Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/738

Cette page n’a pas encore été corrigée

1463

PAPAUTE

1464

de 1663 équivalent déjà aux articles de 1O82 (La faculté de théot, de Paris, époque moderne, Paris, 190/1, t. III, p. 377). S’abstenir, comme la Faculté, d’aHirmerrinfaillibiUté, ce n’est pas « aOirmer la noninfaillibilité » ; etil }' aura vraiment du nouveau dans la déclaration <le 1682. Aussi certains membres du parlement se plaignirent-ils de ces formes négatives : voir GÉRiN, op. cit., pp. 31, 82. — Mais cette rédaction, théoriquement inoll’ensive, laissait subsister des inconvénients pratiques : trop souvent cet article fut publiquement exploité dans un sens exagéré, comme si la Sorbonne avait censuré la doctrine romaine ; ce qui explique les efforts du nonce pour faire révoquer ces articles de la Sorbonne, eftorts d’ailleurs infructueux (Féret, ibid., p. 28^). — L’année suivante, du reste, la Faculté se laissa entraîner plus loin, dans la condamnation qu’elle Ut de deux ouvrages tliéologiques.

Le carme Bonaventure de Ste-Anne, sous le pseudonyme de Il Jacqcbs de Vebnant » avait publié à Metz en iC58 la Défense de l’autorité de N. S. P. le Pupe…contreles erreurs de ce temps. Le i" avril 1664, le nouveau syndic gallican et janséniste imposé à la Sorbonne, Antoine dk Bréda, en proposa l’examen. Après la nomination d une commission et ses travaux préparatoires, la Faculté discuta en six assemblées générales, les phrases du livre relevées par la commission et rendit son jugement le 24 mai. — Sur l’infaillibilité du Pape (pour ne considérer que ce point), la Sorbonne condamnait des phrases exagérées au moins dans la fi>rme. d’Argenthé, /. cit., jtp. 101, io3.

Le jésuite espagnol Mathieu de Moya sous le pseudonyme de « Amkdéb Guimknius » venait de faire une nouvelle édition d’un opuscule où il s’appliquait à réfuter les objections des Provinciales contre la morale des jésuites, en faisant appel à l’autorité d’autres moralistes, choisis même parmi les docteurs de Sorbonne : Amndæi Guimenii… opusculum, sin^ularia universæ fere theologiæ nwratis complecteiis, etc., Lyon, iGG^. Le syndic le proposa à l’examen de la Faculté le i" septembre ; après les travaux de laoommission, et la discussion en quatorze assemblées générales, la Sorbonne rendit son jugement le 3 fév. 1665, précédé d’un exorde où, s’abritant sous le nom même d’Alexandre Vil, ennemi de la morale relâchée, elle tonnait volontiers contre le laxisme, et rappelait ses anciennes censures contre les casuistes (D’ARGfiNTRK, p.)o6 et suiv.). Au milieu des 35 censures qu’elle portait contre des groupes d’assertions morales dont plusieurs sont choquantes, mais plusieurs autres aussi sont vraies et ont fini par triompher de la rigueur semi-jansénisle du xvri= siècle, une seule censure relevait deux ou trois phrases de l’auteur sur le Souverain Pontife. Les voici : « La foi nous fait un devoir d’adhérer à la déiinilion du Souverain Pontife dans les questions de foi, et aussi de morale. Dans ces questions l’Eglise ne peut errer, son chef non plus par conséquent… Il est de foi que le Pontife ne peut errer… en approuvant comme conforme à la perfection évangélique ce qui ne l’est pas… La conclusion est si certaine, que la thèse opposée est hérétique, je n’hésite pas à le dire. » Censure de la Sorbonne : « La doctrine contenue et inférée dans ces propositions est fausse, téméraire, contraire aux libertés de l’Eglise gallicane, injurieuse pour les Universités, les facultés de théologie et les docteurs orthodoxes » (d’Arokntrk, p. 113). — La Sorbonne ne censure pas la simple affirmation de l’infaillibilité pontiticale ; car en quoi cette simple affirmation eùt-elle été ï injurieuse pour les facultés de théologie et les docteurs orthodoxes n ? Elle savait bien que presque toutes les universités, presque tous les docteurs

orthodoxes hors de France, et bon nombre en France, partageaient ouvertement cette atBrmation de l’infaillibilité, et s’en faisaient gloire, loin de s’en otTusquer. Ce qu’elle attaque dans les phrases de Guiménius, c’est l’ejagération de la certitude de cette doctrine ; c’est d’allirmer l’obligation pour tous de la soutenir ; c’est de dire qu’elle fût alors a de foi » et que le contraire fût » hérétique ». Exagérer ainsi l’obligation, n'était-ce pas faire une sorte d’injure à tant d’il universités » qui ne voulaient pas aller si loin, qui toléraient la doctrine contraire, — à tant do i< docteurs orthodoxes n qui, vu l’existence de la controverse, ne regardaient pas la doctrine de l’infaillibilité comme étant de foi, ou du moins comme étant obligatoire sous peine d’Iiérésie.' Les illustres professeurs de Sorbonne qui l’avaient soutenue, comme Duval, n’avaient jamais voulu admettre qu’elle fût de foi ; Grandin ne l’avait pas admis. De ce que l’infaillibilité de l’Kglise en général était de foi, on ne pouvait Il inférer » que l’infaillibilité particulière du chef le fût aussi : la première étant reconnue de la catholicité tout entière, la seconde était alors controversée dans une certaine mesure. Guiménius tranchait donc trop sévèrement la question d’obligation, surtout pour un ouvrage de théologie morale, où l’on fait profession de peser très exactement les obligations graves, comme celle de la foi.

Concluons que la Sorbonne, à prendre strictement ses termes, n’a j)as entendu nier la doctrine infaillibiliste, pas plus en 1664 et 1665 qu’en 1663. Aussi ne serons-nous pas surpris de^ la voir en 168j résister à la Déclaration du clergé, nettement anti-infaillibiliste. — Mais s’il en est ainsi, dira-t-on, pourquoi Alexandre VU, s’adressanl à a l'éminente piété du roi », lui demanda-t-il par un bref du 6 avril 1665 la révocation des censures de la Faculté, « si opposées et si injurieuses au Siège Apostolique » — demande que le Parlement, consulté par Louis XIV, lui conseilla de ne pas exaucer (d’Arghntri'ï, pp. I15-ia4)?

— Réponse. En dehors des censures qui ont trait à Pinfaillibililé (voir ci-dessus), d’autres étaient vraiment i opposées et injurieuses » aux droits du SaintSiège. Par exemple, Vernant avait dit du Pape avec grande raison que « les alTaires plus importantes de l’Eglise sont soumises à son jugement, duquel il n’y a point d’appel ». C'étaient là des principes traditionnels toujours soutenus par le St-Siège, même depuis la controverse gallicane ; voir Pie II, D. B., 717 ; LÉON X, 740 ; cf. art. Gallicanisme, col. 266. Or la censure de la Sorbonne dit que ces assertions de Vernant « sont fausses, en tant qu’elles affirment qu’en aucun cas on ne peut appeler du Souverain Pontife ; qu’elles dérogent à l’autorité sacrée des Conciles », etc. (d'.rgentré, p. 102). C'était favoriser, suivant la remarque du bref pontifical, les jansénistes, que Louis XIV avait voulu réprimer, de concert avec Rome (plusieurs d’entre eux en appelaient au futur Concile). — Enlin, indépendamment du plus ou moins de justesse d’une censure, il y a la question du droit de censurer. Or le droit de porter des ceusures sur les choses qui regardent la foi, nulle Faculté de théologie catholique ne peut l’avoir par elle-même, ni de par le pouvoir civil, mais seulement par une concession du Chef de l’Eglise, qui en surveille l’exercice. La Sorbonne n’aurait donc pas dû, sans consulter le Pape, aborder une censure de cette nature, qui visait à déterminer l’autorité même du Pape et dans des circonstances aussi délicates, surtout pour la déterminer contrairement ans. droits du Pape, tels que les entendait la grande majorité des théologiens catholiques passés et présents. Voilà pourquoi le Pontife allait, dans une bulle, traiter cette censure d’acte présomptueux et invalide.