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de 1682. — Ces événements sont racontés, d’après les manuscrits <lu temps et les registres du parlement et de la Sorbonne, par le P. Gazkau, Etudes, juin 1869, p. 8^5. Louis.YiV, Bossuet et ta Surhonne en 1663 ; article admiré et utilisé par Gbhin dans sa 2’édit. ; cl’, p. ai. Nous insisterons sur cette période, parce que souvent elle n’est pas assez exactement présentée.

a) Les circonstances. — En août 1662, à Rome, une querelle fortuite entre des domestiques de l’ambassade de France et des Corses de la garde pontilicale, nialheureui incident grossi et envenimé par l’ambassadeur, qui partit de Rome avec éclat elvint en hâte préoccuper l’esprit de son maître, avait exaspéré Louis XIV contre Alexandre "VU, l’avait porté à chasser le nonce, à confisquer Avignon, à préparer une invasion des Etats romains ; voir Gérin, op. cit., p. 3 sqq. Ces violences dans l’ordre purement politique eurent vite un retentissement dans l’ordre spirituel lui-même. Ce qui diminue la responsabilité du roi, alors âgé de 24 ans, dans les fautes commises, ce sont des influences qu’il faut énumérerici, vule rôle néfastequ’elles joneronldans toute la suite des événements : l’inlluence des jansénistes, celle des ministres du roi, celle du parlement.

La secte janséniste en voulait surtout à Rome, et en particulier au Pape régnant Alexandre VII, pour avoir déliiii en octobre 1656 que les cinq propositions antérieurement condamnées étaient bien dans le livre de Jansénius (I>.-B., 1098). Elle en voulait à la Sorbonne qui, la même année, avait censuré et rayé de la liste de ses docteurs le chef de la secte, Aniauld (cf. d’Argenthk, t. UI, i' part., p. 08, 6y), et en 1661 avait approuvé et imposé à tous ses membres la signature d’un nouveau formulaire de foi, rédigé par l’assemblée du clergé de France, et envoyé à la Sorbonne par le roi, où l’on protestait de.sa soumission sincère aux bulles d’Innocent X et d Alexandre VU (17 ; /(/., p. 87). Elle en voulait aussi, sans aucun doute, à Louis XIV, qui, par une déclaration, avait imposé ce formulaire à tous les ecclésiastiques du royaume, et forcé le parlement à enregistrer cette déclaration ainsi que la bulle du Pape, et en pressait l’exécution. Mais voici que le roi, en tournant ses armes contre Rome en 1662, semblaitmellre les jansénistes à l’abri de nouveaux coups, et même leur promettre une revanche : aussi se rapprochèrent-ils de lui pour l’aigrir de plus en plus contre le Saint-Siège. Us avaient su garder une grande influence en plusieurs provinces, et surtout à Paris, et ils excellaient à faire valoir contre Rome les idées gallicanes ou même richéristes qu’ils avaient adoptées.

Les principaux ministres du roi. Le Tellier, Colbert et Lionne, avaient étéles créatures de Mazarin, hostile lui-même à Alexandre VU, et restaient ses imitateurs De plus, chacun d’eux avait un janséniste pour conseiller ; cf. Etudes, I. c, p. 884.

Us garderont le même esprit les années suivantes, d’après la correspondance du i^nce Barokllini. Le conseil de conscience avait été supprimé… Pour régler les alTaires religieuses, Louis XIV consultait Michel Le Tellier, Colbert et Lionne. Selon Bargellini. .., les ordonnances contre les religieux, celles sur l’abrogation de certaines fêtes, les manigances en vue de priver les religieux du droit de voteen Sorbonne, les intrigues pour pousser, par l’octroi dépensions et debénélices, les docteurs de Sorbonne à défendre des propositions contraires à l’infaillibilité pontificale, tous ces méfaits étaient l’œuvre du conseil d’Etat, composé du roi et de ses trois ministres. La politique (de ceux-ci) est nettement gallicane, plus gallicane même que celle de Louis XIV à

cetle époque. » Cauchib, lief. d’Itist. ecclés., Louvain, 1902, t. 111, pp. 982-984. Sur le gallicanisme personnel de Louis XIV, voir Gallicanismci, col. 239-262.

Enfin le parlement, réduit par la royauté à ses fonctions judiciaires depuis les troubles de la Fronde, était prêt à s’en venger sur l’Eglise qu’il haïssait, et à sortir de son rôle pour trancher les questions religieuses elles-mêmes au profit de la couronne. Cette classe de légistes fut toujours en France, suivant l’expression de Guizot, « un terrible et funeste instrument de tyrannie ». Et cela sous couleur de liberté. Comme le clergé français, pendant le grand schisme, s’était appuyé quelquefois sur l’autorité royale pour maintenir ses anciens usages contre les prétentions de papes douteux et contestés, ces usages commencèrent ainsi à s’appeler <i les libertés de l’Eglise gallicane ». Les légistes s’emi)arèrent du terme et l’élondirent à t(mtes les usurpations qu’au nom de la royauté ils commettaienlsur les droiisdu Pape ou du clergé français. GériiN, op. oit, p. 16, 17. Uc là ce mot de Bossubt, à proi)os d’un sermon où il avait parlé des libertés de l’Eglise gallicane : « Je me proposai… de les expliquer de la manière que les entendent les ét’êques, et non pas de la manière que les entendent tes magistrats. » Lettre au curd. d’EsIrées, décembre 1681. De là ces deux interprétations diverses du gallicanisme ecclésiastique, que souvent l’on appelle, l’une gallicanisme épiscopal ou des évêques, l’autre gallicanisme parlementaire ou des magistrats ; voir Gallicanisme, col. 198, sqq ; cf. col. 251.De là enfin co caractère « anticlérical et la’icisateur » du parlement, dont parle Lavisse (Hisl. de France, Paris, 1907, t. VU, 21= part., p. 16). — De plus, en 1663, plusieurs membres du parlement de Paris étaient dévoués au jansénisme, surtout ses avocats généraux Jérôme Bigno ; * et Denis Talon, celui-ci gallican si fougueux, que plus d’une fois ses harangues, allant jusqu’à l’hérésie, avaient été censurées à Rome et à Paris.

b) /.es tltèses. — Si l’on ne tenait compte de toutes ces circonstances, on ne pourrait s’expliquer l’orage que déchaîna en janvier 1663 la thèse bien inoffensive allichée par un bachelier de Sorbonne, Drouet de Villeneuve. On sait que des gallicans extrémistes, surtout à Constance (voir Gallicanisme, col. 608), pour mieux remplacer le magistère infaillible du Pape par celui du Concile, présentèrent ce dernier comme absolument nécessaire pour trancher les controverses de foi et écarter ainsi les hérésies, et qu’en conséquence ils décrétèrent la singulière utopie d’un concile général à réunir tous les dix ans. Contre ces énormités et avec le sentiment commun des théologiens indépendants de toute attache janséniste, la thèse de Sorbonne disait : Concilia f ; eneralia ad extirpandas liæreses, scliismata, et alia toltenda incommoda, admodum sunt utiiia, non tamen absolute necessaria. Ce fut la proposition la plus incriminée par le parlement, avec deux autres plus facilement défendables encore. Le procureur général se précipite au Louvre, et Louis XIV lui ayant demandé ce qui l’amène : « G est pour savoir de Votre Majesté si elle veut que le Pape ait le pouvoir de vous ôter la couronne de dessus la tête, quand il lui plaira. » El il lui montre la bulle de Boniface VIII contre Philippe le Bel, bien étrangère à la question, puisque le parlement n’avait pu relever dans la thèse aucune proposition sur les rapl )orts du Pape et de la suprême autorité teuiporelle du roi, aucune attaque contre le gallicanisme politique. Mais l’impression était faite et la permission d’agir contre la Sorbonne, obtenue. Etudes, Lc, p. 885, 836 ; GKaiN, p. 20.

Mandé par huissier devant le parlement « pour