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PAPAUTÉ

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OIiyiers(.V, ; /c., xiv, 33 ; Mattli., s.-avi. 3-^.— Cf. Luc., XXII, 8, pour le rôle spécial de Pierre el de Jean dans la préparation de la dernière cène), toujours le premier de ces trois privilégiés n’est autre que Pierre.

En certains cas, Pierre tout seul est associé au Maître, en un rang exceptionnel. Lorsque les collecteurs du didrachme veulent s’assurer que Jésus payera l’iinpùl du Temple, c’est Pierre qu’ils interrogent comme le principal des disciples. Et Jésus, après avoir fait entendre un utile enseignement à son apôtre, l’envoie trouver miraculeusement la pièce de monnaie qui acquittera la taxe, pour le Christ et pour Pierre lui-même (Maiih., xvii, a^-î’j).

Durant les séjours à Capharnaiim, Jésus demeure dans la maison de Pierre (Marc, i, 29 ; Mallh., viii, i/i ; Iaic, , , 38). Quelquefois, il prend la barque même de Pierre pour sa chaire d’enseignement, face au peuple groupé sur le rivage (Luc, v, i-/j. Cf. Marc, IV, I ; Mallh., xiii, 1). Il change le nom de Simon, (ils de Jona, en celui de Pierre, avec une intention mystérieuse et chargée de promesses (Marc, jn, 16 ; itfa « /j., X, 2 ; XVI, i^-ig ; L(/c., VI, ! i ; Joan., i, 4a). A travers le récit entier des Évangiles, Pierre joue un rôle prépondérant parmi les c Douze « , et prend souvent la parole au nom de tous (Marc, , x, a8 ; Mallh., xiv, a8 ; xv, 15 ; xviii, 21 ; xix, 27 ; Luc, XII, 41 ; XVIII, 28 ; Joan., vi, 68 ; xiii, 6-io).Malgré son reniement, au cours de la passion, Pierre sera, dans le groupe des apôtres, le premier témoin de la résurrection du Sauveur (Luc, xxiv, 12, 34 ; I Cor., xv, 5).

Bref, nul doute n’est possible sur la prééminence habituelle de Pierre au milieu des « Douze >. Il est bien Vapolre principal, tt/jûtî ? : et l’on désigne à bon droit le collège apostolique par cette formule : « Siinon-Pierreetceux qui l’accompagnaient ; »

2’Le Christ n’a pas exclu toule primauté. — Mais, dira-t-on, cette primauté de Pierre est un simple fait, et ne correspond à aucun droit véritable. Sans parler de la double ancienneté (problématique)d’àge et de vocation, qui a été iilléguée plus haut, le rôle de Pierre ne s’explique-til pas suffisamment déjà par le caractère même de l’apôtre : caractère ardent, généreux, expansif et priræsautier, qui porte Pierre à se jeter en avant, qui lui attire fréquemment des éloges, et qui lui fait exercer quelque ascendant sur le reste des « Douze » ? Inutile donc de supposer une investiture authentique, par laquelle Jésus-Clirist aurait formellement créé Simon-Pierre chef de ses disciples.

Semblable désignation paraîtrait même contredite et exclue par des textes positifs. A trois reprises, d’après l’Évangile, les apôtres discutent pour savoir lequel d’entre eux sera le plus grand, lequel obtiendra la première place dans le royaume à venir. Et Jésus-Christ les réprimande avec force. Aucun, dit-il, parmi les disciples, ne doit prétendre à la domination ; et le plus grand, dans le royaume, sera celui qui aura été le plus humble ; celui qui, par amour de Dieu, se sera fait le serviteur de ses propres frères.

« Le passage (Matlh., xx, 20-28), dansson ensemble, 

apporte de la primauté de Pierre, et généralement de toute autorité ecclésiastique, une négation qu’on ne saurait souhaiter plus nette. » (Ch. Guignebebt, Manuel d’histoire ancienne du christianisme. I^es Origines, p. a31. Paris, 1906. In- 16)

L’acte même d’une contestation entre apôtres sur la primauté suppose qu’aucun des « Douze » n’a authentiquement reçu du Maître les pouvoirs de chef dans le collège apostolique. En outre, la réponse de Jésus, loin d’atlirmer la prérogative de Pierre, se prononce contre l’existence de toute autre primauté que celle du renoncement et de la vertu (Marc., ix, 3a 34 ; X, 35-45 ; Mallh., xviii, i-4 ; xx, 20-28 ; xxiii, 5-ia ; Iaic, xxii, 24-27). Si donc Pierre apparaît comme le personnage le plus en relief de la communauté des « Douze », on doit, semble-t-il, expliquer cet état de fait par le rôle particulier de l’apôtre, et nullement par la volonté du Maître.

En dépit de son apparente simplicité, la solution négative que nous venons de résumer est des plus contestables. Examinons de près le double argument sur lequel on veut l’appuyer : opinion des disciples et réponse de Jésus.

D’abord, l’acte même d’une contestation entre apôtres sur la primauté suppose, dit-on, qu’aucun des

« Douze » n’a authentiquement reçu du Maître les

pouvoirs de chef dans le collège apostolique. Certes, nous n’en disconviendrons nullement. Aussi longtemps que Jésus-Christ demeure sur la terre d’une manière sensible, aucun autre que lui-même ne saurait être le chef de ses disciples. Lui seul est leur Maître et leur Seigneur. L’existence d’une autorité dirigeante parmi les « Douze » ne se conçoit que pour la période qui suivra le départ de Jésus, alors qu’il faudra subvenir à son absence, et jusqu’au jour désiré de son retour glorieux. Mais, pendant la vie mortelle du Christ, aucun apôtre ne setrouve encore le véritable chef de tous les autres, et l’on s’explique la possibilité d’une jalouse contestation entre frères, au sujet d’un pouvoir et d’une investiture à venir.

D’autre part, nous le verrons, la primauléactuelle de Simon-Pierre avait pour origine une désignation du Maître, une promesse de Jésus qui lui garantissait, comme / » < » r « , l’autorité suprêrædansia société des fidèles. Or, le jour même o cettepromesse était devenue explicite et formelle, Simon-Pierre avait, presque aussitôt, mérité la plus terrible des réprimandes : <i Arrière, Satan. Tu m’es un scandale, car tu ne comprends pas les choses de Dieu, mais uniquementeellesdeshommes. » (Malth., i., ’iZ ;.Marc, viii, 33) Plusieurs parmi les « Douze » pouvaient, dès lors, avec leur psychologie quelque peu agreste et enfantine, considérer la grande promesse comme révoquée ; ils pouvaient considérer la succession comme ouverte ; ils pouvaient discuter entre euxsur le principal futur, sans aucunement ignorer que leur Maître efit désigné Pierre.

Et puis, que de choses furent entendues certainement par les apôtres, et néanmoins demeurèrent longtemps incomprises ! Est-il un enseignement plus accentué, dans l’Evangile, que le caractère surnaturel, et non pas temporel et politique, du royaume de Dieu ; ou bien le mystère qui voilerait toujours l’époque de sa glorieuse consommation ? — Cependant, les apôtres avaient si mal compris que, le jour même de l’Ascension, iisposaient à leur Maître cette question déconcertante : « Seigneur, sera-ce bientôt que tu restitueras la royauté [la domination] à Israël ? » (t/.v ^Kai^Eiyv Tû Inpw) (Act., i, 6)

De même, après avoir annoncé la future prérogative de Pierre, Jésus-Christ avait prophétiséde graves catastrophes : " Il faut que le Fils de l’homme soutTre beaucoup : et qu’il soit réprouvé par les anciens et les princes des prêtres et les scribes ; et qu’il soit mis à mort, et qu’après trois jours, il ressuscite. » (Marc, VIII, 31 ; Mallh., xvi, 21 ; Luc, ix, aa) Cette prédiction, les évangélisles la rapportent catégoriquement une seconde fois (Marc, ix, 30 ; Matlh., XVII, 21 ; Luc, ix, 4’i) ; ^t encore une troisième (.1/arc., x, 32-34 ; Matlh., xx, 17-19 ; Luc, xviii, 3 1-33), sans omettre non plus d’autres paroles, fort nombreuses, qui signifient les mêmes choses. — Néanmoins, les disciples comprirent tellement peu, que le scandale de la croix parut l’elTondrement de leur espérance, et que le message de Pâques les trouva