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conduire nécessairement à rinfaiHibililé qu’il nie ; liossuet ne peut s’ariêler en chemin, sous peine d’illogisme comme le disait Choiseul, ou plutôt d’une fausse exégèse des textes évangcliques et d’un déplacement de la question. Dans son explication dernière, ils’altacbe à prouver que le Pape, errant dans une dclinition, ne serait pas hérétique au sens propre du mot, parce qu’il serait protégé divinement contre l’opiniâtreté dans l’erreur : en d’autres termes, dans ses délinitions il ne lui arriverait jamais d'être hérétique « formel », bien qu’il puisse être hérétique de bonne foi, hérétique « matériel ». Mais la question n’est pas de savoir si le Pape, dans l’hypothèse où il ferait une définition erronée, serait inconscient ou averti de son erreur, de bonne foi ou de mauvaise foi ; ces choses intimes regardent la personne privée, et non la fonction publique. La seule question qui importe à cette fonction, c’est de savoir s’il soutiendrait la foi de tous en définissant une erreur. Bossuel allègue très justement pour le Saint-Siège le texte ut non de/iciat fides tau (/- « <, xxii, 3-2). Mais une erreur contre la foi ne serait-elle pas, dans un jugement solennel du Saint-Siège, une « défaillance dans la foi », — encore qu’elle ne fût pas coupable ? Etpeuton concilier avec ce texte l’hypothèse singulière d’une action de toutes les Eglises pour ramener le Saint-Siège à la vérité de la foi, action f(ue, d’ailleurs, le Chef aurait le privilège de suivre toujours docilement ? N’est-ce pas transformer le Confirma frutres tuos en son contraire : « Sois par tes frères alTermi dans la foi, et réformé dans tes jugements solennels sur la foi ? » Ce qui reste malgré tout, c’est que Bossuet, comparé aux autres gallicans, s’est un peu moins éloigné du privilège.divin de l’infaillibilité pontificale.

4° Suites de la Déclaration de 1 682

I. L'édit royal ; la résistance de la Sorhonne. — A peine les membres de l’assemblée eurent-ils souscrit les quatre articles, que Louis XIV, sur leur demande, signa un édit où il défendait à tous ses sujets d’enseigner ou d'écrire « aucune chose contraire à la doctrine conlenue dans la Déclaration », ordonnait aux professeurs de la commenter chaque année dans les Eacultcs de théologie et de droit, prescrivait même de refuser aux examens les candidats qui ne la soutiendraient pas dans leurs thèses de doctorat ou de licence (mars 1683).

Le parlement se hâta d’enregistrer l'édit ; puis, comptant sur la crainte du roi et sur les intrigues de PiROT, syndic imposé à la Sorbonne, il enjoignit, le a mai, à la Faculté de théologie, par une députation solennelle, d’avoir elle-même à enregistrer la D’claration et ledit royal. Mais les docteurs, au nombre de près de trois cents, voulaient délibérer sur une question si grave, et renvoyèrent leur réponse au 1" juin, jour de leur séance ordinaire. Une lettre du roi prescrivit à Pirot d’empêcher en son nom toute discussion « sur des matières depuis si longtemps décidées » : l’enregistrement pur et simple ! Toutefois les conseillers du roi restaient inquiets du résultat ; plusieurs suggéraient l’idée d’une nouvelle et décisive députation du parlement à la Faculté. Colbert s’y opposa, craignant qu’un déploiement d’autorité ne fît peut-être connaître au Pape la résistance de la Sorbonne ; puis on se repentit de ne lavoir pas fait, quand la Faculté, le i"juin, discuta et n’enregistra rien ; il semblait que (i tout était perdu ». Le roi pensa d’abord à des mesures de rigueur, mais n’eussent-elles pas fait éclater au dehors la division du clergé de France, qu’on tenait à présenter comme unanime pour la

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Déclaration ? Aussi, dans une lettre à Colbert, le procureur général de Hablay déconseillait de sévir, et proposait plutôt une nouvelle réglementation du droit (le suffrage en Sorbonne, qui eut enlevé le vote aux docteurs dont on n'était pas sûr. Gérin, ch. XII, pp. 382-088.

Le 15 juin, sur l’ordre du roi, séance extraordinaire de la Faculté : mais au lieu d’enregistrer, on délibère. D’après le rapport <le llarlay à Colbert, plusieurs docteurs proposèrent « de faire remontrance à Sa Majesté sur la dilliculté d’enseigner et de soutenir les propositions du Clergé… particulièrement sur l’article 4'^, qui regarde l’infaillibilité du Pape ; prétendant que l’Assemblée du Clergé tenue en 1655 n’avait pas été dans les sentiments où celle qui se tient présentement se trouve, et plusieurs parlant avec peu de respect de cette (nouvelle) assemblée ». Ghandin lui-même n'était pas pour obéir sans faire des remontrances au roi, et par son attitude courageuse rachetait sa lâcheté de 1663. La majorité voulait que la réponse au roi indiquât soit une désapprobation, soit au moins la neutralité de la Faculté à l'égard de la doctrine des articles ; tout ce que put obtenir le syndic, ce fut de renvoyer au lendemain pour achever la délibération. Sur quoi Harlay conseille à Colbert « de ne point laisser achever demain une chose qui ne peut finir que très mal 11. Aussi, dans la nuit même, Louis XIV envoie de Versailles le marquis de Seignelay, fils de Colbert, pour préparer avec l’archevêque et les chefs du parlement un coup de force. A six heures du matin, nombre de docteurs sont mandés au parlement qui est censé avoir fait la veille un édit pour cela. Apostrophe insolente du premier président ; défense faite aux membres de la Faculté de tenir aucune assemblée jusqu'à ce que le parlement leur eût « prescrit la manière » ; ordre au greffier de Sorbonne d’enregistrer sur l’heure la Déclaration ; lettre de cachet les jours suivants pour exiler huit docteurs en différents coins du royaume : tels furent « les remèdes presque aussi fàcheuxquele mal », dit une mélancolique dépêche de Harlay au ministre Le Tellier. Gkrin, pp. 390-397 ; cf. p. 690.

Dans cette résistance, qui honore la Faculté, ce n'était pas seulement l’atteinte portée par lepouvoir laïque à leur liberté traditionnelle d’enseigner la science sacrée selon leur science et leur conscieiiip, qui excitait leurs réclamations : c'était aussi etsurtout la doctrine qu’on voulait leur imposer, la d, ^ctrine de la Déclaration du fUergé, particulièrement contre l’infaillibilité du Pape, comme il ressort des pièces que nous venons de rappeler. Aussi dans les rapports secrets que Colbert demandait alors sur leurs confrères à ses confidents gallicans et jansénistes, la question de doctrine prime tout : ce qu’on reproche aux docteurs récalcitrants, c’est que celuici est « toutàfait dévoué à Rome, aux jésuites, aux moines » ; celui-là « parle en faveur de Rome », cet autre <c est persuadé des opinions romaine :  ; autant qu’on peut l'être », etc. De même pour les docteurs des collèges et communautés : « Ceux qui demeurent dans le collège de Sorbonne… sont tous unis « dans les sentiments ultramonlains », excepté quatre ou cinq ; tous les professeurs, même les royaux, excepté M. Pirot, syndic de la Faculté, sont dans les mêmes maximes… Ceux de Saint-Sulpice, des Missions El rangères, de Saint-Nicolas qui ont opiné dans cette affaire (des 4 articles) ont été de l’avis des Sorbonnistes. » Op. cit., p. 377 sq., 4"6 sq., 583 : cf. Gi-niN, Une nouvelle apologie du sfallicnnisme, réponse à l’alibé Loyson, 1870, p. 86 sq. Comment concilier tous ces faits avec la légende gallicane, exprimée par exemple dans ces lignes de Bausset : « la Décl ; ir : i-