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PAPAUTE

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il active les poursuites de l’Inquisition ; il excommunie Elisabeth d’Angleterre comme hérétique et relapse, et délie ses sujets du serment de lidélilé ; enfin il organise contre les Turcs la croisade victorieuse deLépante (1571). Politique grandiose et hardie, qui n’est que l’application en ligne droite, si l’on peut dire, des principes traditionnels du Saint-Siège. Ses successeurs vont avoir à se frayer leur chemin au milieu de dillicultés bien plus complexes.

C’est SixTB-QuiNT qui inaugure vraiment, sembleL-il, la politique pontificale moderne. Ses vues sur l’Europe peuvent se ramener à deux idées. Evidemment il faut avant tout soutenir la cause catholique ; inais en même temps il faudrait, si c'était possible, auvegarder l’indépendance du Saint-Siège. Or, à ce moment, en face de l’Angleterre et de la Hollande onquises à l’hérésie, de l’Allemagne divisée, de la France se débattant dans la guerre civile, l’Espagne

; st la seule nation qui reste tidèle à la vieille foi et

jui la défende. Donc, si les choses ne changent pas, ii aucun autre secours humain ne vient s’olTrir — spécialement contre Henri de Navarre, le prétendant i la couronne de France, — Rome marchera d’accord ivec l’Espagne, elle acceptera l’aide de Philippe U, lont les intérêts coïncident avec ceux du catholicisme. Cependant, ce n’est là qu’un pis-aller. Favoiser au prolit de la foi les rêves de domination uni’erselle où se complaît l’orgueil castillan, cela emlorte deux inconvénients fort graves. Le Saint-Siège isque d’y perdre son indépendance : si le roi d’Eslagne devient maître de la France et par là de l’Euope, le pape ne sera plus que son chapelain. Et puis, a domination espagnole n’est goûtée nulle part ; tôt lU tard une réaction formidable se produira ; la religion catholique, confondue avec i’espagnuUsme, 'est pour elle, à plus ou moins longue échéance, la uine assurée. Faire alliance avec Philippe II, c’est lonc simplement pour le pape, placé en présence de leux dangers, l’un imminent, l’autre éloigné, se rési ; ner à courir ce dernier.

Mais voici précisément qu’en France la situation

: hange. Les catholiques se rallient de plus en plus

lombreux à Henri IV ; celui-ci n’est plus le captif les huguenots ; sa conversion, naguère impossible, levient probable et même inévitable, imposée par la olonté de la France. Dès lors, la solution est trou'ée : Sixte-Quint ne songe plus qu'à se dégager de es liens avec l’Espagne. Il peut désormais espérer oir la Papauté occuper en Europe la position qu’il évait pour elle ; elle ne sera pas abandonnée aux >ienfaits d’une seule puissance et l’obligée d’un seul )euple. Deux dynasties au moins se disputeront 'honneur de la seconder, et ainsi elle pourra mainenir son indépendance. (Cf. Hubner, Sixte-Quint, .. H, pp. 355-369)

Les successeurs de Sixte-Quint furent fidèles à

; ette politique d'équilibre. Mais au premier abord il

jeut sembler qu’elle ait échoué. La Maison de France le s’est-elle pas dérobée à ses obligations envers le atholicisme, quand, sous Henri IV, sous Louis Xlll,

; lle s’est alliée contre l’Empire aux protestants

l’Allemagne, pour aboutir enfin à cette paix de ^Vestphalie, si fatale aux intérêts catholiques en Europe ? Ce n’est point le lieu de traiter en entier îelte question très complexe, contentons-nous de juelques remarques. Malgré tout ce que la Maison l’Autriche a pu faire pour la religion, ce serait une llusion de ne voir dans sa politique que la défense jhevaleresque de la cause catholique et dans celle de la royauté fi-ançaise qu’abandon et trahison de cette même cause. Ni l’une ni l’autre en réalité n’a témoigné à l’Egliseun dévoùment désintéressé. Xi l’une ni l’autre ne pouvait d’ailleurs, c’est trop évident, ou Toœe III.

blier les grands intérêts nationaux dont elle avait la charge ; ni l’une ni l’autre ne songea, semble-t-il, d’une façon assez constante à les subordonner aux intérêts généraux de la chrétienté. Osons mime dire que le rôle le moins généreux, le moins catholique, ne fut pas toujours du côté de la France. Lorsque les Bourbons prenaient la tutelle des Etats faibles pour assurer un meilleur équilibre de l’Europe cl sauvegardaient les libertés du catholicisme chez leurs alliés prolestants et turcs, ils s'écartaient peutêtre moins de l’idéal du droit chrétien que les Habsbourg, lorsque ceux-ci se livraient — comme plus d’une fois ils le tirent encore — à leur chimère de monarchie universelle. Aussi Rome écoutait-elle avec faveur les ambassadeurs de Henri IV, lorsqu’ils alléguaient que « laliberlé et l’autorilé du Saint-Siège étaient conjointes à la liberté de 1 Italie », laquelle était conjointe à la liberté de l’Europe. (Cf. de Meaux, La Réforme et la politique française en Europe jusqu’au traité de Westplialie) Mais passons. Laissons aux historiens de la France le soin de peser les raisons sérieuses de la politique de Richelieu, et arrivons au traité de WeBtphalie(1648), qui marque, on peut le dire, d’une façon déûiiitive, la lin de la chrétienté. Là encore, ni la France, ni l’Autriche n’aidèrent la Papauté autant que celle-ci eût pu y compter. L’Autriche, pour s’entendre plus facilement avec ses adversaires protestants aux dépens de la France, ne craignit pas de provoquer des sécularisations ; la France, de son côté, avait été pour beaucoup dans le succès des hérétiques. Ajoutons toutefois qu’elle utilisa son iniluence auprès de ses alliés pour modérer leurs prétentions ; et cinquante ans jilus tard, au traité de Ryswick, Louis XIV prolitera de son triomphe sur la ligue d’Augsbourg poui stipuler des clauses de liberté en faveur des catholiques d’Allemagne, sujets de princes prolestants.

Le vrai mal d’ailleurs ne résidait pas pour l’Europe dans ces conflits d’intérêts entre puissances catholiques. Parmi les hommes on n’arrivera jamais à supprimer ces sortes de luttes. Même eu plein moyen âge, mèmeen face del’enyahisseur musulman, combien les papes avaient eu de peine à les faire cesser momentanément ! Le vrai mal de l’Europe, c'était la division religieuse, le schisme introduit dans les consciences, qui établissait entre les peuples des séparations autrement profondes. La division de la chrétienté n'était point le fait de la polilique française, mais du protestantisme. Cette affreuse guerre de Trente ans, avec le traité de VVeslphalie qui si tristement la termine, c'était le fruit direct de la Réforme. Par ce traité, l’Europe cessait ofBcieUement d'être une famille de peuples unie par la communauté de croyances ; l’indifférence en matière de religion faisait son entrée dans le monde politique moderne. D’immenses spoliations de biens ecclésiastiques étaient sanctionnées. Enfin l’axiome monstrueux : Cu/us regio, illiiis religio érigeait en loi dans le domaine religieux, celui qui échappe le plus à sa compétence, la volonté arbitraire et changeante du prince. C'était le renversement de tous les principes que nous avons vu les pontifes du moyen âge défendre avec tant de vaillance.

Innocbnt X ne manqua pas de protester contre des clauses si préjudiciables aux inlérêls dont il avait la gardt. Mais il n'était pas au pouvoir de la Papauté d’arrêter le cours des événements. Dans l’Europe nouvelle, si différente de celle des Grégoire VII et des Innocent III, le Saint-Siège était désormais réduit à un rôle plus effacé et assez ingrat. Avec cela, les dillicultés n’en étaient peut-être pas moindres, au milieu des complications de la politique moderne et des roueries de la diplomatie. Certes, les papes ont

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