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PAPAUTE

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Jésus annoncerait la victoire de son Eglise sur le démon et l’enfer.

D’ailleurs, que la métaphore doive se traduire par : u jamais les portes de la morl ne se refermeront sur l'Église » ; ou bien par : i< jamais la puissance Jiiiboliqiie ne déirnira. l’Eglise », la signilication du passage reste indubitaljle. L’Eglise du Christ ne périra [las, l’Eglise du t : hrist ne sera pas vaincue ; l’Eglise du Christ durera aussi longtemps que le monde, c’est-à-dire jusqu'à la l’arousie glorieuse. Elle est construite sur le roc, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle.

Vient ensuite une autre formule remarquable : et je le donnerai les clefs du royaume des cieu.r.

En pareil contexte, le pouvoir des clefs signilie l’autorité de l’intendant ou du majordome. Chez Isaïe, par exemple. Dieu marque la résolution d’arracher à Sobna et de transmettre à EUacim la première charge du royaume, la préfecture du palais. Or le don d’une clef servira d’emblème à l’investiture d’Eliacim :

Je melti’aî sur son épaule la clef de la maison de David ; Rt, s’il ouvre, nul ne fermera Et, s’il ferme, nul n’oviviira.

(haie, xiil, 22. Cf. GoitD.v.MiN, Le Livre d’Iaaie. Traduction criti’iue, p. 152. Pui-is, l'.iOô. ln-8.|

II' Apocalypse reprendra cette métaphore biblique en l’appliquant au Christ lui-même. (Jpoc, iii, 7)

L’intendant ou le majordome peut admettre dans le palais, et il peut en exclure. Il surveille, il administre toutes choses, au nom du maître, et plus encore, durant l’absence du maître. C’est lui qui détient les clefs de la maison.

Dans l’Eglise chrétienne, qui constituera ici-bas le royaume de Dieu, sous son aspect extérieur et social, qui procurera le royaume de Dieu, sous son aspect intérieur et moral ; qui préparera le royaume de Dieu, sous son aspect eschatologique et glorieux, l’apôtre Pierre sera l’intendant ou le majordome, au nom du Christ et jusqu'à son retour. Ce sera donc Pierre qui possédera les clefs du royaume des deux.

Et, s’il ouvre, nul ne fermera ; Et, s’il ferme, nul n’ouvrira.

Les dernières paroles complètent bien la signification du passage :

Et tout ceque tu auras lié sur la terresera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »

Pierre obtient donc, non seulement, le pouvoir, de lier et délier, mais encore de le faire par sentence efficace.

D’abord, le pouvoir de lier et délier.

« Lier et délier signifient, en langage rabbinique, 

défendre et permettre, et se disent des décisions formulées par les docteurs dans l’interprétation de la Loi. Ainsi l'école de Hillel déliait beaucoup de choses que celle de Schammaï liait. > (LoisY, Synoptiques t. II, p. H) ri.

C’est en ce sens que nous disons aujourd’hui que tel casuisteou jurisconsulle^erme/ une chose, et que tel autre la défend. La formule revient à dire que le premier docteur estime la chose licite, et que le second docteur la croit illicite. Mais le casuiste ou le jurisconsulte ne saurait imposer [lar là-même aucun précepte, ni concéder aucune dispense delà loi.

Tout autre est le sens dans lequel un supérieur et un chef, un législateur et un iuf ; e, permettent ou défendent. Une chose est prescrite, parce qïi’ils la prescrivent, prohibée, i)arce qu’ils la prohibent ; autorisée, par qu’ils l’autorisent. La sentence est efficace ; elle orée une obligation, ou accorde une faculté.

Or, le pouvoir que le Sauveur promet ô Pierre, c’est le pouvoir de lier et délier, Ae défendre et permettre, par sentence efficace. (Ici, l’exégèse de M. Zahn paraît esquiver la signilication littérale et manifeste des paroles du Sauveur. Das Byaneetium des Matthæus, p, 5/13-546)

Tout ce que Pierre aura lié ou délié sur terre sera lié ou délié dans le ciel. En d’autres termes. Dieu ratifiera et confirmera les senlenccs de l’apôtre. Quand Pierre imposera une obligation, l’obligation existera donc par le fait même, et quand Pierre accordera une faculté, la faculté existera également par le fait même. Bref, la décision de Pierre sera beaucouj) plus que la sentence purement déclaratoire du rabbin, du casuiste, du jurisconsulte.

Ce sera une décision vraiment autoritaire et juridique, une sentence génératrice de droit et de devoir. Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans lescieiix. Tout ce que lu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux.

A vrai dire, tout le collège apostolique recevra de Jésus le même pouvoir de lier et délier par sentence efficace. (Matth., xviii, 18) Mais, — M. Loisy l’observe avec grande justesse, — > il serait également arbitraire de soutenir, en partant de ces textes, que Matthieu ne connaît pas dans l’Eglise d’autre autorité que celle de Pierre, ou de prétendre, malgré ces textes, qu’il n’attribue à Pierre aucune autorité qui n’appartienne au même titre à tous les autres apôtres >j. (Synoptiques, t. ii, p. 12) Tous les autres apôtres, en effet, ont la puissance de lier et de délier, mais Pierre possède cette puissance avec une prérogative supérieure q-ii est propre à lui seul.

On ne peut raisunnablement en diseonvenir, après avoir étudié de près la signification littérale des paroles dans le Tu es Petrus.

! i° Quelle est la valeur démonstrative du texte Tu

es Petrus ?

C’est ici que nous rencontrons pour adversaires les protestants orthodoxes Ils tiennent, en effet, que le Tu es Petrus est un texte authentique, historique et divinement inspiré. Ils accordent aujourd hui que le même passage garantit à l’apôtre Pierre un rôle privilégié, une prérogative de choix. Mais ils prétendent que cette prérogative n'était pas une autorité gouvernante ; moins encore une autorité transmissible par voie <ie succession perpétuelle. Notre texte promettait simplement à Pierre une part prépondérante dans la prédication initiale du christianisme.

Le Tu es Petrus, d’après M. Jules Bovon, « est une promesse positive faite à Pierre, le premier des croyants, et qui reçoit comme tel un privilège : celui de s’emi)loyer, avant tout autre, à l'établissement de l’Eglise ». Et le même auteur se réfère aux premiers chapitres du livre des Actes ('Théologie du Nouveau Testament, t. I, p 46.'i. Lausanne, 1902. ln-8).

l'.-F. Jalaguier précisait encore davantage :

Il Le sens de cette déclaration prophétique et symbolique, comme de toutes les déclarations semblables, doit se chercher surtout dans l'événement qui l’a réalisée. Or, cet événement, nous l’avons à l’entrée de l’histoire apostolique, où nous trouvons, par conséquent, l’explication la plus naturelle et la plus positive qui se puisse désirer de la parole du Seigneur. Saint Pierre fut choisi de Dieu pour ouvrir l'Église aux deux peuples parmi lesquels elle devait se former, aux Juifs (prédication du jour de la Pentecôte), et aux Gentils (vision de Joppé, baptême du centurion Corneille). Ainsi s’accomplit la promesse qu’il en serait le fondement et qu’il enauraitles clefs. i(De l’Eglise, p. aig.Cf. p. aai)

Tout autre est le point de vue des critiques libé-