Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/746

Cette page n’a pas encore été corrigée

1479

PAPAUTÉ

1480

l’autorité pontiOcale ». Le même jour, le roi écrivait au Pape : « J’ai donné les ordres nécessaires pour que les clioses contenues dans mon édit du 22 mars 1682 touchant la Déclaration faite par le 'Clergé de France, à quoi les conjonctures passées m’avaient obligé, ne fussent pas observées. » « Cette letlre du Roi Louis XIV au Pape Innocent XII, dilD’AouBssEAU, fut le sceau de l’accommodement entre la cour de Rome et le Clergé de France ; et, conformément à l’engagement qu’elle contenait, Sa Majesté ne fit plus observer l'édit du mois de mars iôSî, qui obligeait tous ceux qui voulaient parvenir aux grades de soutenir la Déclaration…, S. M. cessant d’imposer à cet égard l’obligation comme pendant le temps de l’exécution de cet cdit, et laissant au reste, comme avant cet édit, toute liberté de soutenir cette doctrine. » Œuvres, t. XllI, p. ^23.

La liberté désormais laissée sur ce point explique la conduite de Louis XIV et du haut clergé français en face des jugements doctrinaux des Papes, pendant les vingt dernières années ilu règne. Cet esprit nouveau, qui n’est pas d’ailleurs chez les gallicans modérés un pur abandon de leur doctrine (cf. G.lliCANisME, col. 22g, 230), apparail surtout à l’occasion de deux jugements deRome. celui d’Innocent XII sur Fénelon, et celui de Clément XI sur le jansénisme (Bulle Vineam Domiiii).

a) Jugement pontifical d’Innocent XII sur le livre de Fénelon.

En l(>y7, Fr.NKtoN unnonce au Pape l’envoi d’une traduction latine de ses Maximes des Saints, et ajoute : J’ai cru qu’il fidhiit, en mftrr|uant le juste milieu, séparer le vrai lin faux… Ue savoir si j’ai réussi ou non, c’est à vous, Très Saint Père, à en juger, et c’est à moi à écouter avec respect, conjine vivant et p : trlant en vous, saint i’ierre dont la foi ne manquera j.*nia’s… Je me suis proposé en tout p.>ur modèle 1rs décrets solennels par lesquels le SaintSiège îi condamné les fiS propositions de Michel de Molino8. Fondé sur un tel oracle, j’ai osé élever ma vois. Œuvres^ éd. I.eroux-Gaume, p. 142.

C'était aflirmer en termes clairs la suprême autorité, même doctrinale, et l’infaillibilité du pontife. Or cette lettre, avant d'être envoyée, avait été montrée à l’archevêque de Paris, Noailles, qui l’approuva, età Louis XIV, qui en permit l’envoi. //>., p. 140. « Le Roi trouva bon, quoique ce fiit une espèce de plaie aux libertés de l’Eglise gallicane, remarque d'.Vguesseau, qu’une affaire née dans le royaume n’y fût pas décidée avant d'être portée à Rome. » C'était en et l’et un principe gallican qu’on ne pouvait recourir à Rome qu’après un jugement canonique en France, lequel dans le cas de Fénelon n’avait pas eu lieu. Cf. Griveau, Etude sur la condamnation du livre des Maximes des Saints, 1878, t. I, pp. 66, ^2, j’j.

Les essais de conciliation, favorisés par le désir et les sages lenteurs du Pape, ne purent aboutir, soit trop grandes exigences de Bossuet, soit obstination de Fénelon à éviter toute ombre de rétractation en dehors du jugement de Rome. Le 16 août 1697, dans son nouveau et déCnitif recours an St-Siège, Fénelon écrivait aunonce : " Je suis prêt à condamner toute doctrine et tout écrit que le Saint-Père condamnera, .'i’il condamnait mon propre livre, je serais le premier, à souscrire sans réserve ni équivoque à sa condamnation. i> Œuires, t. IX, p. 192. C'était reconnaître l’infaillibilité du Pape, quand il juge non seulement les doctrines, mais encore les faits connexes avec la doctrine : formules, expressions, écrits. Jh., p. 198.

Ainsi forcé providentiellement de recourir lui aussi au jugement du Pape, Bossuet réagit contre ses théories de 1682 et de la Defensio Declarationis,

déjà rédigé^alurs. En 1698, il écrit du palais de Versailles au cardinal Spada, ministre du Pape :

« Loin de nous la prétention d’instruire l’Eglise chargée

d rnseigiier les Eglises tuagistrain Ecctesiaruin) : nous désirons qu’elle nous instruise, n Et le pliant <ie mettre son livre aux pieds de Sa Sainteté : « C’est à la chaire de Pierre, ajuute-t-il, que nous devouB apporter tout ce que nous écrivons : à elle de nous stimuler si nous sommes dausia bonne voie, ou de nous corriger si nous sommes tant soit peu dans l’erreur.)iCfe' « f/ es, éd. Lâchât, t. XXIX, p. 321. Doutant de la pleine soumission de Kénelon au jugement de Rome, il écrit en fram^ais au cardinal d’Aguirre ;

« Il a affaire à un roi qui saura bien faire obéir à Sa.Sainteté, et tout l'épiscopat est bien réuni dans cette soumission… Nous reconnaissons dans la chaire de S. Pierre le

dépôt inviolable de la foi, et la source primitive et invariable des tradition » chrétiennes. » Ihid, , p. 373.

Plus tard, il est vrai, quand à Rome on prend son temps pour examiner et juger, quand on y est mécontent de voir que Louis XIV, sans attendre le jugement, retire à Fénelon et à ses amis leurs charges à la cour, l’archevêque de Paris écrit à l’abbé Bossuet à Rome :

({ Il est bon de commencer à changer de ton, et à faire un peu de peur de ce que les évoque » de France pourriiient faire, si on recule trop… Nous serons obligés déjuger s’ils nejugent point. Faites-le un peu envisager au.x gens sages du pays. » Ib., p. 48â ; cf. 53.^.

Mais ces menaces sont moins le fait du grand Bossuet que de Noailles, qui, en guise de prélude à leur accomplissement, fait signer par des docteiirs de S’irbonne une censure de 12 propositions extraites du livre des Maximes des Saints, puis, voyant le mauvais effet produit à Rome par cet acte, s’en tire par des explicationsdonnées à Paris au nonce a qui prend toutdu bon côté », dit Bossuet. Lâchât, t. XXX, p. 67 sq. ; et les 12 propp., p.61, sq.

Enlin le jugement définitif de Rome est accueilli par une soumission universelle, comme l'écrit Bossuet à son neveu : « Vous pouvez assurer le Pape et les cardinaux que le bref est estimé, applaudi, reçu avec joie par le roi, par les évêques et par tout Paris et toute la cour. » Il note la soumission de Fénelon et de ses amis, les ducs de Beauvilliers et de Chevreuse :

« Nous avons nouvelle qu’il a appris sa condamnation

le 25 (mars 1699), deux heures avant le sermon qu’il devait faire, et qu’il a tourné son sermon, sans rien spéc.fier, sur la soumission aveugle qui était due aux supérieurs et aux oidres de 1. » Providence. J’ai été chez AI. de Beauvil’iers me réjouir avec lui de sa soumission.., Jamais décision du Saint-Siège n’a été reçue avec plus de soumission et de joie. M. de Beauvilliers et M. de Chevr’Mise ont envoyé leur livre des Maximes à M, de Paris, et tout 'e monde les imite, sans attendre que le bref soit publié dans les formes. Cette décision tournera i^ l’honneur du Saint-Siège… Je ne veux non [dus vaincre que trtomplser ; et l’un et l’autre n’appartient qu'à la vérité et à la chaire de saint Pierre. » /i., pp. 3^6, 318 ; cf. le mandement ^ de Bossuet pour l’acceptation du bref.

On peut remarquer que Bossuet lui-même, aux endroits cités, abandonne sa distinction entre le fl Saint-Siège » et « le Pape » pour les jugements doctrinaux, et nomme indifféremment l’un ou l’autre.

b) Jugement de Clément.17 sur les jansénistes et leur « silence respectueux ».

En 1705, en face des menées jansénistes. Clément XI, par la bulle Vineam Domini, renouvela les jugements doctrinaux de ses prédécesseurs sur les cinq propositions de Jansénius et la « question de fait ii, exigea de nouveau la profession de foi,