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PAPAUTE

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enlraineinent naturel, et par là il tombe souvent dans l’erreur. Si Dieu laisse parfois le Pape se tromper ainsi pour son compte personnel, du moins ne pernietlra-t-il jamais qu’il délinisse son erreur privée.

Le nombre si restreint de documents pontificaux qui soient sûrement des définitions, dans le cours des siècles et même depuis le concile du Vatican, doit rassurer ces politiques qui ont peur que le Pape, à chaque litige qu’il aura avec les gouvernements, ne définisse à son avantage un point de droit naturel. D’ailleurs, s’il est infaillible en se prononçant sur une vérité révélée ou sur un « fait dogmatique » intéressant l’Eglise universelle, il ne l’est pas sur le

« fait particulier » d’un prince, d’une nation, etc.

(S. Thomas, Quodlib. ix, art. 16). Enlln il ne l’est pas dans les considérants de son jugement, même dogmatique, dans la partie argumentative, ou historique, narrative, qui sert de préambule, mais dans le dispositif, dans la sentence finale, si liée qu’elle soit au reste par une conjonction, ou même dans la pensée du Pape. Ainsi en est-il dans la bulle L’nam sanctani de BoNiFACE VUI, d’après Wernz et autres canonistes ; voir Choupin, op. cit., p. 13 sq. Cf. art. BoNiFACB VIU. — Pour nous catholiques, nous croyons que l’assistance divine l’empêchera d’errer même dans sa propre cause.

De cette confusion entre l’infaillibilité et lascience universelle, provient une objection classique chez les protestants. « Si l’Eglise romaine est infaillible, disent-ils, pourquoi ne publie-t-elle pas un commentaire infaillible de tous les versets de l’Ecriture ? Pourquoi refuser jalousement aux âmes la lumière qu’elle pourrait leur donner en définissant le sens de chacun ? > — CinLLiNGwoRTn, et autres, cilés par MuRHAY, J)e Ecclesia, t. II, p. 36 1, 368, et t. III, p. 54. La réponse est dans ce que nous venons de dire. Notons que cette objection en contredit une autre des mêmes adversaires, quand ils se plaignent que les définitions gênent la liberté de la science chez les catholiques ; nouvelle raison pour que tout ne soit pas défini, et les protestants ne peuvent donc nous reprocher le petit nombre des définitions qui nous jalonnent la roule.

Pour avoir écarté les idées fausses que l’on se fait de l’infaillibilité, nous ne prétendons pas avoir déjà prouvé l’existence de ce privilège. Cependant nous sommes déjà en droit de conclure que, dans son concept, il n’a rien d’exorbitanlni de contraire à la raison, et qu’il est même bien plus raisonnable et plus modéré que la prérogative attribuée par mainte secte protestante à ses fidèles, dont chacun est censé illuminé de nouvelles révélations divines, etconséquemnient infaillible. Entre une pareille prétention et la position catholique, il y a une multiple dilférence, toute à notre avantage. Ils font de tous leurs fidèles autant de prophètes. Pour nous, nous ne reconnaissons pas même au chef de l’Eglise, comme base de son infaillibilité, le don de prophétie ou de nouvelles révélations. Ils multiplient outre mesure les phénomènes anormaux et mystiques, et, en les généralisant, sont forcés de les prodiguer même à des gens sans discrétion, sans prudence, qui abuseront de prétendues révélations soit pour l’extravagance, soit pour le crime, comme l’histoire du protestantisme en fait foi. Nous réduisons, nous, le don surnaturel d’infaillibilité à une personne choisie avec soin et présentant des garanties d’instruction, de bon sens et de prudence. Ils ne fournissent aucune preuve des nouvelles révélations qu’ils supposent, comme le remarquait déjà Luther, quand il demandait aux prophètes anabaptistes de faire des miracles pour prouver leur charisme prétendu. Le Pape, au

contraire, ne peut être mis en demeure de faire des miracles, étant sufiisarament désigné comme infaillible i)ar sa charge même, du moment qu’une fois pour toutes l’infaillibilité a été attachée à cette charge, comme nous le prouverons ; d’où il suit que les fidèles, de leur côté, peuvent aisément découvrir par une marque extérieure l’enseignement infaillible, et grâce à la sécurité qu’il produit, bénéficier eux-mêmes de ce privilège destiné au bien de tous. Quand nous parlons du protestantisme, ce n’est pas seulement à son histoire ancienne que nous faisons allusion. Plusieurs de ces sectes d’illuminés subsistent encore, notamment en Angleterre et aux EtalsUnis ; d’autres se sont fondées récemment, et même en dehors do ces sectes spéciales, beaucoup de protestants attribuentà Ieurs « expériences religieuses » une sorte d’infaillibilité et, sans plus de critique, mettent d’emblée au-dessus de toute objection les suggestions d’origine douteuse qui hantent leur pensée et dirigent leur vie. — Voir Expérience religieuse, col. 1802, sq.

II. ADVERSAIRES DE L’INFAILLIBILITÉ PONTIFICALE

On peut les diviser en deux catégories, d’après la différente méthode apologétique à suivre avec eux.

! '<= catégorie : Ceux qui rejettent l’infaillibilité du

Pape parce que, plus radicaux dans leurs négations, ils rejettent tout magistère infaillible dans l’Eglise, et aussi bien dans la leur que dans la nôtre. Tels beaucoup de protestants. Plusieurs d’entre eux conçoivent mal l’infaillibilité en général et nous prêtent à ce sujet des absurdités que nous ne disons pas : nous venons de réfuter ces fausses imputations. Cela fait, l’apologiste catholique, avant de chercher à les convaincre de l’infaillibilité spéciale du Pape, devra leur prouver uneinfaillibilité résidantd’une manière plus générale et plus vague dans l’Eglise de JésusChrist. Cette preuve a été donnée plus haut à l’article EoLisB, col. 1244-1246. Cf. Z>ic^ dethéol. cathol., art. Foi, co. 151-158.

3' catégorie : Ceux qui, tout en admettant un certain magistère infaillible dans l’Eglise, rejettent l’infaillibilité spéciale du Pape. Et ici la méthode doit encore varier suivant ce qu’ils admettent : ce qui donne lieu à une subdivision :

1° Les schismatiques orientaux reconnaissent l’infaillibilité des anciens conciles où l’Orient et l’Occident étaient représentés ; mais à dater delà séparation des Eglises, ils n’admettent (au moins pour la plupart) ni chez nous, ni chez eux, aucun magistère vivant et infaillible, pouvant définir et juger les nouvelles controverses sur la foi et les mœurs. Voir Eglise, col. I2(j4-H95 ; et Grecque (Eglise), col. 365-366. La méthode apologétique à suivre avec eux a été donnée dans ce dernier article, col. 385-389.

La théorie des schismatiques orientaux a trouvé des imitateurs dans la fraction de l’anglicanisme qui se ressent du mouvement d’Oxford. On y admet l’infaillibilité des anciens conciles et des Pères ; mais depuis leur temps, plus de magistère vivant qui puisse infailliblement définir, sinon peut-être un concile général après la réunion rêvée et problématique de ces « trois branches de l’Eglise du Christ) : l’Eglise anglicane, l’Eglise grecque, et l’Eglise catholique romaine. On n’admet donc pas, en pratique, de magistère vivanlel infaillible. Voir Dict. de théol. cutli., loc. cit., co. 154, 155, 1 58 160.

2° Les gallicans, bien moins éloignés de la vérité, admettaient un magistère vivant et infaillible, celui du concile œcuménique (composé uniquement d'évêques catholiques, comme à Trente, par