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PAPAUTE

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4= Epoque : La crise aiguë des « appelants » et des parlements de Louis XV, avec ses conséquences jusqu’au concile du Vatican.

Niius examinerons : J. la i)reniière Intle contre la bulle L’nigeriiliis, avec dnnger, pour l’épiscopiil français, (l’un schisme avec Rome ; /i. l’usurpalion des droits épiscopaux et royaux par le parlement de Paris, devenu chef du jansénisme et de l’ultragallicanisme (à partir de 1 780) ; C. l’écho, à l’étranger, des maximes parlementaires et de la crise ultra-gallicane, et par suite, diminution des défenseurs de l’infaillibilité dans le monde catholique ; /). les conséquences de la ii ; rme crise en France, après Louis XV ; E. les progrès de la doctrine infaillibilisle dès le début du pontilicat de Pie IX ; F. le concile du Vatican.

A. La première lutte contre la bulle Unigenitus,

arec dani ; pr, pour l’épiscopal français, d’un scliisme arec Hume. — Nous doimerons : 1° Le résumé des faits ; 2° l’idée de l’infaillibilité dans cette lutte.

i" Résumé des faits. — Quanta la composition du livre du janséniste Quksnul : Réflexions morales sur le A’. Testament, et à l’accueil varié qu’il reçut d’aborii, voir Jansknismk, col. 1173, 117^. L’ouvrage contenait, sous des formes habiles et onclueuses, non seulement le baïanisme et le jansénisme, mais encore cet ultra-gallicanisme dérivant de llicher et dont nous avons signalé plus haut le fâcheux développement durant la seconde partie du xvu" siècle, surtout parmi les jansénistes militanls ; de là ces tendances schisnialiques auxquelles Bossuet avait opposé en 1682 son gallicanisme modéré ; voir art. cité, col. 1 176.

C’est Louis XIV lui-même qui sollicite directement une liulle de Clément XI sur le livre de Quesnel : la bulle l’nigenilus paraît en septembre 1713, après un an et demi d’examen de la cause à Home, loc. cit. — C’est encore le roi qui aussitôt groupe dan s une assemblée extraordinaire les prélats alors à la cour, et fait accepter absolument la bulle par une majorité de 40 de ces évcques contre 9, puis en 1714 par la Sorbonne et les autres Facultés de théologie du royaume. On espère gagner la minorité, déjà réduite à 8 ; ces quelques évêques servaient de centre de ralliement à tous les partisans de l’ultra-gallicanisme. La majorité entreprend auprès d’eux d’instantes démarches, continuées après la mort du roi, mais déjà plus difficiles et plus audacieusement déjouées ^ar les tristes ruses de Noailles, le principal des 8 opposants. Voir art. cité, col. 1177 1179.

Ainsi les modérés, avec le roi, continuaient à se rapprocher de Rome. Au contraire les extrémistes s’en écartaient de plus eu plus, et ce désaccord croissant ailait éclater en de graves événements, après la mort de Louis XIV, avec les évêques appelants et le danger d un schisme national.

Quatre de ces évêques opposants, en 1717, appelèrent de la bulle « au futur concile » : nous avons vu que ce genre d’appel était condamné à Rome, depuis le milieu du xvi* siècle au moins, comme a erroné et détestable » (D. B., 717). Ces u appelants » eurent liienlôt l’adhésion des principaux parlenienlaires et de beaucoup de laïques, d’environ deux mille prêtres et moines, et même de la Sorbonne, suivie par plusieurs autres facultés de théologie. La Sorbonne raya de ses registres son décret de 1714, par lequel elle avait accepté avec respect et soumission > labulle L’nigenilus. Pour toute raison, elle dit qu’elle avait enregistré, mais non accepté la bulle. Contre cette mauvaise foi et cette rébellion, plusieurs docteurs, comme le savant Toubnely, firent une opposition énergique ; mais le nombre

l’emporta et priva même ces opposants du droit d’assisler aux assemblées. Jageh, t. XVllJ, p. 7.

Comment cette célèbre Faculté de Paris, si ferme encore en 1682 contre l’anti-infaillibilisme relativement modéré de Uossuel, avait-elle pu en venir à de telles extrémités, 35 ans après ? C’est qu’aussitôt après 1682, ministres du roi et parlementaires comme Harlay s’étaient acharnés à l’épurer et à la domestiquer : par exemple, en faisant retirer le droit de vote dans les assemblées de Sorbonne aux plus sûrs défenseurs du Pape et de l’infaillibilité i>onti(icale, c’est-à-dire à ces docteurs depuis longtemps jalousés, qui appartenaient aux ordres religieux ; et quant aux autres défenseurs de la Papauté, en les menaçant et traquant individuellement de toutes manières, tan-I dis qu’on réservait les faveurs aux docteurs richéristes et qu’on prenait quehiu’un d’entre eux, le plus en main, pour l’imposer à la Sorbonne comme syndic, sanslaisser désormais son électionlibre.Unjour, comme on reprochait à un syndic ainsi imposé, Lrfèvre, d’avoir favorisé une cabale, sa réponse, conservée dans les Mémoires de l’abbé Leoendbe qui l’avait « fort connu », mérite d’être citée comme dépeignant la situation :

n Nous sommes plus à plaindre qu’h hlvnier. dît ingénument le syndir ; la Faculté a toujours été et soru toujours le jouet et 1 esclave des puissances qui la dobiincnt : de la cour, parce que d’un irait de plume elle peut casser tous nos privilèges ; du parlement, parce qu’il le.- ; restreint et les étend coinme il lui plaît ; et [irincipaleinent de l’archevêque (îe Paris, ptirce que la plupart de n^us ne vivant que de prêche, il peut, quand il lui plaira, nous Ater le pain delà main. » — « Quelle pitié, ajoute Legendre, qu’une conipasi-t ie d’ecclésiastiques, qui font serment fie soutenir la vérité jusqu’à refTusion du sang, changent, selon les temps, de maximes et de sentiments, en choses Uiéme les plus graves ! « Mémoires, Paris, ISGo, p. 229.

A l’époque où nous sommés arrivés, un archevêque de Paris ne manquait pas, pour entraîner à l’enoontrede leur conscience lesdocteursdeSorbonne et bien d’autres ecclésiastiques et la’iqucs : c’était Noailles. Appelant » lui-même, il tenait son appel secret, tout en se prêtant à des négociations avec les autres évêques, dupés toujours par sa mauvaise foi. En 1718, Clément XI fait condamner les appels par le SaintOiriee, puis, par son bref Pastoralis, expose à tous les Udèles les indignes procédés des chefs de la secte, et excommunie ceux qui refusent obéissance à la Bulle, « de quelque dignité qu’ils soient, même épiscopale, archiépiscopale ou cardinalice ». Aussitôt Noailles, publiquement cette fois, appelle de ces nouveaux actes pontilicaux, comme de la constitution Unigenitus, au futur concile, tandis que le parlement I)rocède contrôle brel Pastoralis, et demeure désormais constamment hostile aux acceptants et au Saint-Siège.

On peut voir à l’art. Jansknisme, col. 1179, comment le schisme, de plusen plus menaçant, fut évité, grâce aux innombrables démarchesde l’abbé Dubois, et à un accommodement obtenu enfin entre la majorité des évêques et Noailles, qui en 1720 accepta officiellement la constitution l’nigenitus, dont l’enregistrement comme loi du royaume fut eniin arrachée au parlement par les efforts du Régent et de Dubois ; et col. 1180, comment, après une nouvelle intrigue de l’archevêque de Paris, contre laquelle réclama Clément XI avant de mourir, après la nouvelle révolte d’un des premiers évêques appelants, celui de Senez, et sa condamnation et rélégation par le concile d’Embrun (1727) sous Benoit XIII, Noailles, peu avant sa mort (1729), publia un mandement de soumission au Pape.