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PAPAUTE

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suivante d’affirmer fortement cette idée et de la faire passer dans les faits.

Pendant ce temps, l’Orient aclievail de se séparer de l’Occident. Nous n’avons pas à raconter ici comment Photius prépara la rupture au ix « siècle et comment, au xii : , Michel Cérulaire la consomma. (Voyez [Eglise] Grecque) Uu mot seulement pour indi(]uer le sens de ce conflit entre papes et patriarches. Home, remarque M. Goyau, voulait faire prévaloir auprès des Orientaux l’esprit du Christianisme, la pureté de sa morale et la conception de la liberté de TEglise : il n’y a qu’une façon d'être chrétien. Les Orientaux chicanaient les Latins sur la lettre, sur des détails d’observance et de liturffie : il est mille façons d'être dévot. Rome, dès celle époque, admettait la variété de ces détails ; l’intolérance était du côté des Grecs, qu’offusquait celle variété, n (/.e Vatican, l" partie, cii, i, J ; g)

Par l’usUice de Photius et de Michel Cérulaire, la communion entre les deux Eglises a cessé. Les papes cependanl ne se sont jamais résignés à cette séparation. A deux reprises, à Lj’on en la^^, à Florence en i/(3g, la réunion fut décidée, mais elle ne tint pas. De nos jours encore on ne laisse passer à Rome aucune occasion imporlante sans inviter les

« frères séparés « à revenir au bercail.

m. De saint Grégoire YIÏ â Boniface VIII. —

Nous disions un mol, à l’instant, de la dépendance ovi se trouva la Papauté au x° siècle vis-à-vis des petits polenlals de la campagne romaine. Cette situation n'était [las parliculicrc à Rome. Sur loule la surface de l’Europe, l’Eglise élail menacée à celle époque d'être absorbée par la féodalité ; il faudra les efforts gigantesques de GnisGoiBB VII pour la délivrer. C’est donc ici que prend place la querelle des investitures. Puisqu’elle a fait dans ce dictionnaire le sujet d’un article spécial (voir I.nvbstiturks), nous n’avons pas à la raconter. Contentons-nous de quehiues réflexions pour en faire saisir le sens et la portée.

D’un mol, ce que les papes avaient alors à reconquérir, c'était la liberté de l’Eglise. Ils devaient d’abord se libérer eux-mêmes. Les empereurs, appuyés sur les concessions de quelques papes, s’attribuaienl le droit de conlirmer l'élection pontificale. A tel moment, lorsque Henri III par exemple, appelé par la saine partie du clergé et du peuple d’Italie, mettait Cn aux scandales du règne de Henoit IX, cette intervention, affranchissant le Siège de Rome d’une tyrannie locale, avait pii paraître un bienfait. Mais changer demailre, ce n'était point recouvrer la liberté. La liberté fut l'œuvre du moine Hildebrand, qui, d’abord archidiacre de l’Eglise romaine sous cinq papes consécutifs, puis pape lui-même sous le nom de Grégoire VII, se donna pour tâche de rendre à l’Eglise son indépendance. En faisant remettre la désignation des pontifes entre les mains des cardinaux, sous Nicolas II, il l’affranchit pour toujours de la domination exclusive des laïques.

Une fois libre, la Papauté devait encore briser les liens des Eglises locales, qui, enserrées dans le réseau de la société féodale, n’apparaissaient plus que comme simples propriétés des rois et des seigneurs. Il y allait de l’essence même de la religion catholique. Il s’agissait de savoir si oui ou non un évêché, une abbaye, une paroisse étaient des organisations autonomes, indopendantes du souverain tem( orel Au prix d’elTorls persévérants et d’une lutte presque séculaire, Rome arriva enfin à faire triompher la thèse affirmative. La thèse contraire ne devait reparaître qu’avec la Réforme, qui, pour gagner l’appui des princes temporels, ne trouverait rien de mieux que de remellre la religion entre leurs mains.

Par les nécessités mêmes de la lutte, la Papauté avait été amenée à gouverner d’une façon plus immédiate pour rétablir l’ordre. Cette centralisation, contre laquelle dans la suile on a tant déclamé, s’imposait alors comme une mesure de salut public. De même, en raison de l’union étroite, au moyen âge plus qu’en aucun temps, entre le spirituel et le temporel, pour affranchir le premier, les papes avaient dii plus d’une fois affirmer leur pouvoir indirect sur le second. Nous n’avons pas à étudier ici cette dernière question, qui sera traitée à part dans ce dictionnaire (voir Pouvoir indirkct) ; mais nous ne pouvons nous dispenser d’examiner comment les papes ont usé de l’aulorité si considérable qu’ils avaient alors sur la société européenne, et quels ont été les résultats généraux de leur action.

En dehors des deux grandes causes, unies ensemble, de l’indépendance ecclésiastique et du célibat des clercs(voir Investiturbs, Sacerdoce Chrétibn), il n’en est pas pour laquelle les papes aient tant combattu alors que pour la sainteté des mariages. Au IX* siècle, l’intrépide Nicolas I^^, dans lequel on a vu, non sans raison, " une effigie anticipée de Grégoire VU », excommunie Lolhaire, qui avait répudié sa femme 'Theutberge pour épouser Waldrade. Au XI* siècle, Urbain II, pape français d’origine, excommunie Philippe I"'. roi de France, qui avait rompu son premier mariage pour épouser une femme mariée. Au xii" siècle. Innocent III force Philippe-Auguste à reprendre sa première femme Ingeburge et à renvoyer Agnès de Méranie. Ces exemples suffisent à montrer ce que les papes osaient faire alors en pareille matière ; ce qu’ils étaient seuls, disons-le, à oser faire d’une manière pleinement indépendante. Lolhaire avait su faire approuver son adultère par deux synodes particuliers ; Philippe- Auguste avait obtenu d'évêques complaisants l’annulation de son premier mariage. Sans l’intervention souveraine de la Papauté, l'épiscopat livré à lui-même n’eiil pas été assez libre, en présence de princes puissants et violents, pour porter et maintenir des censures efficaces. Or, il y allait de toute la morale et de loule la société chrétienne. Supposez que ces rois, encore à demi barbares, livrés souvent aux plus frénétiques passions, et qui, ne voyant rien au-dessus d’eux sur leurs terres, se croyaient volontiers tout permis, supposez qu’ils n’eussent pas trouvé dans la résistance inffexible de la Papauté une barrière à leurs instincts, c'était tout le progrès, assuré au genre humain par la loi de l’Evangile, remis en question. Le divorce, la polygamie même se fussent vile installés sur les trônes, et bientôt, par une suite inévitable, dans la société entière. Puis, comme dernière conséquence, c'était la dégradation de la femme, l’abaissement de la famille, les mœurs païennes reprenant partout le dessus. Si Taine a pu dire avec raison que tout ce qu’il y a dans nos sociétés modernes de pudeur, de douceur et d’humanité est dû à linffuence du christianisme, nous pouvons ajouter, avec non moins de vérité, que le maintien de ce patrimoine incomparable, nous le devons à la Papauté. — Voir art. Divorce dbs princes.

, près cela on nous permettra, je pense, de ne pas nous étendre sur la fréquence des excommunications et des interdits. Elle eut sans doute parfois de graves inconvénients. Mais encore doit-on reconnaître, si l’on songe aux principes qu’il s’agissait de défendre, que c'était un mal nécessaire.

Avoir appris aux souverains, en dépit de tant d’entraînements, que les règles de la morale privée doivent rester inffexibles pour tous, c’est avoir rendu à tout le genre humain un immense service. Mais les papes, dans leurs luttes mémorables avec les