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PAPAUTÉ

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Glorieuse Eglise apostolique, Rome a bu la doctrine de Pierre et de Paul avec leur sang ; elle a vu Jean sortir sain et sauf d’un bain d’huile bouillante. Clément, ordonné par Pierre, la relie à la tradition des Apôtres. Tout semble indiquer que Rome adonné naissance aux Eglises de l’Afrique latine ; elle apparaît comme le centre de la prière et de l’action. Des sectaires comme Marciou et Valentin ont adhéré à cette Eglise, sous l'épiscopat du bienheureux EleuIhère, mais n’ont pas su lui rester lidèles. Ainsi parle TertuUien, peu après l’an 200, dans le traité De piæscriptione hæreticorurn, ixxvi.xxxii.xxx ; éd. Œhler, t. ii, p. 34, 30, 26. Un peu plus tard, il dit encore que le pouvoir des clefs a été laissé par ie Seigneur à Pierre, et par l’entremise de Pierre, à l’Eglise, Scorpiace, x : Mementu claves (cæti) hic Dominum Petro et per eum Ecdesiæ reliqiiiase. Ed. Œhler, t. I, p. 523.

Lors du traité Adfersus Praxean, e vent a tourné : l'évêque de Rome — probablement Zéphyrin, — après avoir paru prêter une oreille favorable aux prophètes montanistes, les a éconduits. Cela suUit à ruiner l’inlluence delà secte, TertuUien le constate avec amertume. Pra.r., i, éd. Œhler, t. II, p. ùbl). Un peu plus tard — probablement au temps de Callisle, — il se scandalise de l’indulgence témoignée par l’Eglise aux fautes de la chair et, se donnant à lui-même un éclatant démenti, alllrme que Pierre a reçu du Seigneur le pouvoir de délier à titre purement personnel, ses successeurs n’en ont pas hérité. De padicilia, xxi : Præsumis et ad te deri^'asse solvendi et alligandi potestatem, i.e. ad oinnem Ecclesiam Pétri propinqiiam ? Qualis es, everteiis atqae commutans manifestam Domini iittentionrm, personaliter hue Petro con/erentem ? Ed. Œhler, t. I, p. 8/|3. Les titres pompeux et nouveaux que Tertullien, dans ce même écrit, donne à l'évêque de Rome : pontifex maximus, episcopus episciporum (Pitd., 1), benedictus papa (ib., xm), apostoliciis (ib., xxi) ne sont destinés qu'à lancer l’injure avec plus de force. Voir notre Théologie de TertuUien, p. 216-217, Pais, 1906.

Quant au témoignage de TertuUien en faveur du Tu es Petriis, il est éclatant. On vient de rencontrer, Scorp., X et Piid., xxi, deux textes d’autant plus notables qu’ils appartiennent à la série montaniste. Des citations plus explicites encore se lisent/* aescr., XXII ; IV Adv. Marcion., xi ; Adv. Prax., xxi ; Monog., vin. Mais passons outre : ces textes témoignent en faveur de la primauté de Pierre, non précisément en faveur de la primauté romaine.

L’histoire des relations entre saint Cyprien de Garthage et l’Eglise de Rome est particulièrement instructive. Car elle montre, d’une part, que, dès le milieu du m' siècle l’autorité du pontife romain rayonnait hors d’Italie ; d’autre part, que l'étendue de ses prérogatives restait discutée.

Au premier plan de la littérature qui éclaire pour nous cette histoire, se présente le traité De catholicæ Ecdesiæ unitate, composé par saint Cyprien au commencement de l’année 261 pour prémunir l’Eglise d’Afrique contre l’entreprise schismatique de Félicissime. Nous en détacherons le passage central, IV, éd. Hartel, p. 212, 8-21 3, 13 :

Loquiiur Dominus ad Petritm… (.Vt., xvi, 18-19). Super unum aedifical Ecclesiam, et qiiamvis aposlolis omnibus post resurrectionem suum parem potestatem tribuat et dicat…{Io., xx, 21-22), tamen ut iinitatem manifestaret, unitatis eiusdem originem ab uno incipientem sua auctoritate disposuit. Hoc erant utique et ceteri apostoli quod fuit Petrus, pari consortio præditi et honoris et potestatis, sed exordium ab unitate proficiscitur, ut Ecclesia Christi una nions tretur. Quam unain Ecclesiam etiam in Caniico can ticuruni Spiritus sanctus ex persoiia Domini designa et dictt…{Cant., vi, S). Ilanc Ecdesiæ unitatem qu non ienet.tenere se /idem crédit ? qui Ecdesiæ reni-] titur et resistit, in Ecclesia se esse confidilp quandoX et beatiis uposlulus Piiulus hoc ipsum doceat et sacramentum unitatis oslendat, dicens… (Eph., iv, 4. 5).

L’intention de cette page est très claire. Montrer 1 l’Eglise du Christ, qui est une, résumée dans la personne de Pierre, comme dans la source et le principe permanent de son unité ; dénoncer le schisme comme un attentat contre cette unité que ie Seigneur a fondée sur Pierre, sur l’autorité de Pierre. Quant à la signilication typique de la personne de Pierre, la pensée de saint Cyprien n’est pas douteuse, nous le verrons.

Cette même intention ressort avec un surcroît d'évidence si, au lieu de s’attacher, comme nous venons de le faire, à la vulgate de saint Cyprien (disons la version A), on s’attache à une autre version, autorisée par une tradition ancienne (nous l’appellerons la version it) ; les traits relatifs à la primauté ' de Pierre } sont plus accusés. Nous la donnons égale ! Uent, d’après l’apparat criliciue de llartel.

Loquitur Dominas ad Petram.,.(Mt., ^vi, iè, ig).Et eidem post resurrectionem dicit… (lo., yixi, i&). Super illum aedijicut Ecclesiam et illi pascendas oves mandat. Et quamvis apostolis omnibus parem tribuat potestatem, unam tamen cathedram constiiuit, et unitatis originem atque ralionem sua auctoritate disposait, /{oc erant utique et ceteri quod fuit Petrus^ sed priinatus Petro dulur, et una Ecclesia et cathedra una monstratur. Et pastores sunt omnes, sed grex unus ostenditur, qui ub apostolis omnibus unanimi consensione pascatur. liane Ecdesiæ unitatem qui non tenet, tenere se fidem crédit ? Qui cathedram Pétri, super qnem fundata Ecclesia est. deserit, in Ecclesia se esse confiait ? Quando et beatus apostolus Paulus hoc idem doceat et sacramentum unitatis ostendat, dicens…{Eph., iv, 4).

Cette deuxième tradition manuscrite (suivie par l'éd. Baluze-Migne, Z^. /.., IV, 498-501) soulève un problème de critique dont la discussion ne saurait trouver place ici. Qu’on nous permette de renvoyer à notre Théologie de saint Cyprien (sous presse, chez Beauchesne). Disons seulement qu’on peut d’autant moins l'écarter à la légère, que tous les détails portent, au plus haut degré, le cachet personnel de saint Cyprien. Aussi n’est-ce pas sans vraisemblance qu’on a cru y reconnaître une deuxième édition, due à saint Cyprien lui-même, qui, après avoir composé le De catholicité Ecdesiæ unitate en vue du schisme africain de Félicissime, l’aurait adapté aux besoins de la lutte contre le schisme romain de Novatien. [Voir à ce propos Dom J. Chapman, dans Revue Bénédictine, t. XIX, p. 246-254 ; 357-873 (1902) ; t. XX, p. 26-62 (igoS). — M. l’abbé L. Saltbt vient de combattre cette opinion, dans le Bulletin de litt. ecclésiastique, 1920, p. 186-206. Il pense que la version B est d’une main étrangère.]

Cependant le lien que, de tout temps, la pensée chrétienne a cru voir dans cette page de saint Cyprien, entre la promesse du Seigneur et la chaire permanente de Pierre, ne serait pas personnel, mais purement tj’pique, d’après tel critique allemand, prêtre évadé de l’Eglise catholique. Voir Hugo KocB, Cy prian und der roemische Primat, dans Texte und Untersuchungen, XXXV, i, Leipzig, 1910. Dans ce livre, qui est le manifeste d’une sécession, l’auteur s’exprime ainsi, p. 1 1 :

Le fait quô le Seigneur commence par conférer à un seul, à Pierre, le même pouvoir qu’il devait plus tord communiquera tous, eatun sigæ authentique de 1 unité que