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MARIE, MERE DE DIEU

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surtout, de traduire par jeune femme, surtout en ajoutant : mariée ou non. » (Voici les exemples bibliques : Gen., XXIV, 43, Rébecca, cf. ibid., 16 ; Ex., ii, 8, jeune sœur de Moïse ; Ps. lxvii (lxviii), 26, joueuses de tambourin : doivent être présumées vierges, d’après la comparaison avec /er., xxxi, 3 et ludic, XI, 34 ; Cant., i, 3 ; vi, 8 : désigne des vierges, d’après l’antithèse avec les reines et les concubines ; Ps. XLv, I ; 1 Citron., xv, 30 : jeunes chanteuses, même jugement que pour Ps. Lxvii (lxviii), 26 ; Proi’. XXX, 18.19 : texte d’exégèse dillicile, mais qui ne fonde aucune présomption contraire aux conclusions précédentes.)

Aux termes de la prophétie, la jeune mère est destinée à nommer l’enfant, contrairement à l’usage qui réservait ce droit au père : autre indice d’une maternité qui sort du commun. Quant au nom de

l’enfant, il est très remarquable : 7X "13Di^> Dieu avec nous. Ce nom est évidemment plein de sens. Vouloir y trouver l’allirmalion expresse du mystère de l’Incarnation, serait excessif : l’analogie des noms bibliques, même des noms imposés par Uieu, ne nous autorise pas à presser ainsi celui-là. Mais, le mystère étant supposé, qui n’admirerait la singulière aptitude de ce nom à traduire, soit la présence physique du Verbe incarné parmi les enfants des hommes, soit sa présence morale parmi ceux qui recueilleront l’héritage du salut ? Quant à la maternité virginale, fait d’expérience pour la vierge elle-même, elle ne saurait être, pour toute autre personne, qu’objet de foi ; c’est à ce titre qu’elle prendra, au regard des générations à venir, une valeur de signe.

L’oracle s’afîhève en menace : avant la naissance de l’enfant, la terre de Juda sera désolée ; elle n’offrira au nouveau-né qu’une nourriture précaire. [, a peinture de la détresse physique de Juda, lors de la prochaine invasion assyrienne, et celle de la détresse morale du monde à la naissance de l’Emmanuel, se confondent à l’arrière-plan de la prophétie.

Au premier plan, se détache le groupe sauveur, comprenant la Vierge inère et 1 Emmanuel. Comme dans le protévangile, une femme est associée à l’reuvre du salut ; mais l’image se précise : aux dons de la maternité, cette femme alliera les gloires de la virginité.

L’oracle de l’Emmanuel reprend et développe, à l’intention du peuple élu, le dessein manifesté par Dieu dans l’Eden : il annonce distinctement la venue de Dieu au milieu des siens et la vocation de tous les hommes au salut par la foi au Clirisl ; car l’Emmanuel ne viendra pas seulement pour Juda, mais encore pour Israël et pour la Syrie (15-16) : l’universalité des promesses messianiques est un des traits saillants de la prophétie d’Isaïe. Signe de salut pour les croyants, en même temps que pierre de scandale pour les incroyants, l’Emmanuel réunira les restes dispersés d’Israël (Is., viii, 8-10 ; 1315 ; l’elfusion de la grâce divine sera une gloire pour la mère de l’Emmanuel. C’est ce que le prophète annonce encore dans un autre oracle que toute l’antiquité chrétienne a rapporté à la maternité de Marie ; /s., xi, i sqq.

Un rameau sortira de la tige de Jessé,

un rejeton poussera de ses racines ; Sur lui reposera l’Esprit de lahvé,

Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de foi-ce,

Esprit de connaissance et de crainte de lahvé.

En ce jour-là, c’est le [rejeton de] la tige de -lessé

qui se lève comme un étendard pour les peuples ;

C est lui que les nations chercheront et sa demeure sera glorieuse.

A suivre de près la vulgate, on distinguera ici, du rameau sorti de la tige de Jessé, la /leur sortie de ce rameau ; et, avec saint Jkrômk. In Is., 1. IV, P. L., XXIV, 144, on dira que la (leur figure l’Emmanuel, et le rameau la mère de l’Emmanuel. Cependant il est douteux que le texte hébraïque suggère cette distinction : plus vraisemblablement, le prophète a employé deux termes à peu près synonymes, qui tous deux désignent l’Emmanuel en personne. Cela supposé, le rôle de la nière de l’Emmanuel est simplement compris dans le rôle collectif de la tige de Jessé.

Sur la prophétie de l’Emmanuel, voir surtout A. CoNDAMiN, Le livre d’Isaïe, p. ôg-’jS ; J. Corluy, Spicilegium, t. I, p. Sg^-^ai ; A. Duhand, dans l’Université catholique (Lyon), juin 1899.

Parmi les protestants, A. B.Davidson, art. Immanuel, dans fl. S. de Hastings. — F.P. Badham, article dans Tlie Academy, 8 juin 1896, p. 486-487 (recherche, d’après les sources rabbiniques, dans quelle mesure les Juifs avaient le pressentiment d’une naissance miraculeuse de Messie).

Mich., V, 2. 3. — Contemporain d’Isaïe, le prophète Michée célèbre à son tour la maternité promise :

Mais toi, Bethléem d’Eidirala, petit quant k ton rang parmi les clans de Juda, de toi me proviendra [un pi ince] souverain en Israël, et ses origines [dateront] de l’Sge antique, des jours du lointain passé. [lahvé] les livrera donc jusqu’au temps où celle qui doit enfanter, enfantera. ..

Pas plus qu’Isaïe, Michée ne mentionne le père de ce prince à venir ; mais il indique en termes voilés son origine surnaturelle qui devance tous les temps, et fait dater le commencement du salut du jour où la mère enfantera. En attendant cette heure, lahvé laissera libre cours à sa justice.

1er., XXXI, 20-22. — Ce texte est communément appliqué à Marie par les interprètes modernes, qui croient y lire la même intention divine déjà exprimée par Isaïe : instruire les enfants d’Israël, par l’épreuve, jusqu’au jour de la miséricorde. Ce jourlà, un enfant sera conçu : on nous le promet en termes d’une majesté singulière ; manifestement il ne s’agit pas d’une conceplion comme les autres, mais d’un acte extraordinaire de la puissance divine, principe d’un ordre de choses nouveau.

Plante tes signaux

Dresse tes pieux ;

Tourne ton cœur vers la route

Vers le chemin par lequel tu es venue ;

Reviens, vierge d’Israël,

PiCviens ici vers tes villes.

Jusques à quand seras-lu hésitante,

Fille égarée ?

Car lahvé crée une nouveauté sur la terre :

Une femme entourera un homme fort.

(Traduction de R. M. de la Broise, La Sainte Vierge, p. lH.)

Il faut avouer que cette exégèse ne va pas sans de réelles difficultés. La version des Septante ne présente pas d’allusion perceptible à la maternité de Marie. L’allusion est inconnue des Pères grecs (qui dépendent de la version des Septante), des Pères syriaques, et des Pères latins, sauf saint Jérôme. Saint Atuanase, qui s’attache ici à la version d’Aquila, applique à Marie les mots : « Le Seigneur a fait une chose nouvelle dans la femme », Eztits Kjptm xxniv’fj Tf, 6ri’i.i.irj.. Expos, fidei, iii, P. G., XXV, 205 A ; Sermo maiur de fide, xxii, P. G., XXVI, 1276 A. Cette versionsupposemanifestement un texte hébraïque différent du nôtre. Saint Epurem interprète :