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PAPAUTE

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ministère ; même, parmi les Douze, il y en avait un qui était le premier, non seulement par la i)riorilé de sa conversion ou l’ardeur de son zèle, mais par une sorte de désignation du Maître, qui avait élé acceptée, et dont les suites se font sentir encore dans l’histoire de la communauté apostolique. C’était là une situation de fait, créée en apparence par les péripéties du ministère galiléen, mais qui, un certain temps avant la Passion, se dessine comme acquise et comme ratifiée par Jésus. » (Alf. Loisy, L’Et’an^ite et l’Eglise, p. 90. Paris, 1902. Iu-16. Cf. Jean Héville, Les Origines de l’épiscopat, p. 89 et 40. Paris, 1894. In-8. — Item, Henri Monnier, Notion de l’apostolat, p. 1311 33 et 142, 143)

Il convient donc d’examiner les formules évangéliques appuyant la primauté de Pierre sur une volonté publique et sur une désignation réelle du Sauveur en personne.

Le texte principal est le Ta es Petras.

II. — Lie texte « Tu es Petrus »

Rappelons, d’abord, l’émouvant récit du premier Evangile.

Aux environs de Césarée de Philippe, Jésus interroge ses disciples : Dans le peuple, que dit-on du Fils de l’homme ? Bien variées sont les conjectures des Juifs. Pour les uns, Jésus est Jean-Baptiste. Pour d’aulres c’est Elle. Pour d’autres encore, c est Jérémie ou tel autre prophète ressuscité. — Mais vous-mêmes, reprend Jésus, que pensez- vous de moi ? — « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », répond immédiatement Simon-Pierre. Alors Jésus récompense la foi de son apôtre : n Tues bienheureux, Simon, lils de Jona : car, ce que tu viens de dire, ce n’est pas la chair et le sang qui te l’a révélé, mais mon Père qui est dans les cieux. El moi, je le dis que tu es Pierre ; et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ; et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. El je te donnerai les clefs du royaume des cieux. Et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux ; et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. » (Maith., xvi, 18, tg).

Au sujet de la promesse qu’on vient de lire, et de la prérogative qu’elle garantit à Pierre, quatre questions doivent être séparément résolues :

I" Ce texte esl-il authentique, et non pas interpolé ?

2° Ce texte est-il historique, et non pas rédactionnel ?


3" Quelle est la signification littérale des paroles ?

If’QneWeesllaLt’aleur démonstrative du même texte ?

1’Le <i Tu es Petrus » est-il « aiitlie/itique », et non pas interpolé 1’— Plusieurs critiques libéraux considèrent cette réponse fameuse de Jésus comme partiellement étrangère au texte primitif de l’Evangile. C’est la phrase : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je liâtiriii mon Eglise ; et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle » (Matth., xvi, 18), qui est surtout révoquée en doute. A vrai dire, le Tu es Petrus ne se trouve pas textuellement cité avant TertuUieu et Origène. Tous les auteurs chrétiens du deuxième siècle ometlent de le transcrire, alors que, cependant, ils relaient les autres paroles du même passage. Bien plus, jusqu’au quatrième siècle, la formule en demeure incertaine, comme le prouvent les notables variantes des citations faites par Eusèbe et par saint Epiphane. Le verset 18 (T’a es Tétras), au moins dans sa teneur actuelle, serait donc une interpolation, et une interpolation visiblement tendancieuse.

M. Adolf Harnack pense retrouver la leçon originale de Matthieu dans le Dia Tessaron deTatien, dont le texte nous serait manifesté principalement par

saint Ephrem : Tu es Pierre, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre toi. n [Die Acta Archelai und dus « Diatessaron » Tatians, p. 149 et 150. Leipzig, 1 883. In-8(7’e.r/e und Untersuchungen, t. l, fasc. 3.)] D’après l’Evangile authentique, Jésus n’aurait donc pas présenté l’apotre Pierre comme le fondement de l’Eglise, et de l’Eglise en tant qu’elle est impérissable,

M. Alf. RtcsH admet ce point de vue, et croit pouvoir fixer, en outre, l’époque et l’origine de l’interpolation. C’est tout à la lin du deuxième siècle, ou au début du troisième, qu’aurait été remanié le texte de la réponse de Jésus à Pierre. La cause du remaniement aurait été, d’une part, l’inlluence judaïsante des écrits pseudocléræntins, et, d’autre part, l’inlluence romanisante du traité De Aleatoribus. En elfet, la notion de l’Eglise fondée, construite sur Pierre, était alors commune aux judaïsants, qui vénéraient en Pierre l’apôtre de la circoncision, et aux romanisants, contemporains du pape Victor, qui croyaient voir en Pierre le prédécesseur des évêques de Rome. Aussercanonische Paratlettexte zu den Evangelien T. II. Zu Matthæus und Marcus, p. 187-196. Leipzig, 18y4. In-S" [Texte und Uritersitch., t. X, fasc. 2].

L’opinion de Resch a été reprise et développée, quant à l’origine romanisante, par un professeur de "Tubingue, M. Julius Grill (/ ?er Primat des Petrus. liine Uulersuchung, p. 61-79. Tubingue, 1904. In-8)

En France M. Henri Monnier s’est prononcé de même pour l’interpolation. Mais il se montre moins catégorique à en restituer la conjecturale histoire. (Notion de l’apostolat (igoS), p. 138-142.)

Tel est également le point de vue d’un jeune docteur, qui adopte et qui parfois dépasse les solutions radicales de M. Holtzmann et de M. LoiSY, sur l’élaboration rédactionnelle des Evangiles synoptiques. (Les Procédés de rédaction des trois premiers éfungélistes. Paris, 1908. In-8). M. Firmin Nicolardot s’abstient d’appliquer sa méthode habituelle au Tu es Petrus, et d’y analyser le travail caractéristique du rédacteur « matlhéen ». Il considère, en elfet, ce texte comme probablement étranger à l’Evangile de Matthieu, et comme devant résulter de quelque insertion ultérieure.

Chez les savants catholiques, l’authencilé du Tu es Petrus a élé remarquablement défendue, surtout contre M. Resch, par le R. P. Knbllru (Petrus als Felsengrund der Kirche, i. L des Stimmen aus Maria-Laach (1896), p. I2g-138, 288-2gg, 3^5-382) ; puis par M. Michihls (l’Origine de l’Episcopat, p. ao-48. Louvain, 1900. In-8) ; par MgrBATiPFOL(/.’£'g’/ise naissante et le Catholicisme, p. ioi-113. Paris, igog. In-12. Excursus A.) ; et par le R. P. Fonck (Tu es Petrus, dans Bihlica 1920, vol. I, fasc. 11, p. 240 à 264).

Sans prétendre à l’inédit, examinons à notre tour tous les arguments qui établiraient l’hypothèse de l’interpolation. Nous suivrons la méthode régressive qui pari du plus récent pour atteindre peu à peu le plus ancien.

Est-il donc exact, en premier lieu, que les notables variantes des citations faites du Tu es Petrus par Eusèbe et par saint Epiphane alleslent qu’au quatrième siècle la formule de ce texte demeurait incertaine ?


M. Resch allègue avec raison trois passages de saint Epiphane [Hæres., xxx, 24 et lvi, 3 (P. G., t. XLI, col. 445 et 998) ; Hæres., Lxx, 11 (P. G., t. XLII, col. 778)] et liuit passages d’EusÈDB [De laudibus Constantini, xvii (/’. G., t. XX, col. 1433).

— Præpar. e^’ang., i, 3 (P. C., t. XXI, col. 33). — Comm. in Psalm., xvii, 15, 16 ; Lix, 11 ; lxvii, 34-36 (P. G., t. XXIII, col. 173, 572, 720). — Comm. in