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PANTHEISME

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choses sera déterminé, non à les blâmer, mais à les méseslimer ; ilsont (les natures d’esclaves, puisqu’ils subissent un autre attrait que celui tle la raison.

On le voit, si le panthéisme échappe en morale à la conlrailiction, par trop forte pour être vraisemblable. Je vouloir commander à qui ne peut obrir, ce n’est ([u’en transformant radicalement la conception même delà morale. Sa morale n’en est pas une. Nous ne dir(ms donc pas : le panthéisme se détruit lui-même parce que, en contradiction avec ses principes, il enseigne une morale ; mais nous dirons : il se détruit, parce qu’il détruit la morale.

Sa relation avec la Religion. — Le modernisme immanentiste. — Que de la thèse essentielle du panthéisme on puisse déduire une conception des rapports de l’homme avec Dieu et, en ce sens, une religion, rien d'étonnant ; mais celle religion doit forcément, on peut en être sûr a priori, èlre radicalement dilTcrente de la religion chrétienne, être totalement incompatible avec elle. — Un a pourtant fait, ces derniers temps, un elTort immense pour exposer la religion du panthéisme avec les formules de la religion chrétienne, on s’est livré à un travail de re-interprélation des dogmes, on a transposé et transformé les vérités de foi… Le résultat de cette laborieuse falsification a été une contre-façon blasphématoire de la religion révélée : et c’est le modernisme, c’est l’immanentisme.

Dieu, selon cette conception, est immanent à l’homme, non pas en ce sens qu’il lui donne d'être et d’agir, ce qui serait très orthodoxe, mais en ce sens qu’il est livi-même la substance et l’activité de l’homme. Nos pensées, suivant le modernisme, ne sont pas nôtres, ou elles ne le sont que dans le monde des apparences ; elles procèdent d’une source subîonscienle, elles viennent de notre Moi profond, qui est le Moi divin. — Par ailleurs Dieu, en nous, ne fait pas que disperser sa pensée à travers le prisme du temps, il cherche, malgré l’obstacle qu’il s’est donné, à se saisir lui-même comme Dieu, et, autant que possible, à s’expliquer comme tel lui-même à lui-même. Ce travail de Dieu en nous, cet elTorl de la divinité pour s’exprimer par nous est ce que, suivant l’immanentisme, on doit appeler la Révélation. Subconsciente la plupart du temps, éloufTée et comme opprimée par la mase de concepts ou d’images qu’elle doit soulever pour se faire jour, elle réussit parfois à faire irruption dans la conscience ; l'àræ alors se sent envahie par un Ilot de pensées dont elle ignore la source, elle a l’impression que ce n’est pas elle qui pense, mais qu’on pense en elle et par elle… c’est l’inspiration proj’hétique.

"Tout homme, d’après le Modernisme, porte en lui-même la Révélation ; mais ce n’est pas en tout homme qu’elle devient consciente ; et quand elle est devenue consciente, ce n’est pas en tout homme qu’elle parvient à se traduire assez pour devenir communicable. Un homme plus que tous a laissé à travers soi transparaître le Dieu, c’est Jésus-Christ. — Dieu, il l'était, mais comme l’est chacun de nous ; seulement nous le sommes sans le savoir, il l’a été en le sachant. Le message divin, il ne l’a point gardé pour lui, il a interprété à l’aide de symboles, d’images, d’allégories, l’Expérience dont il était le bénéliciaire. La valeur de son enseignement tient à ce qu’il exprime cette Kxpérience : voilà pourquoi il doit rester lettre morte pour qui ne porte pas en soi de quoi le comprendre et l’interpréter ; mais pourquoi aussi il est éminemment évocateur d’expériences, analoguesà celle dont il procède.

A raison de sa richesse unique, transcendante, la Révélation du Christ a été reconnue par un groupe

1 d’hommes pour le type et la norme de toute Révélation ; on a consacré, canonisé, les formes sous lesquelles elle s’est produite : ce qui a créé une orthodoxie. Les expressions qui ont servi à traduire la Révélation par excellence q^l dès lors, aux yeux de ce groupe (l’Eglise), constitué le critère de toutes les révélations ultérieures. C’est en vériliant qu’elles peuvent se couler sans effort dans le moule des formules certainement inspirées, que les révélations privées s’assurent d'être véritables Révélatious. Ainsi, du point de vue personnel, l’expérience, que le modernisme appelle mystique, celle expérience est tout : les mots qui la traduisent ne sont rien : niais du point de vue social, et par conséquent religieux, ce sont les mots qui importent, car ils restent le seul garant de l’authenticité des Révélations et de leur accord. Qui a émancipé l’esprit se doit d'être un conservateur intransigeant de la lettre.

Deuxième Partie : RÉFUTATION DU PANTHÉISME

A. — Réfutation de l’argumentation panthéistique

L’argumentation panthéistique, dépouillée de ce qu’elle doit chez les philosophes à l’esprit de système, et traduite dans la langue de tout le monde, peut se ramener à quelques chefs. Elle consiste en un certain nombre de raisonnements élémentaires qu’il nous sullira d’exposer et de réfuter pour faire apparaître sur quels fondements illusoires se dresse le panthéisme.

Premier argument

Exposé — Il est impossible de concevoir l'être comme multiple, car lorsqu’on a dit : « l'être est », on a tout dit ; et comme il n’y a pas de milieu entre l'être et le non-ctre, il faut que cela même qui semble, en raison de sa multiplicité, distinct de l'être, soit l'être ou ne soit pas. — Ou encore : Posé qu’il n’y a qu’une idée d'être, c.-àd. posé Vanité à tous égards de celle idée, il s’ensuit son unicité. Qu’est-ce qui multiplierait l'être ? On conçoit que la matière prime multiplie la forme, car elle lui apporte quelque chose ; mais à l'être on ne peut rien ajouter qui ne soit luimême.

Réfutation. — Nous avons cherché à donner à l’argument panthéistique toute sa force ; c’est malgré nous, si sa faiblesse éclate aux yeux. Dire qu’en face de l'être pur et simple il n’y a que le non-être, c’est poser arbitrairement l’unicité de l'être, et la poser par simple affirmalion, non par raison ; car c’est la question, de savoir s’il faut tellement séparer l'être et le non-être qu’ils ne puissent entrer en composition. S’il répugnait à l’esprit de penser l'être autrement que comme être, le non-être serait en effet exclu délînitivement de l'être. Mais s’il est possible, comme déjà le voulait Platon, de mélanger l'être et le non-être, de dire d’un être qu’il est ceci et qu'17 n’est pas cela, l’alternative qu’on prétend nous imposer, ou d’identiher purement et simplement le multiple à l'être, ou de le reléguer au néant, cette alternative est illusoire. Il y a un moyen terme : en face de l'être qui est purement et simplement, il y a place pour l'être t]ui est et qui n’est pas, c’est-àdire pour le Fini.

Aussi bien, nous concédons volontiers pour notre part, et bien que cela fasse discussion dans l’Ecole, que si l’on admet Vanité à tous égards de l’idée d'être, il faut admettre son unicité. Car si l’idée d'être est réellement et simplement une, elle est en effet immultipliable. Mais ce que nous nions absolument, et ce qu’on ne peut prouver, c’est que