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PAPAUTE

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En eÛ’et, après d’inutiles négociations, Alexandire Vil promulgua, le 25 juin 1665, une bulle où il disait, sans nommer la France ni laSorbonne, qu’une Il censure prcsomptueuse » s’était excreée sur les livres de Vernant et de Guiménius, et s’élait permis d’y condamner « des propositions appuyées sur l’autorité des |)lus graves écrivains et sur l’usage perpétuel des catholiques, surtout en matière d’autorité du StSiège, de juridiction des évêques /), etc. (il n’est pas question d’infaillibilité). On ne pouvait, sans détriment de la religion catholique, laisser de pareilles censures s’établir impunément. En conséquence, sur l’avis d’une commission des plus doctes théologiens et avec le suffrage des cardinaux, le Pape condamnait « dans la plénitude de la puissance apostolique, ces censures comme présomptueuses, téméraires et scandaleuses, et les déclarait sans force et de nulle valeur juridique » —, interdisant, sous peine d’excomnmnication, de les soutenir, de les suivre ou de les alléguer comme valables ; réservant au Sl-Siège le jugement des opinions contenues dans les deux livres incriminés et dans les censures elles-mêmes. Voir le grand Hidlaire romain, édit. Cocquelines, t. V, [lart. vi, Rome, 1762, p. ^S.

Ue cette bulle, le procureur général osa k appeler comme d’abus », et le parlement, par un arrêt du 29 juillel, le reçut appelant, après un grand discours théologique de Talon, et lui ordonna « d’exposer ses moyens de défense dans les trois jours » ; défendant " à tous les sujets du Roi de retenir la liulle, de la lire, publier et débiter >. Une députation de parlementaires vint le i"’août haranguer l’assemblée de Sorbonne, l’encouragea « à continuer toujours avec la même vigueur », la poussa contre le Pape à " cette sainte rébellion qui a toujours été conforme à l’esprit de l’Eglise ». Voir l’arrêt et les discoiu’s dans d’Ahgenthk, pp. 125-133. Mais voici que l’assemblée du clergé de France, alors réunie, résiste au parlement et non au Pape, blâme le réquisitoire de Talon, blâme dans l’arrêt lui-même des termes qui montrent la prétention de « prendre connaissance entière de la doctrine, au préjudice de l’autorité et juridiction épiscopale ». Enfin, dans un mémoire au Roi, elle traite d’< hérétique » cette maxime du parlement u que les princes temporels ont le droit et le devoir de juger et de décider des dogmes de la foi et de la discipline ecclésiastique » ; qu’ils ont « un pouvoir de tout faire, uneéminence d’autorité, non seulement quant à la discipline et au règlement des mœurs, mais encore quant au dogme de la foi et à l’extinction des hérésies > ; telle avait été l’origine du schisme et de l’hérésie de l’Angleterre. Le roi, fort embarrassé, essaya une sorte d’arbitrage entre le parlement et le clergé, puis finit par céder ; il empêcha le procureur général de se présenter au parlement pour donner ses moyens, et le parlement de publier son arrêt. La Sorbonne se garda bien de résister publiquement à la bulle. Louis XIV continua de négocier avec Rome, mais dans un esprit de modération. Un apaisement se produisit. Par deux décrets du St-Ollice, le 21 septembre 1665 et le 18 mars1666(/). B., iioi) Alexandre VII condamna bon nombre de propositions laxistes, parmi lesquelles on en retrouve plusieurs de Guiménius, dont l’ouvrage fut aussi mis à l’index le 10 avril 1666. Tout en donnant une satisfaction légitime aux ennemis de la morale relâchée, le Pape, qui dans sa bulle s’était réserve l’examen des livres incriminés, substituait sa censure à celle de Paris, et affirmait ainsi de nouveau sa souveraine autorité en matière religieuse. Louis XIV € aurait mieux aimé que l’honneur de la condamnation fut demeuré entier à la Sorbonne », mais il laissa publier les décrets de Rome.

Ainsi, sur le terrain de son autorité, le Pape ne fit aucune concession ; le nonce Roberti menaçait des dernières extrémités si l’on publiait l’arrêt du parlement contre la bulle. On céda ; et môme un Becueil de pièces, contenant des tteinargues sur la huile, œuvre anonyme d’Arnauld, etdes Considérations respectueuses sur la bulle, œuvre anonyme d’un autre janséniste l’abbé Boileau, fut condamné au feu par le parlement, le 19 mai 1666. Voy. Gébin, louis A’/V et le Sl-Siège, t. II, p. 16, sqq., Paris, 1898, et la Revue d’hist. eccl., 1903, p. 450-455 ; La visse, IIist.de France, t. VII, a’p., pp. 18-20,

Cet apaisement relatif sur les questions de l’autorité spirituelle et de l’infaillibilité du St-Siège continua les années suivantes, et surtout sous Clément IX ; c’est alors, en 1668, que vint à Paris le nonce Bar-GELLiNi, dont la correspondance avec Rome, étudiée par M. Cauchib, éclaire cette période jusqu’en 1671 {liev. d’hist. eccl., Louvain, t. III, 1902, p. 952 ; t. IV, 1903, pp. 89 sq. et 4^8 sq.).

En 1673, une déclaration du roi prétendit étendre à toutes les Eglises de France le privilège royal de la régale, jusqu’alors limité (voir Gérin, Recherches, p. 37, sq.). Ainsi Louis XIV engageait avec le St-Siège, surtout avec Innocent XI, une lutte qui, n’ayant pas l’infaillibilité pour objet, ne nous concerne que par l’origine qu’elle donna à l’assemblée de 1682.

3" La Déclaration de 1682 : et spécialement son 4e article, sur l’infaillibilité du Pape. — Les trois ministres du roi et le parlement, que nous avons vus, à propos d’une thèse, si soucieux des droits et de l’absolue nécessité des Conciles œcuméniques, ne se gênaient pas pour contredire eux-mêmes cette nécessité et ces droits. De même que les conciles provinciaux avaient été depuis longtemps abolis en France par la politique, de même ils se souciaient fort peu d’un concile général de la catholicilé. Ils préféraient s’appuyer sur ce que l’on appelait « les assemblées du clergé de France ».Ces assemblées quinquennales n’avaient rien de commun, suivant la remarque de Portails lui-même, avec les conciles soit provinciaux, soit nationaux, soit œcuméniques, groupements prévus dans le droit canonique et soumis parles lois de l’Eglise à des conditions bien déterminées, par exemple à celle de l’autorisation du Pape. Le clergé de France figurait dans ses i assemblées » non comme un corps épiscopal, ayant à veiller sur la religion et la discipline ecclésiastique, maisplutôt comme un des trois ordres de l’Etat, en vue d’objets plutôt temporels et politiques, dont le principal était cet impôt que le clergé consentait au roi sur les biens d’Eglise, sous forme de don volontaire (GiiniN, p. 165 sqq). Voilà l’instrument plus commode, plus en main, que l’on se mit à employer contre Rome. Nous voyons une assemblée du clergé en 1680, qui, dans l’alTaire delà régale, prend parti pour Louis XIV contre Innocent XI, et cela sans aucune discussion préalable, sous forme d’une lettre au roi, qu’au dernier moment on leur fera signer (Gérin. cli. m). Nous en voyons une autre l’année suivante, la « petite assemblée de 1681 », composée de prélats qui se trouvaient alors par hasard à Paris, et destinée à préparer la « grande assemblée » de 1681-1682 (Giîrin, ch. iv). Avec quel arbitraire royal furent menées les élections pour la grande assemblée, comment furent triés sur le volet les 36 évêques et les 38 ecclésiastiques de second ordre qui la composèrent, on peut le voir dans Gkrin, ch. v-ix. Ce qu’il nous appartient de noter, c’est leur inconséquence et leur incompétence manifeste dans les décisions qu’ils se permirent de prendre par leur « déclaration ». Ils ne pouvaient