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PANTHÉISME

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principe n’esl-il pas contredit par le mystère de la Sainte Trinité, puisque, selon ce dogme, nous croyons à trois personnes qui ne sont qu’un être ?

U nous fallait soulever, pour être complet, cette difliculté théologique, mais on comprendra que nous ne fassions ici qu’indiquer la solution qu’elle comporte.

Qu’on le remarque bien, dans l’argument contre le panthéisme, nous avons eu soin d'énoncer le principe dont l’objection fait état, en limitant expressément son application aux subsistences absolues. Subsister, disions-nous, quand il s’agit d’une subsistence absolue, c’est avoir un être à soi, exclusif. Or sous cette forme, le principe est évident ; il constitue presque une définition. On en déduit qu’il ne peut y avoir une seule existence pour plusieurs personnes, puisque l'être serait alors à la fois exclusivement jirupre à chacune et commun à toutes, ce qui est contradictoire. Mais les personnes que la Révélation nous enseigne à reconnaître en Dieu sont, de par le même enseignement, des subsistences relatives ; elles sont de pures Uelations. Or comme telles, elles ne revendiquent pas un être propre, un être à part, car, comme telles, elles ne revendiquent pas d'être. Si elles sont réelles, et elles le sont infiniment, si (comme l’on dit) « elles posent de l’absolu », ce n’est pas du tout, en etTet, d’après la doctrine des plus grands théologiens, en vertu de ce qui les constitue Personnes, c’est-à-dire Relations, mais en vertu de leur identité avec la nature divine. Dès lors il n’y a pas contradiction à ce que l’Etre (comme la Nature avec laquelle il s’idenli(ie), soit commun aux trois personnes de la Sainte Trinité : il peut appartenir à toutes, puisqu’il n’est la propriété exclusive d’aucune'.

C. — Le panthéisme et l’orthodoxie

L’incompatibilité radicale, l’opposilion absolue du panthéisme et de l’orthodoxie est une chose évidente. Après tout ce qui a été dit dans le cours de cet article, nous n’avons pas à y insister. Il nous reste seulement à signaler les différents documents dans lesquels le jianthéisme a été expressément condamné par l’Eglise.

1. — Le Syllabus de 1864, n" i (Denzinger-Bannwart, n » 1701), condamne la proposition suivante :

« Nullum suprcmum, sapientissimum, providentissimumqueNumendivinum existitab hacrerura universitate distinctum, et Deus idem est ac rerum natura

et idcirco immutationibus obnoxius, Deusque reapse fit in homine et mundo atque omnia Deus sunt et ipsissimam Dei habent substantiam ; ac una eademque res est Deus cum mundo, ac proinde spiritus cum materia, nécessitas cum libertate, verum cum falso, bonura cum malo et juslum cura injusto. « 

Ce qui est expressément désigné, et donc ce qui est directement condamné, dans ces lignes est la doctrine qu’on entend généralement sous le nom de panthéisme. C’en est la forme la plus répandue et partant la moins savante ; mais par delà celle forme poimlaire, c’est le panthéisme savant lui-même qui, indirectement, est condamné, car la distinction que celui-ci professe plus ou moins explicitement d’admettre entre Dieu et la Nature, n’est pas celle que le Syllabus exige, puisqu’elle laisse place à cette allirmalion que le Syllabus rejette : « omnia Deus sunt ».

2. — Dans le bref <i Eximiam tuam » adressé le 15 jviin iS.'i’j au Cardinal de Geissel sur la doctrine

1. Pour plus de ciéveloppement, voir par ex. Billot, De Deo el uno trino. II, p. 80 sqq., 104 sq. Rome, 1903. Cf. S Thoma » in I D 26, q.2, a. 2.

de Giinther, Pie IX rappelle la doctrine catholique Il de supreraa Dei libertate a quavis necessitale soluta in rébus procreandis » (Denzinger, n" 1656) ; et dans le 5' canon de la 3" session du Concile du Vatican (Denzinger, n" 1805) on lit cet anathème :

« Si quis Deum dixerit non voluntate ab omni necessitale libéra sed tam necessario créasse quam necessario aniat seipsura, A. S. n C’est la condamnation

explicite de la doctrinepanthéistique(Spinoza, Fichte) suivant laquelle l’exislence du monde découle logiquement et par conséquent nécessairement, de celle de Dieu.

3. — Dans le 3* canon de la même session, le Concile du Vatican s’exprime ainsi : « Si quis dixerit unam eaniJemque esse Dei et rerum omnium substantiam vel essentiam, A. S. « (Denzinger. n° 1803.)

Ce canon trouve son commentaire dans le texte de la Constitution dogmatique, laquelle porte ([ueDieu

« cum situna singularis, simplex omnino et incommulabilis snbstantia spiritualis, pracdicandus est

re et essenlia a mundo distinctus, in se et ex se beatissimus, et super omnia quæ præter ipsum snnt ot concipi possunt inelTabiliter excelsus » (Denzinger, n" 1782). Ici, l’aflirmation d’une distinction re et essenlia entre le monde et Dieu a pour résultat de fermer toute échappatoire au panthéisme. Elle implique qu’il ne sullit pas pour être orthodoxe de distinguer deux essences et comme deux natures : l’une, la natura nalurans, qui serait infinie ; l’autre, la natura naturata, qui serait finie ; mais qu’il faut encore distinguer physiquement ces deux natures, en sorte qu’elles fassent réellement deux êtres, — pour autant qu’on peut employer à propos de Dieu et du monde !e nombre « deux ».

4. — Le 4' canon est plus explicite encore : i' Si quis dixerit, res finitas tum corporeas tum spirituales, aut saltem spirituales, e divina snbstantia émanasse aut divinam sulistantiam su.i manifestatione vel evolutione fieri omnia aut denique Deum esse ens universale seu indeCnilum quod sese determinando constituât rerum universitatem in gênera, speeies et individua dislinctam, A. S. » (Denzinger, n' 1804.) Ce canon enferme la condamnation explicite du panthéisme sous les diverses formes que nous avons décrites.

5. — Enfin l’encyclique Pascendi contient à la fois une description détaillée et une condamnation expresse du panthéisme spécifiquement moderniste (immanentisme), c’est-à-dire du panthéisme en tant qu’il se présente comme interprétation de la Vérité catholique.

LITTÉRATUnE

Benedicti de Spinoza Opéra, Edition Van Vloten, 1895, 3 vol. — Olùivr.'s de Spinoza, Trad. Saisset, t. il et III. Charpentier, 1872.

Fichte, Œuvres complètes, éditéesparson fils Emmanuel Hermann Fichte (i 834- 1 846) et Choix des principales œuvres, par Fritz Medious (1900-1913). Lire pour commencer : Sonneniclarer Bericht an dus grossere Publicum liber das eigentliche Wesen der neuesten Philosophie (Dans la petite édition, t. iii, p. 547 et sqq. ; dans la grande édition, t. II, p. 325 sqq.) ; — Ersie Einleitung in die Wissenschaftslehre (Dans la petite édition, t. Ill, p. 1 sqq. ; dans la grande, t.I, p. 420 sqq.). Ces ouvrages n’ont pas été traduits. Passer ensuite aux divers exposés de la Wissenschaftslehre.

Sur Spinoza : Delbos, Le problème moral dans la philosophie de Sjiinoza, Alcan, 1898 ; — l.e Spinozisme (cours professé à la Sorbonne en 1919). Lecène,