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MARIE, MERE DE DIEU

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De concordia evangelistarum in genealogia Christi, Tolosae, lô/iô, accueilli par les Bollandistes dans la notice qu’ils consacrent à saint Joseph, Acta Sanctorum, 19 mars. D’après ce système, la généalogie selon saint Matthieu représenterait l’ordre de succession au trône de David et serait conçue d’un point de vue juridique ; seul, saint Luc aurait dessein de mentionner les ancêtres de Joseph selon la chair. Matthieu aurait accueilli tel quel un de ces documents, non exempts de combinaisons arlilieielles, qui avaient cours chez les Juifs en matière de généalogie ; de là certaines omissions : Ochozias, Joas, Amasias manquent entre Joram et Osias, au verset 8 ; entre Abiud et Mathan (versets 13-15), on compte seulement six noms, au lieu de treize chez Luc ; c’est assurément peu pour une période de cinq siècles. Une préoccupation de symétrie (en vue du nombre sacré de quatorze générations) paraît avoir eu jjart à la rédaction de ce document. C’était une question pendante, dans les écoles rabbiniques, de savoir si le Messie naîtrait de la lignée de Saloraon (voir lerem., xxiii, 5 ; xxx, 9 ; xxxiii, 15-17), ou, à cause de la réprobation de celle-ci en Jéchonias (/er., xxii, 28-80 ; xxxvi, 30), de la lignée de Malhan. La première conception se rellète en saint Matthieu, la seconde en saint Luc. D’ailleurs on aboutit, de part et d’autre, à Joseph. — Pour l’exposition détaillée du système que nous venons de mentionner, Aoir B. W. Bacon, dans le D. B. de Hastings, art. Genealogy, p. iSg-i^i. Sur le genre d’autorité que possèdent les documents généalogiques insérés dans nos livres saints, J. Brucker, Etudes, t. XCIV, p. 229, 20 janv. 1903 ; t. CIX, p. 801, 20 déc. 1906 ; F. I’hat,

« rt. Généalogies, dans D. B.de Vigouroux (igoS).

D’ailleurs les Pères n’hésitent pas à croire que Marie elle-même était iille de David (voir, par exemple, saint Augustin, De conscnsu evangelistarum, II, II, 4, P- f--, XXXIV, 1072). Ils en trouvent la preuve notamment dans les paroles de l’ange, adressées à Marie : son fils sera lils de David (Luc, i, 62) ; puis dans les expressions singulièrement énergiques de saint Paul sur l’origine du Christ selon la chair {Rom., I, 3 : ’Ex ç-r.ipfxy.roz Stx’jùê /.y-v. çdfjxy., cf. Il Titn., II, 8), qui paraissent bien dépasser la portée d’une liliation adoptive. Marie avait le droit — sinon même le devoir, comme lille héritière, — d’épouser un homme de sa tribu. Cependant nous voj’ons qu’elle était apparentée à la tribu de Lcvi, par Elisabeth {Luc, I, 5.36), et l’on a voulu de là conclure à son origine lévilique. La conclusion ne vaut pas, si l’on prétend que Marie appartenait elle-mèiue à la tribu de Lévi ; mais rien n’erapéche d’admettre que quelqu’un de ses ancêtres était sorti de cette tribu, car la Loi n’obligeait pas en général les ûlles d’Israël à se marier dans leur propre tribu (erreur d’ÛRiGÈNB, Selecta in Numéros, P. G., XII, 58^ G, suivi par un grand nombre de Pères) ; et la tradition chrétienne s’est plu à reconnaître dans le Christ le sang des prêtres mêlé à celui des rois (ainsi saint Grégoire de Nazianze, , Crtrm., l, xviii, 38-40, P. G., XXXVII, 483 ; saint H1LA.1RE, In Matt.^ I, i, P. L., IX, 919 A ; saint Augustin, Quæstion. in Heptaleuclntm, "VII, xLvii, P. L., XXXIV, 809). On peut supposer par exemple que, le père de Marie appartenant à la tribu de Juda, sa mère appartenait à la tribu de Lévi. Elisabeth, notablement plus âgée que Marie, pouvait être sa tante maternelle.

La croyance à l’origine davidique de Marie permet d’entendre au sens le plus strict les textes de l’Ecriture relatifs au Messie fils de David, et de reconnaître dans le premier chapitre de saint Luc la vérification la plus rigoureuse de l’oracle d’Isaie, annonçant la germination de la ligede Jessé. Toutefois, avouons

que l’origine davidique de Marie n’est pas énoncée dans l’Ecriture aussi distinctement que celle de Joseph. Rapporter les mots « de la maison de David «  (Luc, I, 27) à Marie, au lieu de les rapporter à Joseph, paraît grammaticalement impossible (quoi qu’en pense J. Niessen, Die Mariologie des lil. Jlieronrmus, p. 67). Et la plupart des exégètes, soit catholiques, soit protestants, continuent de croire que saint Luc, tout comme saint Matthieu, rapporte la généalogie de Joseph. On a vu que tel fut déjà le sentiment des Pères.

L’idée que saint Luc rapporte, non la généalogie de Joseph, mais celle de Marie, fut pourtant émise de bonne heure, s’il faut en croire un fragment publié par le card. Mai sous le nom de saint Hilaire (.Xoi’a Patrum Bibliotlteca, I, p. 477)- Mais elle disparut de la tradition chrétienne, et on ne la retrouve qu’à la Un du XV’siècle, llessuscitée par Anniusde Viteuue, O. P. (1490), elle obtint un grand succès au temps de la Réforme. Voir Patrizi, De Evangeliis, III, p. 92. De nos jours, elle a été reprise avec beaucoup d’érudition et poussée à fond, tantôt par des protestants

— tel B. Weiss, Z, pte/i A’sii^, I, 205, — tantôt par des catholiques ; voir surtout deux monographies catlioliques : P. Vogt, S. J., Der Stanimbaum Christi bel den heiligen Evangelisten Matthàas und Lukas, Freiburg i. B., 1907 ; J. M. Ukkh, Die Stanimbaiime Jcsu nach Mattluius und Lukas, Freib. i. B., 1910. Cette solution oblige à admettre une parenthèse dans le texte de saint Luc, iii, 23 : Koti y.ùri ; lî » i’lr, 70ù : ir^}(o’u.iv’yi êTTÎ T5 (ÎKTlTtjtiy toTs’c èrfÀiv Vfnoixo-JTK, ûjv uiô^ [w^ hoy.iytzo’lwa/ ; ï] Toù Hhi Tyi Msi ;  ;  ;  !. Ainsi, l’on entendra que Jésus, réputé lils de Joseph, était en réalité lils (ou plus exactement petit-fils) d’Héli. D’autre part, le Protévangile de Jacques donne au père de Marie le nom de Joachim. Or Héli, sous sa forme complète Iléliakim, et Joachim sont le même nom ; et, d’après le Talniud de Jérusalem, Cliagig, fol. 77, 4, le père de Marie se serait appelé Héli. Il apparaît donc que saint Luc, en omettant ici le nom de Marie — les femmes ne figurent pas communément dans les généalogies —, nous aurait conservé l’ascendance maternelle de Jésus.

Cette conclusion ne peut être tenue pour acquise ; néanmoins les raisons qui l’appuient méritent considération. — Sur les ouvrages de Vogt et de Heer, importante recension du R. P. Laghange, Kevue Biblique, 191 1, p. 443-451 ; J. NiEssBN, Die Mariologie des hl. Ilieronrmus, c. v.

A quelque opinion qu’on se range touchant ces généalogies, on y trouve l’allirmation de l’origine davidique de Jésus, conformément au langage reçu parmi les Juifs. Il deviendra fils de David en naissant de la vierge.

On objecte parfois certaines variantes des manuscrits. Quelques-unes donneraient à entendre que Joseph fut le père de Jésus selon la chair. Tel est en particulier le cas de la version syriaque des évangiles découverte au Sinai en 1894, et qui porte (Mutt., 1, 16) : « Joseph, à qui était fiancée la vierge Marie, engendra Jésus, qui est appelé le Christ. » Cette découverte, très remarquée en son temps, parut à quelques-uns devoir révolutionner toute la tradition chrétienne. Voir les lettres échangées par les biblistes anglais, Conybeare, Sanday, Charles, Badham et autres, dans The Academj, années, 1894-6. Aujourd’hui l’on est bien revenu de cet émoi. En soi, la leçon n’est pas nouvelle : on la trouve dans cinq manuscrits grecs du groupe dit de Ferrar et dans quelques manuscrits latins. Or il faut bien observer que le contexte de ces manuscrits n’est pas opposé — tant s’en faut — à la conception virginale. Outre qu’ici même, Mt., i, 16, le texte parle de Joseph