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MARIE, MERE DE DIEU

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Ainsi l’Eglise emprunte volontiers cette strophe pour célébrer les amours de l’Esprit divin et de la Vierge (Canl., iv, 8-12) :

Avec moi, du Liban, ^mon) épouse,

avec moi, du Liban ;

tu viens, Lu t’avances

du sommet de l’Amana,

du sommet du Sanir et de l’Hermon,

des repaires des lions,

des monts des léopards. Tu me ravis le cœur, ma sœur, (mon) épouse,

tu me ravis le cœur par un seul de tes regards,

par une seule des perles de ton collier. Que tos amours sont agréables, ma sœur, (mon) épouse.

combien meilleures que le vin !

et l’odeur de tes parfums ique tous les baumes ! Tes lèvres distillent le miel, (mon) épouse ;

sous ta lauf^ue sont miel et lait, et le parfum de tes vêtements est le parfum de l’encens. Tu es une source fermée, ma sœur, (mon) épouse,

une source fermée, une fontaine scellée. I^TninciionV.ioao’iijLeCanliquedescanliques, Paris, 1909.)

L’Eglise ne sait pas d’accents plus briilants que cet cpitlialame inspiré de Dieu, ni de plus propres à ravir les cœurs des hommes vers la beauté éternelle : c’est pourquoi elle ose y recourir, dans son impuissance à redire les prédilections de Dieu pour la Mère de son Verbe. Mais ce lyrisme de l’amour nous a entraînés fort loin des fondements historiques du culte du à Marie. Il faut y revenir en prenant pied sur le terrain du N. T.

Sur la Sagesse ouvrière de Dieu, cf. S. Ephrem, Sermo 11, De Nativitate Domini, 0pp. Syr., II, Itob ; Sermo, 0pp. Græca, II, 275-396 ; S. Léon le Grand, Ep. XXVIII (alias xxiv) 2, Ad Flaiianum Cptanuni, P. L., LIV, 763 A ; Ep. xxxi (alias xxvii), Ad Pulclieriam Augustam, ibid., 791 A ; Sermo xxv (/n Nalii'. Domini, v), 2, ibid., 209 A. — Cf. R. M. de la Bkoise, La Sainte Vierge, p. 2-5 ; 19-28.

Sur l’Epouse du Cantique, voir Saint Ambroise, Jn Ps. cxviii, passim, P. L., XV ; De institutione virginis, passim, P. L., XVI, 305-334 ; Saint ïiikodote d’Ancybe, Ilom., VI, 11, In sanclam Deiparam et in Natal. Domini, P. G., LXXVII, 1^27 ; Saint Ephre.m, Orationes ad Deiparam, 0pp. græc, III, 524-552. — R. M. de la Broise, La Sainte Vierge, p. 17-19.

En général, sur la Sainte Vierge dans l’Ancien Testament, voir A. Schakfeh, Die Gottesmiitter in der heiligen Sckri/t, Miinster in W., 1887 ; T. Livius, 7/ie blessed Virgin in the Fathers of the first six centuries, ch. I et II, London, iSyS.

S° Nouveau Testament

Les récits évangéliques relatifs à l’enfance du Christ (Matt., i-ii ; Luc, i-iii) sont la première et presque l’unique source historique touchant la Vierge mère. Naturellement, ces récits n’ont pas trouvé grâce devant la critique rationaliste. Il est vrai que la tradition littéraire ne les dislingue pas du reste de nos évangiles ; conséquemrænt, ils devraient bénélicier des conclusions générales acquises quant à la valeur historique de ces évangiles (voir art. Evangiles, t. I, col. 1684-1704). Mais leur contenu merveilleux les dénonce à l’incrédulité comme particulièrement inacceptables. Rappelons quelques-uns des nombreux efforts tentés pour les éliminer. — Voir A. DuiiAND, S. J., /.'enfance de Jésus Christ, d’apri : s les évangiles canoniques, Paris, 1908, p. 14 sqq.

Déjà les adversaires païens du christianisme, Celsb, Porphyre, Julien, traitaient ces récits de fables. La négation, souvent rééditée, a pris corps au dix-neuvième siècle sous le nom de théorie du mythe.

Elle n’a pas eu d’interprète plus conséquent que David Frédéric Strauss (}- 1874). Dans sa première Vie de Jésus (éd., 1835), il entreprend d’expliquer la genèse de l’histoire évangélique par la collaboration de deux facteurs, l’un inconscient, l’autre conscient : création spontanée du sentiment populaire, c’est le facteur inconscient ; liction réfléchie des évangélistes, c’est le facteur conscient. — Folle entreprise, dirat-on : le Christ n’est pas un héros d’Homère ; par la date de sa naissance, il appartient au plein jour de l’histoire. — Strauss entend l’objection ; il va y répondre ; prenons acte de ses paroles. Il admet, dans sa Vie de Jésus, trad. fr., 1889, t. I, p. Gg, qu’on devrait croire les dogmes chrétiens « s’il était prouvé que l’histoire biblique a été écrite par des témoins oculaires, ou du moins par des hommes voisins des événements ». Et c’est justement ce qu’il nie.

Fort heureusement pour l’entreprise de Strauss, il se trouva que, dans le même temps où il reconstruisait l’histoire évangélique, Christian Baur et l'école de Tubingue s’appliquaient à reviser la date traditionnelle des écrits du N. T., et l’abaissaient jusqu au deuxième siècledeiiotreère.Ces conclusions radicales, après avoir troublé une ou deux générations, devaient décliner ; aujourd’hui la réaction est complète ; elle a trouvé des promoteurs parmi les protestants aussi bien que parmi les catholiques. Mais la vogue passagère des hypothèses de Tubingue avait fourni, en son temps^ des armes à la critique destructive de Strauss.

Restait pourtant à expliquer l'éclosion, en pleine période historique, du mythe de Jésus. Strauss n’est pas à court d’hypothèses. Le mythe messianique, dit-il, n'était pas à créer : il était dans l’air des milieux juifs. Les évangélistes n’ont eu qu'à l’emprunter à leur génération et à l’appliquer à Jésus de Nazareth. Ainsi l’apparente éclosion mythique n’est que la projection, sur une personne contemporaine, des rêves du passé. Veut-on savoir comment les choses se passèrent en détail ?

L’histoire évangélique s’ouvre sur la naissance miraculeuse de Jean le précurseur : réminiscence de la Bible. Les souvenirs d’Isaac, de Samson, de Samuel et autres personnages nés dans une atmosphère de miracle, ont fourni la donnée ; la rédaction prétendue de saint Luc est due à un disciple de Jean ; elle ne prouve que le souci de rattacher à la légende chrétienne, alors en pleine floraison, la grande figure du Baptiste.

La généalogie du Christ a tenté deux évangélistes, saint Matthieu et saint Luc : témoignage d’un effort tardif pour relier le personnage de Jésus à la prophétie messianique, en établissant sa descendance de David. Il était tout indiqué d’avoir égard à l’oracle d’Isaie, relatif à la vierge mère (vu, 14) ; le contresens des Septante suggéra l’idée de la conception virginale.

Saint Luc mène Marie à Bethléem : la raison en est claire. Il fallait assurera Jésus le bénéfice de l’oracle de Michce (v, 3), désignant Bethléem comme le lieu d’origine du Messie.

Les anges apparaissent aux bergers : il le fallait, pour amener près de la crèche ces héritiers des anciens patriarches. David, après tant d’autres, ne futil pas pasteur de brebis (Ps. lxxvii, 70, etc…)?

Les bergers, en saint Luc, ont pour pendant les mages, en saint Matthieu. Ici, d’autres souvenirs bibliques interviennent : prophétie de Balaam, suggérant l’astre symbolique et évoquant le souvenir des mages clialdéens ; présents de l’Orient, indiqués par un texte d’Isaie (lx, 5. 6).

Le massacre des Innocents rehausse opportunément le personnage du Nouveau-né : il a clé composé