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controverses d. Bosguet, excellent polvniste contre les protestants, ne pouvait pas ignorer par exemple le remarquable traité du célèbre Sorbonnisle Vsam-BBRT : De judice contiov’ersiarum Diaputaliones in jam liât i’Jliomae, Paris, 1648, p. 408. D’autre part, les théologiens catholiques reconnaissent comniunéinent qu’un évéque, dans les limites de sa juridiction particulière, peut porter, au moins en cas de nécessité, une sorte de jugement sur une controverse de foi, mais un jugement provisoire, et sans infaillibilité ; et Bossuet lui-même a usé de ce droit dans son diocèse. Or l’archevêque de Slrigonie n’entendait pas juger autrement, puisqu’il* soumettait au Siège apostolique sa déclaration, son décret », il n’osait même pas employer pour lui-même le mot de

« jugement », peut-être de peur qu’un ignorant ne

prit le mot dans son sens absolu et délinitif. Ouest donc la contradiction » entre le mot so/am et la conduite du prélat ?

Mais le précieux ûlon que les gallicans croj’aient avoir trouvé dans ce mot pouvait s’exploiter dans une autre direction, et ils n’y manquèrent pas. —

« Vous dites : Ad solam (Sedeni aposloticarn) spécial

de contros’ersiis fidei judicare. Et le concile œcuménique, qu’en faites-vous ? Par ce solam, vous excluez sa judicature et son infaillibilité. » C’est pourquoi Le Teliier appelait cette proposition hérétique, o}. tout au moins erronée. Il eût été facile au primai de Hongrie de se disculper. Dans sa phrase, en effet, il ne comparait nullement le Pape avec le concile, dont il n’était pas question dans le contexte, il comparait un siège épiscopal avec un autre. Lui, par exemple, évêque de Strigonie, ne pouvait rendre qu’un décret provisoire et sans infaillibilité : seul, l’évêque de Rome était infaillible dans ses décrets. Il ne pensait pas au concile œcuménique, qui est chose plutôt rare ; et il pouvait conjecturer qu’un jugement de Rome ex cathedra, pour condamner la doctrine des quatre articles, ne tarderait guère à se produire : c’est donc là qu’il se tournait naturellement. Voilà, sur la phrase en question, l’exégèse du bon sens ; mais la passion lit suivre le conseil de Le Teliier, et chercher avidement l’exégèse de la chicane.

Le parlement, sur l’ordre du roi, enjoignit à la Faculté de théologie d’examiner et de censurer la phrase. Mais, pour aboutir à cette censure, il fallut aux docteurs plusieurs mois de délibérations elquarante-cinrj séances. Dan ?, ces longs retards, quiexcitèrent les plaintes du procureur général, nous avons un nouvel exemple de la résistance de la Sorbonne. GÉRiN, p. 4^o, sq. La réponse de la Faculté, même avec les corrections ajoutées de la main do Harlay, ne contient aucune concession à la doctrine de la Déclaration. Il n’y est pas même question de l’archevêque de Strigonie ni de son décret contre les quatre articles, c Le parlement, y est-il dit, a consulté la Faculté et lui a demandé sur une certaine proposition un jugement doctrinal. Ayant fait des réserves expresses pour a sauvegarder les droits du Pontife romain », la Sorbonne ajoute : « La proposition envoyée par le parlement est ainsi conçue : Ad solam Sedem apostolicam divino immutabili privilégia spécial de controversiis fidei judicare. Après un examen très attentif et les réserves faites ci-dessus, voici l’avis de la Faculté : Cette proposition, pour autant qu’elle refuse aux Evêques et aux Conciles même généraux le pouvoir de juger les controverses de foi, qu’ils tiennent du Christ, est téméraire, erronée, contraire à la pratique de l’Eglise et à la parolede Dieu, et renouvelle une doctrine déjà réprouvée par la Faculté. » d’Arokntré, t. III, part, i, p. 147. Telle que l’avait présentée le parlement, c’est à-dire arrachée à son contexte, la phrase pouvait en effet recevoir ce sens attentatoire au droit de juger qu’ont les évêques assemblés avec le Pape en concile général, et, pour autant, être regardée comme erronée. Seulement, ce n’était pas le sens de l’auteur, dont la Sorbonne du reste ne disait rien et n’avait rien à dire. Mais le parlement se donna la satisfaction d’insérer dans son arrêt subséquent le nom de l’archevêque de Strigonie, et d’ordonner, sous des peines sévères, la destruction de tous les exemplaires de son « libelle en forme de censure », et de même pour un autre « libelle » qui était une réfutation des quatre articles par un professeur de l’université de Louvain (d’Argbntré, p.14g). Notons ici l’inexactitude deFÉRET, affirmant que dans cette circonstance c( la Faculté soutint formellement la doctrine de la Déclaration ». Quant à l’autre document qu’il signale en 1682 (la censure portée par la Sorbonne contre le dominicain Malaoola), il n’y était question que de l’indépendance du roi à l’égard du Pape pour son temporel, c’est-à-dire du gallicanisme politique, qui ne nous regarde pas ici, et qui régnait depuis longtemps en Sorbonne.

3. Fermeté des Papes. Le roi, en 16g3, retire son édit de 1682, qui imposait l’enseignement des quatre articles. — Esprit nouveau, qui se montre surtout a) dans l’affaire de Fénelon à Rome ; et b) à l’occasion delà bulle Vineam contre le jansénisme.

Innocent XI, sans prononcer de sentence contre la Déclaration, refusa d’accepter comme évêques deux députés de second ordre qui l’avaient signée : sur quoi notre ambassadeur à Rome lit savoir que les autres évêques nommés ne pourraient demander au Pape leur institution canonique, tant que ces deux autres candidatures n’auraient pas été agréées par lui. Sans faiblir, le Pape maintint son droit de refuser, que le Concordat lui reconnaissait d’ailleurs ; et l’on ne peut raisonnablement s’en prendre à lui de ce qu’en 1688 déjà 35 évêchés étaient vacants, ou gouvernés par des évêques nommés, qui pour cela se faisaient élire grands-vicaires et ne pouvaient recevoir la consécration épiscopale.

Alexandre VllI, élu l’année suivante, signala son court pontificat par une Constitution qu’à son lit de mort il promulgua : elle déclarait nuls et sans force, non seulement les quatre articles et tous les actes de l’assemblée, mais encore les arrêts et édits conflrmalifs faits par une puissance quelconque ; personne n’était tenu d’y obéir (D. H., 13a6). Sachant à quel point les évêques de France dépendaient alors du roi, le Pape ne voyait pas de solution pratique si on ne les dégageait de l’édit royal.

Enlin, sous Innocent XII, le roi chercha sérieusement une entente. Le Pape, sans vouloir « condamner la doctrine de France », tenait essentiellement à « abolir l’acte » anticanonique par lequel l’assemblée de 1682 avait si audacieusement dépassé ses pouvoirs, et à délivrer les docteurs et professeurs en théologiede l’obligation qu’on leur imposaitde signer et d’enseigner les quatre articles. Malgré l’avis de ses conseillers, le roi commença par permettre à ceux des évêques nommés qui n’y avaient pris aucune part, de solliciter à Rome leur institution canonique. Q)ianl aux autres, après bien des pourparlers,

« Louis XIV, toujours plus sage et plus loyal que ses

conseillers, céda enfin », dit Gérin (Hecherches, pp. 489, 490). Le 14 septembre 1698, chacun de ces évêques nommés dut écrire au Pape une lettre dont les termes avaient été convenus d’avance, regrettant vivement sa coopération à l’acte de l’assemblée déclarant « qu’il tenait et qu’on devait tenir pour non avenu (pro non décréta) tout ce qui avait pu passer. pour un décret sur la puissance ecclésiastique et