Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/730

Cette page n’a pas encore été corrigée

1447

PAPAUTE

1448

Pape en certains cas, et a le droit de prescrire des lois ou règles selon lesquelles la plénitude de la puissance papale doit être modérée et réglée, non pas en soi. puisqu’en soi elle reste toujours la même, mais dans son usage n.

Kicher, au rebours de Gerson, dit « que le régime aristocratique est le meilleur de tous, et le plus convenable à la nature ». Hf ecclesiaslica et politica potestale, Paris, 1611, principe r, p. 5. Il ne nie pas que le Christ ail institué la papauté ; pourtant son Libellas n’est pas très clair là-dessus, et son disciple ViGOR a pu s’y tromper et en faire une instiiution purement ecclésiastique, que par suite l’Eglise pourrait abroger. Enlin, pour Gerson, le Christ a voulu un seul monarque, comme il a ioitlu une seule foi, un seul baptêaie, une seule Eglise, points essentiels dans le christianisme ; pour Richer, le pape n’est point un rouage essentiel. Il distingue entre le chef

« essentiel », qui est le Christ seul, et le chef
« ministériel ». II nie que le Pape soit essentiel à

l’Eglise, sous le beau prétexte qu'à sa mort l’Eglise n’en subsiste pas moins pendant la vacance du Siège ; comme s’il n’en était pas ainsi de toute société où le chef est élu à la mort de son prédécesseur, ce qui ne l’empêche pas de pouvoir être un rouage essentiel, de par la constitution ! Et parce que l’Eglise peut exister quelque temps sans Pape, il s’indigne de ces formules : « Comme l'édifice ne peut subsister sans fondement, l’arbre sans racine, etc., ainsi l’Eglise sans le Pape. » Mais ces formules sont patristiques ; et c’est puérilité de sa part que d’exiger, pour ce qui est nécessaire ou « essentiel » dans l’ordre des choses morales, absolument les mêmes conditions que pour ce qui est « essentiel » dans l’ordre physique ou métaphysique. Quant au titre de chef ministériel » donné au Pape, il a un sens vrai si le mot u ministériel » est employé par rapport eui Christ, dont le Pape n’est que le ministre, le vicaire, le subordonné, tout en étant chef de l’Eglise ; mais il sonne faux s’il est employé par rapport à l’Eglise ou au concile dont le Pape serait le commis et le subordonné, et c’est bien la pensée de Kicher. Cf. PuYOL, op. cit., t. I, p. 503 sq.

Sur la question de l’infaillibilité, qui nous intéresse directement, voici les termes du Libellas :

« L’infaillibilité des décrets appartient à toute

l’Eglise ou au concile général qui la représente, en quoi consiste la nature du régime aristocratique. Ceci est démontré soit par la lumière divine (révélation), soit aussi par la lumière naturelle (raison) puisque plusieurs yeux voient mieux qu’un seul. «  Principe n-, p. 8. — Comme si l’infaillibilité, don surnaturel, suivait forcément la loi des yeux du corps ou en général des connaissances naturelles ! Après cette « démonstration » par la raison, le Libellas accumule des textes qui ne prouvent pas davantage, comme Hebr., v, i. Et Richer de conclure que « c’est au Concile général que reviennent toutes les controverses, comme au dernier et infaillible tribunal, contenant toute la plénitude de la puissance ». Ibid., p. 10.

3° Accueil tait au Libellas dans l’Eglise de France, spécialement sur le point de l’infaillibilité pontilicale.

a) Théologiens. — Si Richer eut pour lui les parlementaires, dont le gallicanisme poli ti(]ue n’avait pas désarmé, et dont trop souvent il sollicita l’intervention, plus que déplacée dans les controverses religieuses ; s’il troubla bien des esprits, il ne put faire triompher ses vues à l’Université de Paris, ni dans l’Eglise de France. Aussitôt paru, le Libellas fut réfuté par divers ouvrages, soit en dehors de la Sorbonne, comme par l’abbé de Beaulieu, aumôQier

du roi, et Pelletier, protestant converti qui compara la doctrine nouvelle avec celle des chefs de la Reforme ; soit par des docteurs de Sorbonne, comme Durand, Bouchek, Dival, Forgemont ; cf. Puyol, ibid., p. 298 sq. Dans une lettre à Casaubon en 1612, le carbinalDupBRRON rappelait que Richer, du temps qu’il était pour la Ligue, avait mis, dans une thèse théologique, les Etals Généraux du royaume audessus du roi, et qu’appliquant maintenant à l’Eglise

« ce levain de vieille doctrine », il soutient encore
« l’excellence du régime aristocratique par-dessus

le monarchique ». Ambassades et négociations, Paris, 1628, p. 61|5. — Chose remarquable, aucun contradicteur ne se plaça sur le terrain de l’ancien gallicanisme, ni ne reprocha à Richer d’avoir dépassé Gerson ; l’ancien gallicanisme était bien oublié. Ce que l’on opposait alors à Richer, c'étaient les doctrines dites « ultramontaines », c'était la monarchie pure et sim[)le du Pape, avec son infaillibilité. Prenons par exemple un des principaux docteurs de Sorbonne, André Duval, que sa science et sa piété iirenl choisir à sain^t Vincent de Paul pour son confesseur. Sans parler de l’Elenclius qu’il oppose au novateur dès 1612, il réfuie Richer et son disciple Vigor en 161 4, dans un ouvrage magistral, où il dit, à propos de l’infaillibilité : « Vigor veut que le Pontife, quand il délinit en dehors du’concile, ne soit pas infaillible, bien qu’agissant comme Pontife : ce qui est absolument faux. » De snprema romani ponti/icis in Ecclesiam potestate, part. II, q. i ; nouvelle édit., Paris, 1877, p. 96. Cette infaillibilité du l’ape sans le concile ne semble pas à Duval être de foi « au moins ce n’est pas évident qu’elle le soit ; mais pourtant elle est absolument certaine et indubitable, puisque le Saint-Esprit assiste perpétuellement le Pape pour qu’il ne lui échappe pas la moindre erreur quand il délinit ». Ibid., p. io5.

Ce mouvement d’opposition à Richer, en particulier au sujet de l’infaillibilité du Pape, continue les années suivantes parmi les docteurs de Sorbonne. Citons l’ouvrage du docteur Maucleh, De monarchia difina, etc., Paris, 1622, où il dit à propos de l’infaillibilité du Pape, que ceux qui l’attaquent « sont hérétiques, schismatiques et impies » ; que les controverses sur la foi doivent être considérées comme terminéespar le jugement du Pontife romain, et que c’est « l’enseignement courant des professeurs de théologie » ; part. II, liv, ch. 4- — Un gallican, l’avocat Fleury, nous raconte que a en 1634 le quatrième juillet, les sieurs Duval, Ysambert, Lescot, Cornet, docteurs régents des collèges de Sorbonne et de Navarre, s’assemblèrent avec quelques autres de leur faction au collège d’Ainville, et formèrent six propositions pour les envoyer dans toutes les universités du royaume comme les senliments de celle de Paris… La première est : Summus Pontifex ex traditione ditina falli non potest nec falsam dicere circa veritatem fidei. » Cf. Puyol, Edmond Hicher, t. II, p. io3, — Nous lisons dans les ŒuiTet de Nicolas Coëffeteau, O.P., conseiller du Hor en ses conseils, et nommé à Vévéché de.Marseille, Paris, 1622, ces paroles qu’il adresse à Jacques I : « Une chose vous semble insupportable en ce sujet : c’est que nous disons que le Pape ne peut errer. Mais, Sire, nous ne l’avons jamais dit de sa personne particulière. Car nous savons qu’il est homme pécheur comme un autre, et partant qu’il peut errer en la doctrine et es mœurs, si on le considère en particulier ; mais en qualité de successeur de saint Pierre, il ne peut rien enseigner de contraire à la piété, il ne peut proposer à l’Eglise aucune pernicieuse doctrine, il ne peut induire les peuples à embrasser une hérésie, vu que notre Seigneur a prié pour la