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qu’elles ont dû notablement contribuer à la décadence du gallicanisme ; enfin Suakbz ({ 1617).

< Le Pontife romain, dit le cardinal Tolet, ne peut errer dans le juijement qu’il porte sur la foi et les mœurs, c’est-à-dire quand il détermine judiciairement ce qu’il faut croire ou ce que la morale dit de faire. Celle conclusion n’est pas une simple opinion : la contradictoire est une erreur manifeste contre la foi. » Enarralio in siimmatn S. Thomae, Rome, 1869, t. II, p. 70. — « Toutes les fois que le Pontife use de l’autorité qu’il possède pour délinir les questions de foi, dit Grégoire de Valence, la doctrine qu’il déclare être de foi doit être, en vertu d’un précepte divin, reçue comme telle par tous les tidèles. Nous devons admettre qu’il use de cette autorité, lorsque dans une controverse de foi il décide en faveur d’une des deuxopinionsopposées, eumanifestanlla volonté d’obliger toute l’Eglise à la recevoir. » Commentarii theologici, Lyon, 1603, t. 111, col. 2^9. Et à propos de quelques auteurs dont la pensée à ce sujet n'était pas assez nette : « S’ils entendent, dit-il, que le Pontife…, comme personne publique, puisse délinir réellement une erreur contre la foi, ils errent euxmêmes très gras’ement en matière de foi. » Ihid., col. a56. — « Que le Pontife… ne puisse jamais définir quelque chose d’hérétique comme devant être cru par toute l’Eglise, c’est la doctrine très commune de presque tous les catholiques », dit le cardinal Bellarmin ; et plus bas, il l’appelle « très certaine » et juge ainsi l’opinion contraire de Gerson : Nous n’osons pas dire qu’elle soit proprement hérétique, parce que nous voyons ses partisans tolérés encore par l’Eglise ; cependant elle paraît tout à fait erronée et approchant de l’hérésie, en sorte qu’elle pourrait à bon droit être déclarée hérétique par le jugement de l’Eglise. » Controf., l. IV, de Rom. Pont., ch. Il ; Œut’res, éd. Vives, t. II, p. 79, 80. — Suarez est encore plus affirmatif, peut-être parce qu’il écrivait dans un temps où la décadence de l’opinion gallicane était devenue complète ; car son ouvrage sur la foi, où il traite de la question de l’infaillibilité pontiflcale, est le dernier fruit de son enseignement et ne fut publié qu’en 1621. « C’esl une férité catholique, dit-il, que le Pontife définissant ex cathedra constitue une règle de foi infaillible, quand il propose avec autorité quelque chose à l’Eglise universelle comme devant être cru de foi divine. Ainsi l’enseignent aujourd’hui tous les docteurs catholiques, et selon moi cette vérité a une certitude de foi. » De Fide, disp. V, sect. 8, n" 4 ; Œuvres, éd. Vives, t. XII, p. 162. Quelqu’unavait voulu esquiver une ancienne définition pontificale, sous prétexte que l’infaillibilité du Pape, définissant en dehors du concile général, n'était pas une vérité de foi. « Cette réponse, dit Suarez, est non seulement bien téméraire, mais encore erronée. Bien qu’autrefois quelques docteurs catholiques aient émis (sur l’infaillibilité du Pape sans le concile) un doute ou une erreur, peut-être sans s’y obstiner, aujourd’hui le consentement de l’Eglise à cette vérité est si constant, le sentiment des écrivains catholiques si unanime, qu’il n’est aucunement permis de la révoquer en doute. » Ihid., disp. XX, s. 3, n* 22, p. 617.

Terminons par le témoignage de saint François DE Sales dans ses Controverses, rédigées à la fin du xvi= siècle. Après avoir parlé de l’infaillibilité de saint Pierre comme chef de l’Eglise : « L’Eglise, dit-il, a toujours besoin d’un cou firmateur infaillible auquel on puisse s’adresser, d’un fondement que les portes d’enfer, et principalement l’erreur, ne puisse renverser, et que son pasteur ne4(^uisse conduire à l’erreur ses enfants : les successeurs donc de S. Pierre ont tous ces mêmes privilèges, qui ne

suivent pas la personne, mais la dignité et la charge publique. » Œuvres, éd. d’Annecy, 18ya, t. I, p. Bo.'j. On sait que « la lecture de la page autographe du saint Docteur, où le Souverain Ponlife est qualifié du titre (le « Conlirmateur infaillible » produisit une impression profonde sur l’esprit des Pères du Concile, et en détermina plusieurs à souscrire à la définition de l’infaillibilité pontificale. » Ibid., Préface des Controverses, p. cxiii.

3' Epoque : Le retour de l’anti-infaillibilisme au XVII' siècle. — Il dérive de deux faits principaux : l’initiative de Richer, et la déclaration de 1682.

A. — L’initiative de Richer

1" La théorie du Libellas. — Cette doctrine de l’infaillibilité du Pape, devenue à la fin du xvi » siècle commune parmi les théologiens catholiques, fut soudain attaquée par un docteur de Sorbonne qui l’avait professée d’abord avec l'énergie d’un ligueur EoMOND RicuER. Sous l’influence des passions politiques et de la réaction contre la Ligue, gagné d’abord au gallicanisme des parlementaires, il en vint à se donner la mission de restaurer le gallicanisme ecclésiastique. Sectaire habile et tenace, il fit servir à ce but sa charge de syndic de Sorbonne, soit par diverses mesures qu’il prit à l’intérieur de la faculté de thôologie, soit au dehors en attaquant ceux qui faisaient obstacle à ses idées, paj exemple, en poussant l’Université et le parlement de Paris à des poursuites iniques contre les jésuites, rendus complices de l’assassinat d’Henri IV, et en intervenant d’une manière scandaleuse dans la solennelle dispute de théologie donnée à Paris chez les dominicains à l’occasion de leur chapitre général en 1611, où figuraient, entre autres thèses à soutenir, l’infaillibilité du Pape et sa suprématie. C’est alors qu’iUit paraître un opuscule anonyme : De ecclesiastica et politica putestate ; voir Gallicanisme, col. 226, 227. Sa brièveté l’a fait surnommer le Libellas.

Richer travailla à une édition de Gerson, écrivit une apologie de Gerson, déclara en 162a n’avoir écrit son opuscule que n pour montrer sommairement quelle était l’ancienne doctrine de l’Ecole de Paris » ; cf. PuYOL, Edmond liicher, t. II, p. 178 sq. Mais en réalité il va beaucoup plus loin que le grand ancêtre dont il se couvre. Ouvrons les œuvres de Gbrson :

« La papauté, dit-il, a été instituée par le Christ surnaturellement et immédiatement, comme une primauté monarchique et royale dans la hiérarchie

ecclésiastique… Quiconque a la présomption d’attaquer ou de diminuer cette primauté… est hérétique, schismatique, impie et sacrilège. » Tract, de statibus ecclesiasticis, au début ; Opéra, éd. Dupin, t. II, col. 529. Le Christ a voulu, dit ailleurs Gerson, que son Eglise fût gouvernée principalement par un seul monarque, de même qu’il y a une seule foi, un seul baptême et une seule Eglise ; en sorte qu’il y ait unité de chef, soit qu’on regarde le chef principal, soit qu’on regarde son vicaire : parce que c’est la meilleure forme de gouvernement, surtout dans les choses spirituelles, pour conserver l’unité de foi, à laquelle tous sont obligés. » Tract, de potestate ecclesiastica, consid. IX, col. 288. Et il ajoute qu’il n’en est pas de même dans l’ordre civil, où il y a plusieurs nations avec une législation spéciale pour chacune, et où une semblable « monarchie universelle » ne conviendrait pas. i Le pouvoir ecclésiastique en sa plénitude, dit-il encore, est formellement et subjectivement dans le seul Pontife romain. » Ibid., consid. X, col. 289. Toutefois, Gerson ajoute que le Concile général a le droit de juger et de déposer le