb, Anecduin Oioniensia classica, ser. VIII, 1898. — Sur toute cette discussion, voir A.DunANn, /.’enfance de Jésus-Christ, p. XIV et pp. 79-83. — Notons encore que le plus ancien fragment manuscrit de nos évangiles grecs présente Mt., i, 16 sous sa forme traditionnelle : ’Ï ! >.x’JiQ ô’i’r/ê’yvï ; 7£y 'I’j>7v ; c. tÔv V-vê/^v M&^jCtaç, eç ^^ ï-jivvr^Of, l/jToii ; i’, v/-jjj.ivii XpiTT-i. (Papyrus publié par Grbnfell et HuNT, Oxyrrhynclius Papyri, vol. I, n. 2, p. ^.6. — iii’-iv" siècle.)

Le nom de la vierge était Marie. Ce nom prédestiné, déjà porté par la sœur di- Moïse (Ex., xv, 20), a été rattaché à diverses racines, et on y a trouvé divers s3’mbolismes. Saint Jéhôme, Onomastica sacra, éd. P. de Lagarde, p. 62, Gôtlingen, 1887, mentionne quatre étymologies.illiiminatrix me « , ou 17/ » minans eos, ou zniyrna maris, ou Stella (stilla’i) maris. D’autres entendent « la souveraine » ou a la bien-aimée ». Qu’il sullisc de renvoyer à la monographie de Bardknhrwkb, Der Name Maria, Freiburg, 1895.

Les évangélistes synoptiques ont coutume d’appeler Marie par son nom ; l’évangéliste saint Jean dit de préférence : « la mère de Jésus. »

L’ange salue Marie pleine de grâce : Xr^.îp-, xtyv.pi-TwyutV /). C’est là un hommage absolument unique. Dieu qui, dès l’Ancien Testament, exigeait de ses prêtres tant de pureté extérieure (Ex., xxx, ig-20 ; Acv., XXI, etc.), qui, par sa grâce, met lui-même dans les àræs les dons qui les rendent agréables à ses yeux, daigne certilierpar la bouche de son messager que Marie réalise le programme du bon plaisir divin et qu’il est avec elle. D’autres personnages saints, dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, reçurent l’assurance de la grâce divine qui se reposait sur eux ; tels Jacob, Gen., xxviii, 14 ; Moïse, £’j-., iii, 12 ; saint Paul, Eph., i, 6 ; ou bien nous sont présentés comme pleins du Saint Esprit, pleins de grâce ; tel saint Etienne, Ad., vi. 3-8. Mais leur plénitude n’approche pas de celle de Marie, constamment prévenue d’une grâce singulière. La plénitude de Marie ne se peut comparer qu’à la plénitude inQnie du Verbe incarné, de qui nous vient toute grâce (/o., I, 14-it>), sur qui s’est reposée la complaisance du Père (Mat., iii, 17 ; xvii, 5).

Sur ce témoignage divin, gage de la victoire remportée par Marie sur l’ennemi du genre humain, s’est toujours appuyée la croyance de l’Eglise à l’éminente sainteté de Marie. C’est à en développer le contenu que s’appliquera l’hommage des siècles chrétiens. Dans cette plénitude de grâce, la théologie catholique trouvera renfermée la préservation de la tache originelle, avec d’autres dons départis à l’homme avant sa chute.

Or Marie, si sainte qu’elle fut, n’était encore qu’au début de sa carrière : désormais elle va porter en elle l’Auteur même de la grâce et participer de plus en plus à sa plénitude ; d’elle, comme du vaisseau de toute grâce, le salut s’épanchera sur le genre humain.

Devant l’éloge, elle s’est troublée : à cette incomparable grandeur morale, la seule mention de sa

propre excellence paraît une usurpation, un attentat sur l’honneur dû seulement au Seigneur. Il faut que l’ange, prenant de nouveau la parole, la rassure et lui répète qu’elle a trouvé grâce devant Dieu. Marie apprend qu’elle est destinée à une glorieuse maternité : pour une vierge d’Israël, versée dans la connaissance des Ecritures, le Fils qu’on lui promet en termes si inagnifupies est immédiatement reconnaissable. Fils du Très-Haut, Filsde David, Roi dans la maison de Jacob. Ces titres ne conviennent qu’à Celui à qui le Seigneur dit dans le Psaume 11, 7 : K Tu es mon Fils ; aujourd’hui je t’ai engendré. » Les autres lils de Dieu, dont il est écrit, Ps., xxxi. G : 9 Vous êtes des dieux, fils du Très-Haut, vous tous », sont infiniment au-dessous de sa majesté. D’ailleurs tout dans la pensée, dans la diction même, dénote aux yeux les moins [irévenus une donnée proprement araméenne. Rendons à Strauss cette justice ([u’il a senti l’invraisendilance, l’absurdité même d’une infiltration mythologique en pareil lieu. Mieux avisé que tel critique récent, il n’hésite pas à laisser â l’antiquité païenne, Hercule, Castor et Pollux, Pythagore, Platon, Alexandre, Ilomulus, et autres prétendus lils d’un dieu et d’une mère mortelle : entre la donnée chrétienne et ces inventions, il y a toute la distance d’Israël à l’Hellade. Disons mieux : il y a toute la distance du ciel à la terre.

En écoutant la parole d’en haut, Marie détache sa pensée d’elle-même pour ne considérer que la puissance de Dieu. Mais un doute nait dans son esprit : entre la maternité que Dieu lui promet et la virginité qu’elle entend garder toujours, quelle conciliation ? Il faut bien admettre que l’oracle d’isaïe sur la mère de l’Emmanuel n’avait pas été par elle pénétré à fond, puisqu’elle interroge : le voile qui cachait aux enfants d’Israël le mystère de Jésus ne sera levé, pour Marie elle-même, que par degrés. Mais gardons-nous de prendre le change sur la pensée de la Vierge. Elle n’a pas manqué de foi à la parole de l’ange, en cela différente de Zacharie père de Jean. Non de effectn diihitavit, sed qualitatem ipsins qiiæsivit effectus, dit saint Ambroise, soulignant la différence des deux attitudes. In l.uc, II, i^15, P. £., XV, 1558. Marie expose naïvement l’ignorance où elle est, touchant des voies de Providence si entièrement nouvelles à ses yeux, et affirme une résolution qu’elle lient pour irrévocable.

La tradition a vu ici la preuve que Marie avait dès lors fait à Dieu un don irrévocable d’elle-même par le vœu de virginité. Ainsi déjà saint Auoustik, De sancta virginitate, iv, P. /,., XL, 3g8. Saint Thomas pense qu’un tel vœu ne pouvait être absolu avant l’union de Marie avec Joseph, p. III, q. 28, art. l. SuARKz, tout en distinguant le simple désir du vœu formé, passe outre aux difficultés que présente le vœu formé dans un âge plus tendre. De même, R. M. DR LA Broise, La sainte Vierge, p. 70, analysant les intentions de la vierge :

« Eu prenant un engagement si nouveau en Israël, 

Marie ne croyait pas, comme on l’a dit parfois trop légèrement, qu’elle renonçait à devenir mère du Messie. Mais elle ne songeait pas non plus qu’elle allait au-devant de cette maternité. Bien éloignée de penser pour elle-même à une dignité si haute, et pleinement dégagée de toute considération personnelle, elle regardait Dieu seulement ; son unique et très pure intention était de lui plaire. Ayant d’ailleurs l’expérience intime des touches de la grâce et sentant qu’elle suivait en cela la direction de l’Esprit de Dieu, elle s’abandonnait à sa conduite : sans rien prévoir, elle s’en remettait à la Providence des difiicultés où pourrait la jeter sa décision, à l’âge où toutes les autres prenaient une voie différente. »