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d’une personne à qui une garantie surnatiuellc d’infailliliililé est fittscliée d’i.ne manière re’gulière et constante, toutts les fois qu’elle fait appel à sa suprême autorité doctrinale ; comme cet appel est un fait extérieur et public, il est facile à vérifier, sans entrer ni dans les actes intérieurs de la personne, ni dans une série compliquée de preuves thcologiques ou historiques ; de là, pour tous les fidèles, l’utilité pratique d’un tel don fait à leur chef. Voir Eglisr, col. 1241, nijs.

(/) Le mot Eglise, trois fois répété dans cette définition du concile, a-t-it toujours le même sens ? — Non, et ses divers sens en trois passages différents ne sont pas sans causer quelque obscurité, du moins pour qui ne serait pas familiarisé avec les doctrines et les formules catholiques, naturellement emploj'ées par le concile Pour expliquer ces trois passages ou membres de phrase, nous partirons donc du sens ordinaire de ce terme parmi les catholiques. Par l’Eglise)> ils entendent une société hiérarchique et insiile ici-bas, cf. Eglise, col. 12^8 ; et parmi les sociétés de ce genre aujourd’hui existantes, ils entendent la véritable Eglise, celle qui par ses notes se montre identique à la société fondée par JésusChrist, cf. ibià., coi. 1268 ; laquelle n’est autre que l’Eglise catholique romaine, cf. ibid., col. 1291, 1396, 1297.

Premier passage : « Lorsque le Pape définit… qu’une doctrine… doit être tenue par VEfflise universelle. » Ici, le concile a très justement ajouté l’adjectif « universelle » : car il veut dire admise avec fermeté, par tous sans exception, non seulement par les simples fidèles, mais encore par le clergé, les évêques et le Pape lui-même, obligé à cela en conscience devant Dieu. Dans ce passage, a l’Eglise >' est donc prise (on peut dire) dans son universalité, bien qu'évidemment on n’y considère pas les enfants baptisés n’ayant pas l'âge de raison, qui ne sont pas capables de « tenir une doctrine ».

Deuxième passage : « il jouit de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu doter son Eglise quand elle délinil une doctrine ». Ici le terme < : Eglise » a un sens bien plus restreint que dans le passage précédent. Comme il s’agit de l’Eglise qui définit », on ne peut désigner ici sous le nom d' « Eglise » ceux qui ne peuvent pas définir : or, d’après les principes reçus de tout temps chez les catholiques, ce ne sont pas les simples fidèles qui peuvent définir, ni même les prêtres et le clergé inférieur, ni même un évêque isolé ou quelques évêques, mais cette grande réunion d'évêques associes au Pape, que l’on appelle le concile œcuménique. Ici donc, « l’Eglise » signifie ce concile, où est représentée toute la hiérarchie enseignante, Ecclesia docens ; et ceci supposé, on revendique pour le Pape seul et en dehors du concile, la même infaillibilité qu’ils en concile et qu’il partage alors avec les évêques enseignant et jugeant avec lui.

Troisième passage : t les définitions du Pontife sont irréformables par elles-mêmes et non par le fait du consentement de l’Eglise ». Ceci rejette directement une théorie gallicane qui revendiquait pour x l’Eglise » c’est-à-dire pour l’ensemble des évêques, réunis ou dispersés, le droit d’accepter ou non la définition pontificale : s’ils l’acceptaient, elle devenait infaillible et conséquemment irréformable, n’ayant point cette qualité par elle-même, mais seulement par le fait de cette acceptation des évêques autres que le Pape, acceptation qui était appelée « le consentement de l’Eglise ». Ici donc « l’Eglise a un sens encore un peu plus restreint. C’est toujours le corps épiscopal ; seulement il n’est pas pris avec son chef et en tant que renfermant scn chef, comme il

fallait le prendre tout à l’heure pour qu’il y eût vrai* ment concile œcuménique ; mais il est considéré en dehors du chef, revisant en quelque sorte sa définition, acceptant ou n’acceptant pas celle-ci, lui donnant ou ne lui donnant pas sa valeur.

Aux questions que nous ont suggérées les terme » mêmes de la définition du Vatican, ajoutons-en quelques autres qui achèvent de nous faire saisir la pensée du concile.

e) L’infaillibilité pontificale peut-elle être appelée une infaillibilité « personnelle c ? — Il y a du pour et du contre. Elle n’est pas personnelle quant à sa fin : comme tous les pouvoirs ecclésiastiques, elle tend au bien de tous les fidèles, et non pas à la jouissance personnelle du titulaire. Mais de ce qu’elle est pour tous, il ne s’ensuit pas qu’elle soit en tous : au contraire, faisant partie de la primauté du Pape (Concile du Vatican, sess. iv, e. 4, O- tl., 1882), elle doit résider en lui seul, et en ce sens on pourrait l’appeler (I personnelle ». Encore faudrait-il noter qu’elle n’est pas personnelle pour être attachée à la personne privée, mais au personnage public : en ce sens, ce n’est pas une prérogative de la personne, mais de la fonction. On pourrait d’ailleurs l’appeler « personnelle » pour la distinguer de l’infaillibilité résidant non dans le Pape seul, mais aussi dans les évêques réunis avec lui en concile œcuménique ; ou pour l’opposer à cette idée gallicane, que l’infaillibilité d’une définition du Pape dépend du consentement ultérieur des évêques à cette définition. On est donc en droit de parler d’une infaillibilité « personnelle ». Cependant, à cause de l’ambiguïté que présente cette expression, le concile du Vatican ne l’a pas employée. La question a été discutée au concile ; Acia…, co. 284, 286, et 898, 899. Cf. Gr.vnDERATH, dans l’opuscule Constitutiones concilii Vaticani ex ipsis ejus Actis illustratae, dissert, viii, Frihourg en Brisgau, 1892, pp. 175-177 ; et dans son Uistoire du Concile du Faïican, trad. franc., Bruxelles, 1912, t. III, i" part., chap. ix, pp. 277-280.

f) L’infaillibilité pontificale peut-elle être appelée une infaillibilité « séparée » ? — Cette expression, venue plutôt du camp opposé, n’est pas heureuse. L’enseignement infaillible du pape ne le « sépare » pas du corps de l’Eglise : au contraire, la tête influe alors sur le corps auquel elle est unie, et les liens mutuels n’en sont que plus raCTermis, comme le remarque la commission du concile ; disons donc plutôt que l’infaillibilité appartient au pontife » même en dehors du concile, et sans le concours des autres pasteurs ». Acta, col. 286, sq. A ce titre, on peut l’appeler « distincte », plutôt que séparée : distincte d’une autre infaillibilité qui est celle de l’Eglise ou du concile œcuménique, ainsi que le notait plus lard l'évêque rapporteur de la commission. La définition pontificale, ajoutait-il, est inséparable du consentement de l’Eglise, car ce consentement ultérieur ne peut jamais lui manquer, la Providence de Dieu veillant à ce que l’Eglise ne soit jamais séparée de son chef. Mais que l’on ne fasse pas de ce consentement une condition à laquelle serait suspendue l’infaillibilité de la définition, ou du moins lacertitude que nous en avons ; , 4e<rt, col. 899-^00. CLGranderath, opusc. ci'/., pp. 177, iHo ; Hist. du Concile du Vatican, I. c, pp. 146, 278. Comme condition d’infaillibilité, et sous prétexte de moins « séparer » le Pape et les évoques, quelques Pères du Concile auraient voulu que le Pape, avant de définir, consultât tous les évêques et que le concile exprimât cette condition comme nécessaire. Il est vrai, leur répondait le rapporteur, que le ponlife, ne recevant pas du ciel une nouvelle révélation, doit laborieusement se rendre compte que la vérité à définir est contenue, au moins