Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/677

Cette page n’a pas encore été corrigée

t341

PAPAUTE

1342

Isaiam, xxviii, 16 ; xxxiii, 2 ; xlix (/'. G., t. XXIV, col. ii)'>., 339, 437)] où la ; > ; irole du Christ est ainsi présentée ; « Sur la pierre (sur le roc), je bâtirai mon Eglise et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. » Mais, de là, il résulterait, selon le erili<iue alleuiand, qu’une partie au moins des manuscrits lus par Epiphane et Eusèlje, ne disaient pas Qocore que l’apùlre Pierre eût été constitué fondement nécessaire de l’Eglise ; en d’autres termes, ne portaiejil pas encore la leçon : « ïu es Pierre, el sur colle pierre je bâtirai mon Eglise… »

La conséquence est, à vrai dire, plus que fragile. Nous-mêmes, qui admettons aujourd’hui comme incontestée la leçon traditionnelle, [uiurrions parfaitement évoquer ce texte sous la même forme qu’Epiphane et Eusèbe, si nous avions à le produire dans un contexte identique au leur.

En eflVl, les onze passages en question ne prétendent nullement rappeler les promesses de Jésus à Pierre, moins encore prétendent-ils transcrire et commenter le seizième chapitre de saint Matthieu. Leur uni(]ue but (M. Michiels le remarque avec justesse) est de présenter l’Eglise chrétienne comme impérissable, malgrélaragede ses ennemis. Epiphane el Eusèbe choisissent donc, par manière d’allusion, dans le l’u es l’etrus, les seules paroles qui vont directement à illustrer el à confirmer leur thèse ; paroles qui se trouvent en réalité dan^ le texte, et qui s’y trouvent bien avec le même sens : b L’Eglise est impérissable, puisque, d’aj>rès le Sauveur, elle est bâtie sur le roc, fondée sur la pierre. »

L’exemple le plus caractéristique se trouve dans le De laudibus Cunstantini, oii Eusèbe dé » eloppe une antithèse oratoire entre la synagogue juive, qixi devait disparaître, el l’Eglise clirétienne. qui ne doit pas périr ; de la S3'nagogue juie, le Christ a dit :

« Votre demeure sera laissée déserte », mais, de

l’Eglise : « Sur le roc je bâtirai mon Eglise, el les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. (/'. G., t. XX, col. 1^33 et Corpus de Berlin : Heikbl, liusebins Werke, t. 1, p. 206. I.eipzig, lijoa. ln-8)

Vraiment, le procédé n’a rien d’illégitime. Il paraîtra encore plus normal si l’on songe à la grande liberté, à l’approximation très large, dont usait l’antiquité chrétienne en matière de citations ou d’allusions scripturaires : non moins que l’antiquité profane eu matière de citations et d’aUu&ions littéraires. Comment donc serait-il raisonnable d’aller conclure, des passages résumés tout à l’heure, qiif ; la rédaction actuelle du Ta es Petrus ne pouvait uniformément se trouver dans les manuscrits qu’Epiphane et Eusèbe avaient eux-mêmes sous les yeux ?

Pareille conclusion serait d’autant plus sophistique et déraisonnable que, là où ils s’occupent directement de saint Pierre et de notre texte, Epiphane et Eusèbe mentionnent, dans son intégrité, le Tu es Petrus. Non seulement Eusèbe le cite littéralement au second livre De liesurrectione [De Resurrectiune, II. P. G., t. XXIV, col. iiii], mais, dans la Démonstration évaiijiélique, il le commente avec détail, et reproJuil, mol [)our mol, tout le passage de Saint Matthieu (xvi, iSig), exaclemenl tel que nous le lisons aujourd’hui. (Démonstr. é<'ang, III, v. P. G., t. XXII, col. 216, 217) Xulle attestation ne pouvait être plus catégorique. De même, saint Epiphane, à deux reprises, déclare que le roc sur lequel JésusChrist édifia son Eglise immortelle n’est autre que Pieri’e en personne, le chef des apôtres el le témoin de la vérité divine. Pierre sera donc i « pv}.KioTKr « ; Tfiv 17 : 5770/oiy, Ilæres., Lix, 7 (F. G., t. XLI, col. 1029). ou encore T5V ttoût^w tûv « 7T07t ; '>'jjv (^Ancoratus, IX ; /'. C, t. XLIII, col. 33).

Ajoutons que, chez les autres Pères contempo- '

rains de l’arianisme, le 7' « < ; » /'e/rns est mainte fois cité, dans sa teneur actuelle, comme un texte bien connu et admis de tous. Ajoutons, en outre, que les doux manuscrits de la même époque parvenus jusqu'à nous, le Sinailicus el le Vuticatius, ne présentent à cet endroit aucune hésitation ni aucune variante. (Inutile d’ajouter que tous les manuscrits de l’Evangile, toutes les versions connues, rapportent intégralement le Tu es Petrus. Comme ce sont des textes copiés depuis le quatrième siècle, on nous objecterait qu’ils reproduisent l’interpolation précédemment opérée. Nous devons donc accepter la discussion pour la période antérieure à la plupart de nos manuscrits actuels. Remarquons, du moins qu’en un pareil état des textes la présomption est pour l’authenticité réelle, et que la charge de la preuve incombe tout entière aux partisans de l’interpolation). Et l’on pourra estimera sa juste valeur l’alBrmation de M. Reseh : qu’au quatrième siècle, la formule du Ta es Petrus demeurait flottante et incertaine.

A vrai dire, le texte était indubitablement et uniformément reçu au temps d’Eusèbe. Si l’on prétend, qu’il y ait eu interpolation dans les manuscrits grecs, c’est à une date antérieure qu’on devra en marquer les traces et en expliquer le succès.

Au troisième siècle, nous pourrions relever au moins vingt-cinq citations du Tu es Petrus. Mais Irouvera-t-on quelque témoignage similaire dans la littérature chrétienne du deuxième siècle ?

Oui, d’abord, si le texte copie, partiellement traduit par M. Eugène RÉviLLOUT, est bien identique â VEiuingile des douze updtres, qui circulait dès le deuxième siècle. Ce remarqual)le document contient une paraphrase lyrique de toute la narration de Matthieu. Pierre, miraculeusement éclairé d’en haut, proclame que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant. Et Jésus récompense la foi du disciple par la plus glorieuse des prérogatives. Citons, au moins, l'évocation directe du Tues Petrus : « Amenti [enfer], prends deuil aujourd’hui, ainsi que tes puissances, car j’ai promis à Pierre un testament éternel ; parce que ye bâtirai sur lui mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. > (L’Evangile des douze apôtres récemment découvert, dans la Revue biblique, 1904, t. I, de la nouvelle série, p. 323)

La valeur de l’argument reste néanmoins conditionnelle : si le texte en question est réellement VEvangile des douze apôtres. Mais il est un autre écrit dont l’attribution au deuxième siècle n’est l’objet d’aucun doute : c’est le Dia Tessaron deTATiEN. La formule intégrale du Tu es Petrus était-elle donc contenue, oui ou non, dans cette Concordance des quatre évangélisles'.' Voilà le problème décisif pour le deuxième siècle.

Tout le monde s’accorde à retrouver chez saint EpHRiî.M le texte évangélique du Dia Tessarân. Bien que le diacred’Edesse écrivitseulemenlau quatrième siècle, on n’a pas à craindre que la rédaction du Tu es Pntrus lui soit parvenue interpolée ou défigurée. Nous sommes, en ePfet, dans une Eglise de langue syriaque, où ne s’exerce ni l’influence judaïsante, ni l’influence romanisante, qui aurait pu altérer tendancieusement la formule primitive. Nous sommes dans nue Eglise de langue syriaque, où les manuscrits syriaques se transcrivent dépendamment les uns des autres, et n’enregistrent pas les fluctuations (hypothétiques) des manuscrits gréco-romains. Partisans et adversaires de 1 anlhentirité du Tu es Petrus admettent également que saint Ephrem possédait, en substance, le célèbre passage, tel que 'Tatien lui-même, dès le deuxième siècle, l’avait transmis