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MARIE, MERE DE DIEU

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sur le modèle de tant de grands hommes menacés dès leur berceau ; depuis Moïse jusqu’à Auguste, en passant par Gyrus et par Romulus. D’ailleurs, rien de plus vraisemblable que le rôle prêté dans cet épisode à Hérode le tyran iduméen connu comme assassin de ses proches. L’Eg-ypte s’oll’rait naturellement pour accueillir le fugitif ; et puis, ne fallait-il pas faire venir le Messie d’Egypte, selon l’oracle d’Osée XI, i) ?

La circoncision et la présentation au temple sont des traits fournis — ou plutôt imposés — par le rituel mosaïque.

Les cantiques conservés en saint Luc — Magnificat, Benedictus, Nunc dimittis — sont dans le goût de l’A. T., et conformes à des modèles connus.

Le mot Unal de saint Matthieu, ii, 2, 3, rappelant la prophétie relative au Nazaréen, est une adroite réfutation du dicton populaire, d’après lequel rien de bon ne pouvait venir de Nazareth.

L’épisode de Jésus au temple est renouvelé de Samuel — sinon même d’autres personnages moins illustres : on peut rapprocher, par exemple, ce que l’historien JosKi’HE, en son autobiographie, il, raconte de son précoce génie.

Le procédé de Strauss — car c’est le cas de parler de procédé — est fort simple, sinon convaincant. Après lui, on n’a guère fait mieux, encore que le progrès de la critique textuelle ait amené divers auteurs à présenter des hypothèses plus précises. — On en trouvera plusieurs analysées par A. Durand, L’enfance du Christ, p. 51 sqq. Nous serons nécessairement beaucoup plus sommaire.

Parmi les critiques rationalistes, les uns voient dans l’évangile de l’enfance une mosaïque plus ou moins compliquée de textes, différents de date et d’inspiration ; les autres reconnaissent l’unité littéraire des récits, mais s’abstiennent de conclure à la réalité des événements.

Au premier groupe appartiennent P. W. Schmib-DBL, auteur de l’article Mary dans V Encyclopædia Biblica de Cheyne (1902), qui voit dans la généalogie (Matt., I, i-i’j)reml)ryondu récit de saint Matthieu ; A. Habnack, Za Luk., i, 34-35, dans Zeitschrift f. NTliche Wissenschaft, 1901, p. 53-57, afl™et que tout procède de Matt., i, 18, 26 ; voit dans l.uc, i, 34-35, un raccord introduit par l’évangélisle dans un document judéochrétien où il n’y avait pas trace de conception virginale ; H. Holtzmann, Hand-Commentar zum NT., Die Synoptiker, p. 87-44. distingue dans Luc, i-ii, deux documents : un document ébionite qudéochrétien), 11, 21-52 : c’est le plus ancien ; et une partie d’idéalisation, i-ii, 1-20, où s introduit l’idée de conception virginale ; H. Usbnbr, Geburt und KindheitJesu, ZS.f. NTliche Wissenschaft, igoS, p. 1-21.

Au second groupe appartiennent P. Lobstein, Die Lehre i/on der ubernaiurl, Geburt Chrisii, 18g6 (en français dans la Revue de théologie et de philosophie, 1890, p. 305) ; O. Pfleiderer, Das Christusbild des urchrisllichen Glaubens^, 1908 ; le chanoine anglican T. K. CuEYNE, Bible Probtems, igo5 ; auxquels on peut ajouter M. A. Loisy. De temps en temps, certaines conceptions plus inattendues se font jour ; c’est ainsi que L. Conrady, Die Quelle der kanonischen Kindkeitsgeschichte Jésus-, Gôttingen, 1900, découvrait dans nos évangiles de l’enfance des récits empruntés au cycle de la déesse Isis : la source commune de ces récits serait le protéi’angile de Jacques, dont nous possédons le texte grec, mais qui aurait été composé en hébreu, au début du ii" siècle, par un Alexandrin, désireux de populariser, sous les traits de la Vierge Marie, l’histoire delà déesse égyptienne. L’auteur resté inconnu qui, sous la signature

Tome m.

Guillaume Herzog, de Lausanne, publia en 1907 dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses une série d’articlesdu rationalisme le plus cru, sur la Sainte Vierge dans l’histoire, s’est mis en moindres fraisde nouveauté. Il admet simplement que le dogme de la conception virginale lit son apparition, vers la lin du i*’siècle, dans les chrétientés d’origine hellénique, sous l’influence de ce titre de Fils de Dieu, sous lequel on aimait à saluer Jésus, et de la prophétie d’lsaïe(vii, 14), lue à travers les Septante. Le pan théon grec abondait en fils de dieux : de cette don née, amalgamée avec la prophétie messianique, sortit le dogme chrétien.

Arrêtons ici l’énumération des essais rationalistes, et abordons la lecture des évangiles.

En réalité, l’évangile de l’enfance, selon saint Matthieu, est un bloc, contre lequel seul le parti pris peut s’acharner. Toutes les Eglises l’ont reçu avec le reste de cet évangile ; les sectes même l’ont conservé. Les Ebionites faisaient exception, au témoignage de saint EpiPHAKE, //fler., (x), xxx, 13-14, jP. G., XL1, 428-429. Mais cette mutilation de l’évangile dit

« hébreu » ne fait que mettre à nu l’intention de ces

sectaires judaisants, pour qui Jésus était un homme ordinaire. D’autre part, l’évangile hébreu de saint Matthieu, que lisaient les Nazaréens de Bérée en Syrie, possédait les deux premiers chapitres ; nous l’apprenons de saint Jérôme, à qui le texte de cet évangile fut communiqué (De vir. illustr., iii, P. L., XXIU, 61 3), et qui le cite (In Matth., 1. I, ii, 5. 15, P. L., XXVI, 36-27). D’"i point de vue critique, Matt., i-ii, est inattaquable, au jugement de Strauss, Vie de Jésus, I, 117.

Il en faut dire autant de Luc, i-iii. Au deuxième siècle, il s’est trouvé un hérétique pour arracher ces pages, qui rendaient un témoignage trop clair à l’humanité du Sauveur : c’est Marcion. En cela, Marcion n’obéissait à aucune considération de critique historique, mais au postulat de son docétisme. De nos jours, on a repris quelquefois, sous l’empire de préjugés divers, ce travail de dissection, sans aboutir à rien de durable. Et vraiment, au lecteur de bonne foi et doué de sens littéraire, on ne peut trop conseiller, avant tout, la lecture de ces premières pages, écrites par saint Lue : l’impression d’unité, de simplicité, d’harmonie suave et pénétrante, qui s’en dégage, prévaudra d’ordinaire contre toute autre expérience philologique.

Mais que penser du silence de saint Marc et de saint Jean sur les premières années du Sauveur ?

Le fait que deux de nos évangiles, sur quatre, ne mentionnent pas la conception miraculeuse, adonné prise à la critique. En réalité, cette omission ne constituerait une présomption d’ignorance qu’autant qu’il serait impossible d’en rendre compte par le caractère propre de ces évangiles. Or rien n’est moins impossible.

Saint Marc, rapportant la catéchèse primitive, s’attache aux faits publics de la vie du Sauveur, en vue de prouver sa mission divine. La conception miraculeuse, loin de pouvoir être alléguée comme preuve, a besoin elle-même d’être prouvée : ce n’était pas un fait à mettre en avant. D’autre part, si nous demandons à saint Marc ce qu’il pense de Jésus, il nous répondra, à maintes reprises, que Jésus est le propre Fils de Dieu : i, i. 1 1 ; iii, 1 1 ; v, 7 ; IX, 7 ; XIV, 61 ; XV, 89. Il nous répondra encore qu’il est fils de Marie, simplement : vi, 3. Joseph est pour lui comme inexistant : — c’est une circonstance dont la critique rationaliste oublie de tenir compte. Nous reviendrons plus loin sur un passage qui a paru créer une difficulté positive, iii, 21. 31.

Quant à saint Jean, son silence témoignerait plutôt