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PAPAUTE

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VI. l.es papes et la politique moderne : le

XVll" siècle. VU. Les papes du XVU l' siècle et les préparatifs de

la liétolution.

VIII. La Papauté au A7, l* siècle.

IX. Objections contre l’action moderne de la Papauté. — Conclusion.

1. La Papauté de Constantin à Charlemagne.

Les débuis de la Papauté et les grandes questions

qui s’y rattachent ayant été déjà traitées, nous avons seulement ici à esquisser son rôle historique, depuis que, sortie des catncouibes sous Constantin, apparaissant enfin au yrund jour de l’histoire, elle commença à remplir le monde de son action et, disonsle tout de suite, de ses bienfaits. Il nous faudra aussi, chemin faisant, réfuter les principaux reproches ipii lui ont été adressés. La tâche ne laisse pas que d'être complexe, et, en plus d’un point, assez délicate. Heureusement aujourd’hui les bons livres sur ce sujet ne font pas défaut. En utilisant les meilleurs travaux pour chaque époque, en laissant de côté les détails discutés, l’apoloifiste, même sans être historien, peut espérer arriver à tracer quelques grandes lignes assez nettes et assez sûres, sulTisantes peut-être pour redresser bien des erreurs, j)our montrer la fausseté de bien des caricatures.

Aussitôt que Constantin fut devenu le premier empereur chrétien, une question toute nouveile se posa. A la persécution succédait pour le christianisme la protection de l’Etat. Mais quels allaient être les rapports entre la puissance spirituelle et la puissance temporelle devenue chrétienne ? Question épineuse, en elle-même d’abord, car, au simple point de vue théorique, elle offre déjà des dilUeultés, que la théologie catholique n’a pas toutes résolues du premier coup avec une clarté entière ; plus épineuse encore sur le terrain pratique, en raison des circonstances complexes dont il faut tenir compte, des intérêts mis en jeu, des passions soulevées presque toujours, qui bien souvent empêchent de chercher uniquement le vrai dans la doctrine et le mieux dans les applications.

Les empereurs de Byzance n'étaient guère préparés à avoir de leur pouvoir et de celui de la Papauté une conception qui concordât avec celle des papes. Ils succédaient aux Césars païens, grands pontifes du culte otficiel de Rome. C'était pour eux clMse bien nouvelle qu’une religion indépendante de l’autorité civile, et tous étaient bien portés à dire, comme Constance : « Ma volonté tient lieu de canons. »

Ils ne rencontrèrent pas toujours dans les évéques, voire dans les conciles, une résistance aussi ferme qu’il auraitfallu. Heureusement les papes veillaient. lîux du moins surent maintenir, malgré toutes les menaces, l’indépendance du pouvoir spirituel. GkLAKB en donnait déjà la formule entière, lorsqu’il écrivait à l’empereur Anastase : « Il y a deux choses par lesquelles ce monde est gouverné : 1 autorité sacrée des pontifes et la puissance royale, entre lesquelles la charge des prêtres est d’autant plus lourde qu’ils doivent rendre compte à Dieu, au jour du jugement, même de l'àme des rois. Vous n’ignorez pas, cher lils, que, quoique votre dignité vous fasse présider au genre humain, dans les choses divines vous courbez avecdévotion votre tête devant les pontifes… Pour ces choses vous dépendez de leur jugement et n’avez pas le droit de les régir à votre volonté. » ÇP. L., t. LIX, col. 4a)

Les papes eurent plus d’une fois à expier cette Cère altitude. Sous les empereurs païens, un bon nombre avaient confessé la foi dans les supplices ;

sous les empereurs chrétiens, l’exil et les mauvais traitements furent encore le partage de plusieurs. L’Eglise honore comme martyrs Silvère, victime de ïhéodora, et Martin P', victime de Constant 11.

L’exemple de Constantin et de sa famille avait entraîné beaucoup d’imitateurs. L’Eglise avait vu en peu de temps le nombre de ses enfants prodigieusement augmenté ; mais toutes ces recrues n étaient pas de même valeur. La ferveur déjà se refroidissait. Echappée aux persécutions, la société chrétienne allait se trouver aux prises avec les dillicultés intestines, lui venant de ses propres adhérents. Les grandes hérésies allaient surgir, qui trouveraient généralement dans les empereurs leurs meilleurs soutiens.

D’où provenaient ces hérésies ? Avant tout, de l’attachement au sens propre, qui refusait de se soumettre aux décisions de l’autorité religieuse, mais en même temps d’ordinaire de vues trop exclusives. L’esprit hérétique est exclusif en un sens ou en l’autre ; il exagère certains aspects de la vérité révélée, et en voile certains autres. Les hérésies sengeadraient ainsi entre elles, la réaction extrême contre une erreur conduisant à une erreur opposée. Rome, d’une main ferme, maintenait, au milieu de ces raffinements, la parfaite mesure qui caractérise l’enseignement catholique. Elle condamnait également les Sabelliens qui sacrifiaient la distinction des personnes à l’unité de la nature divine, et les Ariens qui, non contents de distinguer les personnes, niaient leur identité et leur égalité de nature. Saint Céleslin, avec le concile d’Ephèse, frappait d’anathéme les Nestoriens, qui admettaient deux personnes en Jésus-Christ ; et saint Léon, avec le concile de Chalcédoine, retranchait de l’Eglise les Eutychiens qui, dans le même Jésus-Christ, ne reconnaissaient qu’une nature.

Mais cette juste mesure elle-même peut aussi être contrefaite, ou plutôt caricaturée. Entre l’orthodoxie catholique, que l’on considère comme un extrême, et telle doctrine hérétique, on cherche un milieu, une sorte de compromis entre la vérité et l’erreur. Méthode de tout temps fort en honneur parmi les politiques, qui traitent volontiers les questions de principes comme des questions d’intérêt ; prêts à accepter les vérités révélées, à les modifier, à les abanilonner suivant les besoins du moment. L’orthodoxie et l’hérésie sont deux puissantes rivales ; elles ont bien droit l’une et l’autre à certains ménagements. L’on transporte ainsi sur le terrain des vérités divines les procédés de la diplomatie terrestre. Il n’est d’ailleurs pas difticile de donner à ce marchandage des couleurs séduisantes, propres à gagner les bonnes âmes ; on mettra en avant le 'désir de ramener les errants, on ne parlera que du besoin de s’unir, sans songer tout d’abord à bien définir le terrain de la vérité dogmatique, sur lequel seul peut s’accomplir une union véritable. Ainsi, entre les catholiques et les ariens, vit-on surgir les semi-ariens ; ainsi, pour rétablir la paix entre monophysites et défenseurs du concile de Chalcédoine, parurent plus tard les monothélites. Les empereurs, désirant la concorde à tout prix, pour des raisons politiques, favorisaient de tout leur pouvoir ces fusions ; et ils espéraient, par des édits d’union, calculés en tenant compte des forces des différents partis, mettre fin aux controverses. Tels furent Vllénoiicon de Zenon, VEcthèse d’Héraclius, le Type de Constant H.

En face de ces compromis malheureux, les papes maintenaient, sans se lasser, la sainte intransigeance de la foi. Souvent les défenseurs inébranlables de l’orthodoxie — dont le plus beau type est s.iint Athanase, — qui à certains moments pouvaient