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PAPAUTE

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est indéfectible : donc, etc. La majeure est évidente. La mineure s’impose : c’est de ce saint Siège, dans la personne de l’apôtre Pierre qui devait y présider le premier, qu’il a été dit : Pierre, j’ai prié pour toi, alin que ta foi ne défaille pas, J.uc, xxii, Sa. » Et après avoir renforcé la preuve d’Ecriture par celle des Pères, d’Villy ajoute à son raisonnement spéculatif un corollaire d’actualité : « En conséquence, au début de ce travail, nous déclarons soumettre humblement à ce saint Siège et au Souverain Pontife qui l’occupe, tout ce que nous dirons, afin qu’il le juge et le corrige ; voulant imiter S. Jérôme quand il disait au Saint Père : « [Telle est la foi que nous avons a apprise dans l’i^glise catholique ; si, par hasard, u nous y avons mêlé quelque chose de peu exact, t nous désirons être corrigés et repris par vous, qui

« avez hérité de la foi de Pierre et de son Siège. « D’An-ŒNTHii, 

ibid., p. 76. Rien de plus clair : d’.^illy reconnaît l’infaillibilité spéciale, non seulement " du Saint-Siège » — expression plus vague, — mais encore du Pape. Et quelles qu’aient pu être alors ses opinions personnelles sur l’infaillibilité pontiiicale, le fait qu’il parle ici au nom de l’Université et en résume les débats, explique en tout cas qu’il ne s’éearte pas de la doctrine encore communément admise.

Venons au temps du concile de Constance, et montrons alors la genèse complète du gallicanisme ecclésiastique. Le schisme traînait en longueur, et rien n’avait réussi à éclaircir ni à trancher le problème de la succession légitime : au contraire, au lieu de deux prétendants, on en avait trois. Dans le conllit tumultueux des thèses sur le pouvoir du concile, il y avait un point sur lequel on pouvait généralement s’accorder : c’est qu’au besoin le concile, pour arriver à uuclief incontesté, est au dessus des papes problématiques comme ceux d’alors ; qu’il pouvait donc, s’il était nécessaire, déposer les divers prétendants, et, avec les cardinaux des diverses obédiences, procéder à l’élection d’un pape certain pour tout le monde. De fait, le schisme fut heureusement terminé par l’élection de Martin V ; et dès lors, les théologiens et les canonistes gardèrent l’axiome : Papa dubius, papa nitllus, susceptible d’un sens parfaitement orthodoxe ; cf. Wernz Jus decretaliitm, Rome, 1906, ’2= éd., t. II, n. 618, pp. 355-357.

Mais quelques théologiens de cette époque troublée et violente, frappés de la supériorité que le concile de Constance exerçait, de l’aveu de tous, sur les papes d’alors, ne comprirent pas qu’elle se justiûait seulement par un doute raisonnable sur le fait de la légitime élection de ces papes rivaux, chacun d’eux ayant contre lui une probabilité plus ou moins grande. Ils interprétèrent plutôt les faits par une théorie abstraite de la supériorité du Concile en général sur le Pape en général ; l’énorme distance qu’il y a entre le cas d’un pape douteux et celui d’un pape incontesté, ils la franchirent d’un bond. De là ces conséquences, que le concile est le juge naturel du Pape, et qu’on a toujours le droit d’en appeler du Pape au Concile, comme à un premier supérieur qui peut réformer ou abroger les mesures disciplinaires prises par son subordonné. Et encore, parmi les pionniers du gallicanisme naissant, tous n’allaient pas si loin. Le cardinal d’Ailly lui même, à la lin d’un opuscule écrit à Constance après la déposition de Jean XXlll, en i^i^, concluait que « le Concile général peut en bien des cas juger et condamner le Pape, et qu’on peut en bien des cas appeler du Pape au Concile, c’est-à-dire dans les cas qui menacent l’Eglise de destruction ». Tractatus de Ecclesiae, Concilii generalis, lioniani Ponli/icis et Cardinalium auctoritate ; dans les œuvres de Gerson, édition EUie

Dupin, Anvers, 1716, t. II, col. gag, 960. U ne s’agit donc pas, pour Pierre d’Ailly, d’un pouvoir régulier du concile sur le Pape, mais seulement d’un pouvoir exceptionnel en des cas extraordinaires. Quand les défenseurs de la primauté du Pape alléguaient à Constance les textes du droit canon où il est dit que le Pape ne reçoit pas de loi du Concile, ne lui est pas soumis, ne peut être jugé par lui : « C’est vrai, régulièrement parlant et dans la plupart des cas, répondait d’Ailly ; seulement il y a des exceptions. » Ihid.

Restait un dernier pas à faire pour compléter le gallicanisme ecclésiastique, c’était de prétendre qu’on peut appeler du Pape au Concile, même dans les controverses de foi terminées par un jugement ou « définition » du Pape ; c’était la négation de l’infaillibililé pontificale. Gerson, qui avait succédé à Pierre d’Ailly dans la charge de chancelier de l’Université de Paris, fit ce dernier pas en i 418, vers la Un du concile, dans un opuscule intitulé : Tractatus quomodo et an liceat in causis fidei à Summo Pontijice appellare, seu ejus judicium declinare ; Opéra, éd. citée, t. II, col. 303 sq. — Bien qu’avec quelque ménagement, et en ajoutant à la Un qu’il ne prétend exposer son opinion que pour contribuer à la recherche de la vérité, il prend à partie Marlin V lui-même, pour avoir dit dans une constitution ponliUcale : Niilli fas est a supreino judice, videlicet Apostoliea Sede seuHomano Pontijice… appellare aut illiiis judicium in causis fidei declinare. Après avoir combattu la première partie de cette assertion en tâchant de prouver la supériorité absolue du Concile sur le Pape, Gerson attaque la seconde (sur les causae fidei) comme étant « encore moins soutenable que la première, au jugement de quelques-uns, qui la qualifient d’hérétique et fondent leur dire sur queli |ues principes regardés par eux comme des vérités catholiques ». Voici le premier de ces principes :

« Dans les causes de foi, il faut que le jugement

s’appuie sur une règle infaillible et que le juge suprême, dont on est tenu d’accepter la sentence comme vraiment catholique, ne puisse dévier de la foi : autrement on serait tenu d’adhérer à une chose contraire à la foi. » Ce principe est vrai, mais le suivant est une déplorable négation de l’infaillibilité ponti-Ucale :

« Dans les causes de foi, il n’y a sur terre

aucun juge infaillible, ou qui ne puisse dévier de la foi, si ce n’est l’Eglise universelle ou un concile général qui la représente suffisamment. » Des principes qu’il vient de poser, Gerson n’a pas de peine à tirer cette conclusion pratique : k Dans les causes de foi, une décision judiciaire de l’évëque ou même du Pape, prise à part et en elle-même, n’oblige jamais les Udèles à croire comme vérité de foi ce qu’on y déclare tel, parce que le Pape, ainsi que l’évëque, peut dévier de la foi ; elle oblige néanmoins sous peine d’excommunication ceux qui leur sont soumis à ne pas soutenir extérieurement le contraire de cette décision, à moins qu’on ne voie dans l’Ecriture ou dans un jugement de Concile une raison manifeste de résister. » Ihid., col. 307.

Voilà bien Vaiiti-infaillibilisme, non seulement inconnu à saint Thomas et aux autres grands docteurs de l’Ecole, comme nous le verrons, mais opposé à ce qu’avait écrit le maître de Gerson, Pierre d’Ailly, au nom de l’Université de Paris, comme nous l’avons vu. Un grand érudit en matière théologique, Théophile Raynaud, ne craint pas d’ajouter :

« On pourrait citer pour l’infaillibilité du Pape

tous les théologiens qui ont vécu avant le concile de Constance. C’estseulement à partir de celui de Bàle, que cette vérité a commencé d’être controversée parmi les catholiques. Tous ceux qui out précédé ce