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jamais prolesse celle thèse ; et vainement les ricliéristes et les parlementaires avaient cherché à les mettre en contradiction avec eux-mêmes : s’ils admettaient l’infaillibilité romaine, leur disait-on, la logique les forçait d’admettre la doctrine enseignée à Rome Ju pouvoir des Papes sur le temporel des rois. Mais il n’y avait pas contradiction, quoi qu’en dise PuYOL (t. 11, p. 358 sq.), parce que cette doctrine u enseignée à Rome » n’avait et n’a jamais été vraiment définie, et qu’on n’admettait l’infaillibilité du Pape que dans ses définitions. Par la même raison, les jésuites ne reniaient pas l’infaillibilitc du Pape, quand, sous la menace du redoutable ministre, ils signèrent un désaveu du livre de Santarelli, ou quand ils renouvelèrent plus tard cette profession de gallicanisme politique ; ibid., p. 280, 30^.

Que Richelieu soit arrivé plus lard à cliercher, même sur la question des rapports spirituels du Pape avec les évoques, des formules du gallicanisme adouci dont il demandait la rédaction à Marca, cela ne prouve pas qu’il y ait une nécessité logique de passer d’un gallicanisme à un autre, mais seulement qu’il y a un danger pratique de le faire, sous l’influence de la volonté excitée par l’intérêt et la passion. Les passions ont, pour ainsi dire, une logique qui n’est pas celle de la raison ; en ce sens seulement, on pourrait pai’lerici de nécessité logique. Le gallicanisme ecclésiaslique est logiquementindépendantdu gallicanisme politique : voir Gallicanisme, col. 197, 198. A plus forte raison, si le gallicanisme ecclésiastique n’est considéré que dans la question particulière de l’infaillibilité pontificale, comme nous le considérons ici ; cf. ibid., exemple de Pierre Pithou, col. 195.

L’infaillibilité pontilicale continua donc, dans le courant du xvii" siècle, à être soutenue même par des docteurs de Sorbonne. Nous citerons deux de ces docteurs, Abelly et Bail, en deux ouvrages qui, de leur temps, et même après eux, eurent une véritable influence, plusieurs fois réimprimés en France el à l'étranger.

Abklly, dans son célèbre manuel intitulé Medulla iheoloffica (Paris, 1651, 1689, etc.), parle ainsi : « De cette doctrine de S. Bernard, commune dans toute l’Eglise, il s’ensuit 1" que toutes les fois qu’une controverse en matière de foi vientà se produire, toutes les fois que surgit une nouvelle doctrine, et qu’on doute si elle est contraire à la foi, le moyen très certain de discerner la vérité et de la séparer de toute erreur, c’est de recourir au Siège Apostolique, où la foi ne peut défaillir. Il s’ensuit a" quelorsqu’en matière de foi il a été défini quelque chose par le pontife romain parlant ej- cathedra, c’est-à-dire, non pas comme docteur privé, mais comme vicaire du Christ et chef de l’Eglise, en observant la forme d’un légilime jugement, soit qu’il s’agisse d’une proposition condamnée comme hérétique, ou d’une vérité définie avec obligation de la croire, alors tous les chrétiens sont tenus d’adhérer à son jugement et d’obéir à ses décrets, de condamner ce que le Siège Apostolique condamne, d’approuver ce qu’il approuve. » Medulla, part. I, traité I, ch. iv, sect. i, §4 ; 14' édit., Cologne, i’jo5, p. 50.

Bail, dans VApparatus qui précède son recueil abrégé ou « Somme » des conciles, publiés à Paris en 1659 el 1672, pose celle question : « Est-il vrai qu’en dehors des conciles généraux il n’y ait aucune définition certaine dans les choses de foi ? — C’est, répond-il, l’opinion de quelques-uns ; elle ouvre le champ libre aux auteurs de nouvelles hérésies, ou à ceux ipii remettent à neuf des erreurs condamnées, et leur permet d’en propager la contagion à travers les Eglises, dès lors que l’on n’admet plus de juge

constitué par Dieu pour les réprimer dans l’intervalle des conciles, et qu’ils pourront toujours opposer cette lin de non-recevoir : Personne ne peut rien définir de certain. Les premiers siècles de l’Eglise n’ont pas vu de concile général ; entre le 4' concile, œcuménique et le 5*, loa ans se sont écoulés ; entre le 5* et le 6 « , 129 ans ; entre leôoet le 7", 109 ans ; entre le ') et le 8=, 120 ans ; entre le 8" et le 1" de Latran, 223 ans ; et depuis le concile de Trente, voilà déjà plus de cent ans. Quelle ruine des âmes, si dans ces intervalles il est permis de penser que les décrets des Pontifes romains sont sujets à l’erreur, comme le disent les fauteurs des derniers troubles de l’Eglise (les jansénistes). Aussi est-il une meilleure opinion, c’est que le Christ a mieux pourvu que cela au bien de son Eglise et à la tranquillité des consciences, c’est que le souverain Pontife parlant ex cathedra des choses de foi ne peut ni se tromper ni nous tromper. » ^'nmnia co « c1710r » iii, Paris, 1672, 1. ! , p. 84. « Et l’on voudrait nous faire croire, dit-il plus loin, que le Pontife est assis sur la chaire de pestilence pour nous enseigner des choses fausses et pernicieuses s » r /es dogme » nécessaires au salut (nous mettons cette restriction aiin qu’on ne dise pas, pour jeter sur nous l’odieux, que nous le prétendons infaillible sur les affaires séculières du royaume). On voudrait nous faire admettre, d’une part, que l’Eglise est infaillible et ne peut recevoir aucun dogme erroné, ce que nous reconnaissons volontiers, — el d’autre part, que le Christ lui aurait assigné un Docteur qui lui enseignerait les pires erreurs. » Ibid., p. 85.

Quant aux évéques de France, ils reconnaissaient encore bien nombreux l’infaillibilité pontificale en 1651, à en juger par la lettre que 85 d’entre eux écrivent à Innocent X pour lui soumettre les cinq propositions extraites par eux du livre de Jansénius. La voici, d’après une traduction officielle :

« Très Saint Père, la foi de Pierre, qui ne défaut

jamais (nunqaani deficiens) désire (postulat) avec grande raison que cette coutume reçue et autorisée dans l’Eglise (solemnis Ecclesiæ mos est) soit conservée, qui veut que l’on rapporte les causes majeures au Saint Siège apostolique. Pour obéir à celle loi si équitable, nous avons estimé qu’il était nécessaire d'écrire à Votre Sainteté touchant une affaire de très grande importance qui regarde la religion. » Après un exposé de l’affaire : « Nous la supplions de vouloir examiner et donner son jugement clair et certain surchacunedes propositions qui s’ensuivent. Votre Sainteté a depuis peu reconnu par expérience combien a été puissante l’autorité du Siège apostolique pour abattre l’erreur du Double chef de l’Eglise (en 1647, voir D. B., n. 1091) ; la tempête a été incontinent apaisée, et la mer et les vents ont obéi à la voix et au commandement de Jésus-Christ. Ce qui a fait que nous vous supplions, T. S. P., de prononcer un jugement certain et assuré sur le sens de ces propositions, auquel qugement) M. Jansénius étant proche de sa mort a soumis son ouvrage, et par ce moyen, de dissiper toute sorte d’obscurité, rassurer lès esprits noltanls, empêcher les divisions et rétablir la tranquillité et l'éclat de l’Eglise. » Recueil des actes, titres et mémoires, concernant les affaires du clergé de France, Paris, T}68, t. I, col. 221 sqq.

On dit qu'à partir de 1652, dans les pièces où il rappelait contre les erreurs des jansénistes la condamnation pontificale, l'épiscopat français employa des formules tellement calculées par son secrétaire Marca, que la valeur infaillible de la condamnation ne parût pas venir du Pape seul, mais du Pape avec l’iidliésion de l'épiscopat catholique. C’est la remarque de PuYOL, qui reproche à dom Guéranger el à