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PANTHEISME

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l’idée d'être soit une comme on le dit. Elle est au contraire, en vérité, simpliciler multiple : il y a autant d’idées d'être que d'êtres et d’apparences d'êtres. L’unité que l’idée semble avoir, et qu’elle a en réalité quand nous pensons par elle plusieurs êtres, est une pure unité dinalof ; ie, c’est-à-dire une unité proportionnelle (Voir la Théorie de l’Analogie, si importante pour la réfutation complète du panthéisme, à l’article Diku [P. Gabrigou-Lagbange], col. I0I2 à 1016 ; cf. aussi article Agnosticismb [P. Ghossat], col. 38 sqq.)'.

Second argument

Exposé. — Il est impossible de concevoir Dieu sans le monde. Car si Dieu est, il est conscient ; or nul être ne saurait être conscient, c’est-à-dire se saisir comme soi, sans se distinguer d’un autre, et même s’y opposer. Il n’y a nulle part de lumière si nulle part il n’y a de l’ombre. Pour se poser, il faut s’opposer. La réflexion ne peut s’opérer qu’en vertu d’un choc en retour ; c’est en étant ramené à soi et comme rejeté sur soi après une rencontre avec l’Autre, que l’esprit peut arriver à s’atteindre. Immobile et simplement en soi, l’esprit serait inconscient. Le non-moi est nécessaire au moi pour qu’il se saisisse comme soi. Mais de là il suit que, s’il est absurde de concevoir Dieu comme ayant été à un certain moment inconscient, il est absurde de le concevoir comme ayant été à un moment sans le monde. Le monde est sa contrepartie nécessaire, la condition même de son existence. —.près cela, si l’on veut dire que le monde émane de Dieu, on le peut, mais à condition de signifier par là qu’il en résulte, non comme une création temporelle, mais comme une suite logique, essentielle ; ce qui suffit au panthéisme.

Réfutation. — Cet argument repose sur une thèse absolument fausse, celle qui fait de l’existence d’un non-moi une condition d’existence pour le moi. Sans doute, et c’est là ce qui fait l’apparente force de la preuve, la réilexion chez nous ne s'éveille qu'à la suite d’un contraste, d’une opposition ; elle est repliement et suppose au moins un certain effort d’expansion, une initiative contrariée. Ce sont là desdonnées que la psychologie moderne a mises en bonne lumière et que nous ne songeons pas à rejeter. — Mais nous ne sommes pas pur esprit, el les conditions de l'éveil mental, les conditions de lo conscience chez une intelligence comme la notre, ne peuvent être légitimement regardées comme les conditions de la conscience en général.

La véritable manière d’envisager les choses est exactement inverse. A se placer au point de vue de l’esprit, il n’y a pas à expliquer par un recours à quoi que ce soit d’autre que lui la conscience qu’il a de soi : elle se déduit immédiatement de ce qu’il est. L’esprit, étant simple par nature, est complètement et parfaitement identique à lui-même, à l’inverse du corps dont une partie n’est pas l’autre ; or c’est tout un, de dire que l’esprit est identique à lui-même, qu’il est en soi, et de dire qu’il es.i pour soi '.

— Qu’est-ce en effet que connaître ? — C’est posséder en soi l’intelligible comme tel. Or, qui possède mieux l’intelligible, que ce qui, étant soimême intelligible, n’a rien d’interposé entre soi et soi, mais est parfaitement soi-même ? — Ainsi

1. Nous traitons nous-nième cette question dans le travail où nous reprenons, avec plus de (iéveloppements. lo sujet de cet article. Voir Pnnthéisme. Beaiicliesue, 1922.

2. c( Redire ad essentinm snara nîbil aliud est quum rem subsi stère in ^eipsa. Forma eni 01, in quantum perficit materiam dando ci esse, qnodani modo supra ipsam eflunditur ; in quantum vero in se ipsa habet tsse, in se ipsam redit. »

l’Esprit, tout esprit en tant que tel, est conscient d soi. — Dès lors, s il y a un problème, il est exacti ment inverse de celui que se proposait le panthéisme étant donné Vtaçril humain, expliquer comment il fait qu’il n’ait pas toujours et immédiatement cor science de soi. — C’est pour expliquer V inconscienc chez un moi spirituel, qu’il faut recourir à un nor moi, à quelque chose du moins qui s’oppose l’esprit… En l’espèce, il ne seraitpas bien malaisé d montrer que, si l'àme humaine est naturellemer endormie, si elle a besoin d'être éveillée à la con : science d’elle-même, c’est parce que, à la différence d l’esprit pur, elle n’est pas complètement et parfaite i ment en soi, étant dans la matière et pour 1 1 matière.

Troisième argument

Exposé. — L’esprit infini ne peut, Justement parc I qu’il est infini, s'épuiser lui-même en se eonnaissani force est donc de le concevoirou comme progressai indéfiniment dans la conscience qu’il a de soi, o comme prenant sur lui-même une multitude infini de vues partielles. Si l’on choisit la première hypc thèse, tout invite à voir dans l'évolution de noti univers l'évolution même de la conscience divine on a de notre monde toujours en travail une vv intelligible dès qu’on y reconnaît l’effort d’un Die qui cherche indéfiniment à s'égaler ; le Multiph qui est l’apparence, est rendu compréhensible, de qu’on y voit l’expression développée de l’Un, qi est la réalité. — Si l’on opte pour la second hypothèse, on obtient une explication très claire d l’existence de moi multiples ; un moi individut n’est rien d’autre que l’Esprit en tant qu’il pren partiellement conscience de ce qu’il contient l’homme est la forme sous laquelle Dieu se connaîl Dans les deux cas (et ils ne sont i)as nccessairemen distincts), c’est le panthéisme.

Réfutation. — Un esprit qui n’a pas de soi-mêm une conscience immobile, qui doit se chercher, bie plus, qui est condamné à ne se jamais trouver com plètement, un tel esprit, essentiellement entaché d

« puissance », ne peut absolument pas être ce qu’o ; 

appelle un esprit infini. Un esprit infini est un espri parfait, ou, ce qui revient au même, un Acte pur aucun progrès n’est intelligible dans ce qui n’es qu’Acte.

Si l’esprit parfait ne pouvait s'épuiser d’un coupei se connaissant, il ne faudrait pas, même alors, lu accorder du temps pour le faire, ni chercher ui remède à son état : il vaudrait mieux déclarer qu^ le concept d’esprit parfait est un concept.contradic toire. Mais on ne le peut. En vérité l’esprit inlin n’a pas de peine à se comprendre, car il est simple et son acte de connaissance <|Ui est lui-même, es nécessairement simple comme lui. L’infinité de perfection n’est pas l’infinité de quantité : quand on c compris cela, de l’argument dont nous parlons, il ne reste rien.

Il faut cependant prévoir une instance. Le panthéiste dira : en argumentant contre moi commt vous le faites, vous m’interprétez d’une manière sim pliste. Loin de moi la pensée de mettrede la ûnitudf au cœur de l’infini, de la puissance dans l’Acte pur mais vous admettez vous-même, sans croire voiii contredire, que l’Infini a pu, en Jésus-Christ, se soumettre à un développement temporel, prendre de soi-même une connaissance successive ; or, tout ce que je dis, c’est que l’incarnation de Dieu, non dans un homme mais dans l’homme, est essentielle à Dieu, est pour lui une nécessité, comme, selon vous, c’est une nécessité pour le Père d’engendrer le "Verbe…