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PAPAUTE

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dit l’imiiression de tout ouvrage, sans l’approbation de i'évêque et de rin<iuisiteur. Cette loi devait être dans la suite élargie ; on voit pourtant ([ue, même en sa rigueur primitive, elle n’est point le Cruit d’une intolérance systématique, mais plutôt d’une saine prudence, qui n’exclut pas un enthousiasme généreux pour la diffusion des lumières. Cette attitude générale de large bienveillance pour l’augiuenlotion (lu savoir, et de vigilance en vue de ne pas le laisser se détourner de sa liii, devait toujours rester celle de la Papauté.

V. La Papauté en face de la Réforme protestante- — Durant tout le moyen âge on avait prononcé le mot de réforme ; les plus saints personnages, témoins des désordres de l’Eglise, avaient souhaité ardemment de ta voir revenir à sa pureté primitive par la suppression des abus. Le mal datait de loin, et malheureusement le xiv » et le xv « siècles n’avaient fait que l’aggraver. Le concile de lîàle avait eu en vue la réforme de 1 Eglise, mais, en suscitant des embarras aux Souverains Pontifes, en les obligeant à s’occuper avant tout de défendre leur pouvoir, il n’avait abouti qu'à la comi)romettre et à la retarder. Puis, dans les temps qui suivirent, la Papauté elle-même laissa trop pénétrer chez elle l’esprit du siècle. A partir de Sixte IV, on vit se succéder sur la chaire de saint Pierre toute une série de pontifes plus politiques que religieux. Quoi d'étonnant d’ailleurs qu’au milieu des troubles de l’Italie les préoccupations séculières les aient gagnés ? Il fallait bien pourvoira la sécurité du Saint-Siège. Disons même qu’en ce début des temps modernes, au moment où de toutes parts les monarchies se concentraient et s’organisaient pour la lutte, un des plus pressants besoins était de fortifier le pouvoir temi)orel et de rétablir d’une façon un peu définitive. Telle fut l'œuvre de JuLiîs II, qui, avec sa belliqueuse nature, semble avoir été fait exprès pour s’en acquitter. Mais cela ne saurait excuser entièrement les papes de ce temps d’avoir accordé tant de place à la politique humaine, au détriment ])arfois de leurs fonctions spirituelles. A plus forte raison devons-nous déplorer les scandales d’un Alexandre VI (voyez ce mot), dont le mauvais elïet contribua sans doute beaucoup à précipiter les sinistres événements qvii suivirent.

Ainsi, dans les premières années du xvi" siècle, tout le monde, depuis plusieurs générations, parlait de réforme, tout le monde en sentait le besoin de plus en plus urgent, et, malgré des efforts isolés fort louables, personne ne savait trouver le moyeu vraiment elTicace de l’accomplir. C’est alors qu'éclata la révolte de Luther. Le moine évadé entraîna dans sa rébellion, d’une part, certains esprits zélés mais trop peu dociles, frappés des abus qu’ils voyaient autour d’eux et sincèrement désireux d’y porter remède ; d’autre part, tous ceux qui voulaient secouer le joug de l’Eglise pour vivre plus librement. Les premiers durent être bien déçus quand ils virent l’allure que prenait le mouvement et les résultats qu’il amenait. Les humanistes, qui ne pardonnaient pas à l’Eglise romaine de mettre des bornes à leur liberté de penser, s’y rencontraient avec des princes, jaloux, comme Henri VIII, de s’affranchir des lois de l’Evangile sur le mariage, comme Albert de Brandebourg et bien d’autres, de se tailler des domaines aux dépens des biens du clergé. Et cet appui des princes dépravés ou cupides. Imposant par la force le nouveau culte à leurs sujets, fut sans doute un des facteurs les plus importants dans le succès de la Réforme.

En face de ce péril, le plus grand, peut-être, qu’elle eût encore affronté, qu’allait faire la Papauté? Les

I hérétiques mettaient en question la plupart des dogmes chrétiens ; et en même temps rejetaient les coutumes les plus vénérables de la piété catholique. Quelques esprits songèrent à discuter avec eux en vue d’une entente, et à entr 'ouvrir ainsi la porte aux concessions. En général les princes temporels (à l’exception des rois d’Espagne) penchaient vers ce parti qu’ils jugeaient plus faorable à leurs intérêts politiques. Pour des raisons analogues, et sans faire plus attention aux droits de l’Eglise, ils songeaient à prendre la même attitude que nous avons déjà rencontrée chez les empereurs d’Orient. Quand on voit CharlesQuint, par l' Intérim d’Augsbourg, concéder aux protestants, de sa propre autorité, le mariage des prêtres et la communion sous les deux espèces (matières de discipline en elles-mêmes, mais touchant de bien près au dogme), ne se croirait-on pas dans la lîyzance du vi « siècle ? Mais s’imaginer qu’il serait loisible de mettre lin par de tels compromis aux dissensions religieuses, c'était se faire grandement illusion. Quelle transaction pouvait-il y avoir entre le principe de l’autorité doctrinale et celui du libre examen ?

Les papes avaient un tout autre programme. Au lieu de chercher à gagner les protestants par des concessions, on opposerait à chacune de leurs négatiousautantd’aflirmations solennelles etirrévocables de la croyance catholique. En même temps, cette autorité religieuse qu’ils prétpndaient rejeter, on en consacrerait plus que jamais les droits. Aux appels à l’anarchie et à la dissolution de tous les liens religieux, on répondrait parla concentration de l’Eglise sur elle-même. C'était aussi le programme de tous les grands saints réformateurs que Dieu suscita alors pour réparer les ravages de l’hérésie. Sainte Thérèse l’exposa mieux que personne : « A mon avis, dit-elle, la conduite à tenir (pour briser l’eflort de l’hérésie et arrêter ses progrès), est celle que l’on tient en temps de guerre, lorsqu’un puissant ennemi, entrant dans un pays, porte partout la désolation et l’effroi. Le prince qui se voit pressé de tous côtés, se retire avec l'élite de ses troupes dans une ville qu’il fait extrêmement fortifier. De là il fait de fréquentes sorties, et comme il ne mène au combat que des braves, souvent avec une poignée d’hommes il fait plus de mal à l’ennemi qu’avec des troupes plus nombreuses, mais sans vaillance. Par cette tactique souvent on triomphe de ses adversaires, et si l’on ne remporte pas la victoire, au moins n’est-on pas vaincu. Pourvu qu’il ne se renconlre pas de traître dans la place, on est invincible. » (Chemin de In perfection, ch. ni) C’est ce plan que devait réaliser le concile de Trente. Non seulement les dogmes mis en question furent afTirmés avec plus de rigueur et de précision, mais l’autorité enseignante elle-même, spécialement l’autorité ponlificale, fut d’autant plus exaltée qu’elle étaitattaquée davantage. Les conciles antérieurs n’avaient laissé que des textes, que chacun commentait librement. Pour prévenir les abus qu’avait entraînés cette pratique, les Pères de Trente remirent au pape seul le soin d’interpréter leurs décrets ; une congrégralion spéciale fut créée à cet effet. On s’abstint, il est vrai, alors, par égard pour l’opposition des théologiens français, de rien définir relativement à la supériorité du pape sur le concile. Mais la manière même dont la sainte assemblée avait procédé — s’en référant conlinuellerænl au pape, et lui laissant trancher les questions les plus délicates, — avait assez inculqué cette vérité. Les définitions de 18' ; o, manifestant dans toute son extension la pleine autorité doctrinale et disciplinaire du Saint-Siège, ne seront qu’une conséquence de l’impulsion donnée à Trente.