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PAPAUTÉ

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produit ce résultat. Donner cette dissolution de la société chrétienne comme la suite nécessaire du mouvement des xiV^ et xv « siècles, c’est se payer de mots. Regardons les faits, et notre idée sera tout autre : nous verrons ce même mouvement aboutir d’un coté, en Angleterre, à l’horrible schisme de Henri VIII, consommé pour les raisons que l’on sait, de l’autre, en France, au Concordat de Bologne (1516) entre Léon X et François I", qui, de quelque manière qu’on l’apprécie, ne saurait être regardé comme le point de départ d’une décadence religieuse irrémédiable.

Arrctons-nous un peu sur ce grand acte, qui marque dans riiisloirc de la Papauté une date importante, d’aucuns diraient volontiers : la date d’une déchéance. Est-ce bien exact ? Son premier effet était d’abolir la Pragmatique Sanction ; les doctrines de Bàle étaient donc répudiées, les droits essentiels du Saint-Siège reconnus. Par contre, le roi recevait des privilèges énormes dans la collation des charges ecclésiastiques, pratiquement les nominations aux évêchés et aux abbayes étaient mises entre ses mains. C’était l’accord établi par transaction entre les principes immuables de l’Eglise et la situation prépondérante de la royauté en France, telle que les circonstances historiques l’avaient faite. Certes, il est facile de signaler dans un pareil traité des imperfections très graves. Mais, à le juger par les faits, il faut reconnaître qu’il a atteint la haute lin que la Papauté en attendait. Au milieu des troubles déchaînés par la Héforme, la France resta toujours unie à Rome, et peut-être les avantages substantiels accordés au roi François et à ses successeurs, ne furent-ils pas inutiles pour les empêcher de prendre le chemin de Henri VUl. Quoi qu’il en soit, les principes catholiques, maintenus par cette union avec Rome, devaient encore assurer de beaux jours à la religion en France ; une fois le calme rétabli après les tempêtes du xvie siècle, ils produiraient une des plus belles floraisons de vertus et d’institutions chrétiennes dont l’histoire ait gardé le souvenir. Le mal fut que les rois, et surtout leurs parlements, cherchèrent à faire prévaloir, malgré le Concordat, l’esprit de la Pragmatique Sanction. C’est par là surtout que l’ennemi devait entrer.

En parlant de la Papauté au xv* siècle, impossible de ne pas dire un raot de la Renaissance ; d’autant que les papes sont sujets sur ce point à beaucoup d’attaques, qui leur viennent des côtés les plus divers. On les représente parfois se lançant dans un mouvement tout païen, et reniant la civilisation chrétienne du moyen âge, œuvre de leurs prédécesseurs. En réalité il faut distinguer davantage. Remarquons-le d’abord : en tout ordre de choses, ou peu s’en faut, le moyen âge lui-même avait fait constamment effort pour se mettre à l’école de l’antiquité. L’empire romain, le droit romain, la philosophie d’.^ristole, autant de parties de l’héritage antique pour lesquelles on s’était enthousiasmé à cette époque, et jusqu’à l’engouement. Dans les lettres et les arts il n’en allait pas autrement ; depuis Bède et Alcuin jusqu’à Dante, les humanistes de la Renaissance peuvent compter, durant toute la période médiévale, de très nombreux et très zélés prédécesseurs. Au xv » siècle sans doute on connut, on s’assimila bien mieux l’antiquité ; mais c’était en grande partie le fruit des efforts précédents. Les papes ne s’étaient jamais opposés à cette tendance ; ils avaient seulement veillé à ce que l’imitation de l’antiquité ne fut point un esclavage, à ce qu’en lui dérobant ses trésors, ses institutions, ses méthodes, on les mît toujours au service de la civilisation chrétienne. Eux-mêmes ils avaient relevé l’empire ; mais

avaient lutté ensuite contre ses maximes de despotisme païen. Ils avaient fondé, encouragé, comblé de privilèges les Universités, où se transmettait l’héritage de la culture antique. Ils avaient condamné la philosophie d’Aristote, interprétée par les Arabes, mais avaient plus tard prodigué leurs faveurs à cette même philosophie, corrigée et mise au service de la théologie par le génie de saint Thomas d’Aquin. Ues papes humanistes, comme Nicolas V ou Pie II, en favorisant la renaissance des lettres antiques entendue d’une façon chrétienne, ne faisaient, on le voit, que se conformer à une tradition déjà ancienne, ou, pour mieux dire, perpétuelle. Malheureusement, il faut avouer qu’on ne s’en tint pas là. Sous ces papes déjà un peu et plus encore sous leurs successeurs, les SixTB IV, les Jules II, les Léon X, la courpontiticaleelle-mè ; ne se laissa envahir par l’esprit mondain de la renaissance païenne ^ ; les pires écarts des humanistes furent traités avec une étonnante indulgence, et il fallut la grande secousse de la Réforme pour ramener le Saint-Siège au vieux programme de la culture chrétienne : traiter l’antiquité non en maîtresse, mais en servante, et n’oublier jamais de soumettre tous les emprunts qu’on lui faisait à la loi de Jésus-Christ.

Mais la Renaissance n’était pas seulement le retour à la belle antiquité ; c’était, d’une manière plus générale, un effort de l’esprit humain, pour se développer, s’enrichir, acquérir à la fois plus de lumière et plus de liberté. Tout provoquait alors les intelligences à s’élancer dans des espaces pour ainsi dire illimités : la découverte du Nouveau Monde qui semblait élargir subitement l’univers, comme l’invention de l’imprimerie qui permettait de multiplier presque indéfiniment les trésors du savoir. Ce mouvement, qui n’était pas mauvais en soi, mais où les dangers certes ne manquaient pas, était comme l’aurore de ce prodigieux déveloiipement des connaissances qui caractérise les temps modernes. En face de ces nouvelles tendances, quelle fut l’attitude de la Papauté ? Volontiers on lui fait ici un reproche opposé à celui de tout à l’heure. On s’ai)puiera sur l’établissement du Saint-Oflice et de l’Index et sur le fait isolé de la condamnation de Galilée, pour représenter les papes comme opposés aux développements les plus légitimes de l’esprit humain. Sans doute, dans ces temps troublés, ils eurent à prendre des précautions spéciales pour sauvegarder la foi et les mœurs, mais il s’en faut bien qu’ils aient prétenifu condamner en bloc toutes les acquisitions nouvelles Dans sa constitution contre les lectures perverses, Léon X débute en célébrant avec enthousiasme l’invention de l’imprimerie. Elle a été donnée à la terre « par la faveur du Ciel » et a procuré d’immenses avantages à l’humanité et à l’Eglise. Grâce à elle, tout le monde peut acquérir beaucoup de livres à peu de frais ; les esprits bien doués peuvent étudier facilement ; les savants catholiques, que l’Eglise romaine désire voir se multiplier, ont le moyen de se bien former et de gagner les incrédules à la vraie doctrine. (Pastoï^, Histoire des Papes, trad. fr., t. VIII, p. 2^9)

Cependant, plusieurs maîtres imprimeurs abusant de leur nouvel art pour répandre des écrits pernicieux, le pape, qui a le devoir de veiller à ce que cet instrument, si précieux pour le bien dans les desseins de Dieu, ne se change pas en un fléau, inler 1. Notons cependant que le plus beau poème de l’époque, la Cliristiade de Vidii. fut composé à la requêta de Léon.’^ lui-même, pour célébrer la Rédemption. Cela suffit à prouver, remarque Pastor, 1 injustice de l’accusation élevée par Luther, que la Papauté se mettait en travers du Kédcmpteur et des rachetés.