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PAPAUTE

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le concile « lu Vatican couronnait l’édifice de l’autorité spirituelle, par une déûnilion solennelle qui mettait Un à toute contestation sur l’étendue de ses droits.

IX. Objections contre l’action moderne de la Papauté. — Il est temps d’en venir aux objections que l’on fait contre cette action moderne de la Papauté. La première est d’avoir changé la constitution de l’Eglise pour la transformer en monarchie absolue. Nous y avons répondu ailleurs (cf. Gouvernement ecclésiastique).

D’autres vont plus loin et prétendent qu’à force d’exalter l’obéissance au pape, les catholiques semblent y réduire toute la religion. « Jadis, écrivait sous le dernier pontificat un de nos académiciens, exposant avec faveur les idées des modernistes, jadis l’autorité jouait dans l’Eglise le rôle d’un intermédiaire, d’un moyen. La source de la vie chrétienne était expressément l’Esprit-Saint lui-même ; comme la fin en était l’union avec Dieu par Jésus-Christ. Il semble parfois aujourd’hui, estiment ces esprits inquiets, que l’autorité soit devenue la base même de la religion, et que l’on tende à voir dans l’obéissance pure et simple au pouvoir ecclésiastique le tout de la vie chrétienne. » Pour penser de telle sorte, il faut être totalement étranger au catholicisme et ne pas se douter de ce qui se passe dans l’Eglise. Quand l’autorité a-t-elle montré plus clairement que de nos jours qu’elle ne se considérait que comme un mojen au service de la Vérité divine ? Qu’à certaines époques, au XV » siècle par exemple, les papes, absorbés par trop de soucis terrestres, aient pu oublier par moments que leur autorité n’était qu’un moyen pour établir l’union des âmes avec Dieu par Jésus-Christ, soit I Même alors l’obéissance ne cessait pas d’être sainte et de mener à Dieu par Jésus-Christ les âmes qui en vivaient. Mais sous un pape comme Pie X, dont tous les actes n’ont été inspirés que par des vues surnaturelles, qui a travaillé constamment non au succès de telle ou telle politique, mai.s à rendre plus intense la vie chrétienne et à la défemlre contre les germes de corruption, venir prétendre que le développement de l’autorité pontificale a fait oublier les fondements du christianisme, comment qualifier une pareille appréciation ? La vérité est qu’à notre époque plus qu’à aucune autre, en face d’une société de plus en plus séparée de Dieu et comme matérialisée par ses propres richesses, l’autorité pontificale apparaît avant tout non pas comme un pouvoir de police extérieure, mais comme la voix infatigable qui rappelle aux âmes que leur destinée n’est pas de ce monde.

Mais voici à l’opposé une objection plus sérieuse qui peut-être troublerait parfois même des catholiques. Le pape jouissant maintenant d’un si grand pouvoir sur les Eglises particulières, et, d’autre part, ne pouvant pas toujours se refuser aux demandes des gouvernements avec lesquels il est en rapport, n’est-il pas à craindre que la libre défense de la foi n’en soit souvent entravée ? La politique, qui ne peut plus songer sérieusement, l’expérience l’a prouvé, à séparer les (idèles de leur Père, prendrait ainsi sa revanche en amenant celui-ci à mettre obstacle aux plus généreux efforts de ses enfants. On peut citer plus d’un fait à l’appui. Quel ne fut pas, en 1845, le désappointement des catholiques français qui s’organisaient si bien pour la résistance légale sur la question des jésuites, quand ils virent le gouvernement de Louis-Philippe obtenir, par une pression sur Rome, la dispersion spontanée des religieux menaces 1 Qui ne se rappelle les cris de douleur échappés à Montalenibert à cette occasion ? Plus près de nous,

les chefs du Centre allemand ne se plaignirent-ils pas à plusieurs reprises de voir Léon XIII trop concéder à Bismarck, et leur demander en sa faveur des sacrifices qu’ils ne jugeaient pas opportuns ? U serait facile de multiplier les exemples.

Cependant ne nous hâtons pas trop de porter sur ces sortes d affaires des jugements sans appel. Il est souvent facile d’indiquer les effets fâcheux de telle ou telle politique — et quelle est la politique quin’ena pas quelques-uns ? — il serait sansdoute plus difTicile d’établir, preuves en mains, que les maux qu’il s’agissait d’éviter ne justifiaient pas ces sacrifices. Mais enfin, en mettant les choses au pis, en supposant que lespapes du xixf siècle, toutes les fois qu’ils ont pesé sur les catholiques, à la prière des gouvernements, se sont toujours trompés, il n’en faudrait nullement conclure que l’extension de la puissance papale n’a pas été bienfaisante. Nous avons assez vu le mal causé, au xviii « siècle, par les obstacles apportes à l’action de Rome. Cela n’a point empêché les souverains d’alors d’obtenir de Clément XIV par surcroît une concession qui dépasse sans doute en gravité toutes celles qu’ont pu se laisser arracher ses successeurs. Soutiendrait-on d’ailleurs que la docilité générale de l’épiscopat et des fidèles ait pu porter dans quelques cas les derniers papes à céder trop facilement à certaines requêtes intéressées, il resterait que cette même docilité donne une force incomparable pour les résistances nécessaires. L’attitude de Pie X et de l’Eglise de France, lors de la loi de Séparation, l’a bien montré. El certes, il y a là bien plus que compensation.

Au reste, il ne faut pas s’imaginer que les interventions des papes pour demander aux catholiqries l’acceptation d’une mesure gouvernementale aient toujours imposé à ceux-ci des sacrifices douloureux. On peut citer tel cas où ce fut un pur bienfait. Ainsi pour la loi de 1850 sur la liberté d’enseignement. On avait fait à cette loi des objections de principe qui n’étaient pas sans gravité ; la discu » sion entre catholiques avait été fort vive et l’épiscopat lui-même était divisé. Pourtant elle réalisait un progrès considérable sur le régime antérieur et permettait de faire beaucoup de bien. Une fois votée, Pie IX dit à tous de l’accepter. Aussitôt les plus ardents opposants, qui en général étaient aussi les plus ardents ultramontains, annoncèrent que dès cette heure ils la défendraient de toutes leurs forces. Seul, Mgr Clausel de Montais, qui se piquait d’être gallican, essaya de s’entêter dans une opposition irréductible et d’ailleurs parfaitement stérile. Les progrès de la discipline romaine ne permettaient plus que cette attitude fût autre chose qu’un fait isolé et sans conséquence. Qui’ne voit ce^ oue le ? intérêts religieux y gagnaient ?

Conclusion. — Nul ne saurait contester aujourd’hui que la Papauté jouisse d’un prestige incomparable dans le monde entier. Le développement des missions au xix^ siècle (développement dont elle a eu l’initiative et gardé la direction souveraine ) a rendu son influence plus œcuménique que jamais. Et dans nos vieux pa3’s d’Europe, au milieu de gouvernements tous plus ou moins assujettis à l’opinion et livrés aux luttes des partis, c’est un spectacle singulièrement digne d attention que ce pouvoir destitué de toute force matérielle, conservant seul une impartialité sereine et une indépendance absolue. On l’a remarqué surtr ut à propos (le la question ouvrière, ce tourment de notre âge, sur laquelle chacun raisonne et déraisonne à l’envi : de Rome seule sont venues, lumineuses et fermes, ne flattant personne, les paroles indiquant à tous le