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PANTHÉISME

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tous les éléments qui peuvent faire comprendre la nature, le sens exact, de l’idéalisme absolu ; en même temps, son caractère nettement panthëistique doit éclater aux yeux. Suivre l’idéalisme dialectique dans sa déduction n’ajouterait rien à ce que nous avons besoin de savoir'.

g. Résumé. L’essence de l’idéalisme absolu. — Il nous reste, pour terminer cet exposé délibérément circonscrit, à en résumer brièvement les idées essentielles :

L’idéalisme, tel du moins qu’il nous apparaît, se présente avec un but nettement délini : établir qu’au moins en un sens le monde est Dieu, en établissant que poser Dieu, c’est nécessairement poser le monde. — Son point de départ est Dieu même en tant qu’Esprit, Action absolue. Unité parfaite, confusément présent à notre pensée ; — sa méthode est de montrer que l’Esprit pense nécessairement le monde, et par là même nécessairement le produit en soi ; — son procédé, de se substituer à l’Esprit et de refaire à partir de lui, a priori et en idée, ce qu’il est censé faire réellement et nécessairement.

Le procédé de l’idéalisme acquiert un sens, du fait qu’on pose en hypothèse l’identité de notre esprit et de l’Esprit, par conséquent de notre activité logique et de son activité productrice ; et l’hypothèse à son tour doit acquérir une vérité, du fait que le procédé réussit, que l’a jiriori rejoint l’a posteriori, et que des deux activités supposées foncièrement identiques les résultats, en elîet, coïncident.

Le Panthéisme comme thèse, démontré jiar le succès d’une déduction fondée sur le Panthéisme comme hypothèse : en ces quelques mots tient, selon nous, l’essence de l’Idéalisme absolu.

B. — Le panthéisme en général

Sa nature. Résumé de ce qui précède — Quelque forme qu’il alfecte, lorsqu’il cherche à se produire comme doctrine, le panthéisme philosophique consiste toujours en l’affirmation de deux thèses essentielles dont l’explication même varie à peine d’un système à l’autre : Dieu et le monde sont réellement distincts connue natures, il ne sont pas réellement distincts comme êtres. — Pour le réalisme spinoziste, il y a vraiment deux natures, la natura naturans ou nature incréée, et la nalura naturala ou nature créée. Dieu est en soi et il est en nous, il existe comme indépendant et il existe comme incarné ; mais son incarnation dans le monde qu’il crée est rigoureusement nécessaire ; cela, en un double sens : d’abord hypothétiquement, parce que, selon Spinoza, si Dieu crée, il doit assumer ce qu’il crée, rien ne pouvant subsister que dans et par l’Etre ; ensuite absolument, parce qu’il ne peut pas plus dépendre de Dieu que le monde existe ou non, qu’il ne dépend des prémisses d’un syllogisme, qu’en sorte ou non leur conclusion.

Pour l’idéalisme allemand, qui ramène toute nature àla pensée ou, comme nous dirions plutôt, à la connaissance, Dieu est la Pensée qui pense, le monde est la Pensée pensée. Il n’y a qu’une Pensée, éternelle, infinie mais cette pensée ne se saisit pas immédiatement comme telle ; incapable de s'épuiser ellemême d’un coup, elle multiplie les réflexions partielles d’elle-même sur elle-même, et se produit ainsi, autant de fois, comme conscience. Nous nais 1. Il doit être en effet apparu sulBsanimeDt. au cours de cet exposé et si l’on se reporle aui notes, que quoi qu’il eu soit de la manièie dont l’idéalisme « xécute ou s’efforce d’exécuter son programme, il a déjà dans son but, dans ses posInlaU. dans sa méthode, de quoi le faire juger — et condamner.

sons quand la Pensée se réfracte et se brise ; nous sommes cette Pensée même, en tant qu’elle ne se comprend que partiellement. Ainsi, distincts les uns des autres dans la mesure même où nous sommes constitués par une connaissance exclusive, telle qu’est la connaissance sensible avec ses points de vue différents, nous sommes un et identiques dans la mesure oii, par la raison, chacun de nous pense ce qui est pensé par tous : comprendre que 2 et 2 font /( et eiunprendre qu’on le comprend, c’est (toujours d’après le panthéisuie) au-dessus du temps et de l’espace se poser et se saisir comme Pensée une en soi et une en tous.

Sa relation avec la morale. — A première vue, il doit sembler que le panthéisme, en niant la responsabililé individuelle, en introduisant partout le déterminisme, rende superflue et même contradictoire la tentative d’instituer une morale. En fait, les panthéistes, Spinoza en têle, se sont préoccupés de formuler une règle des mœurs. Ils déduisent de l’identité même de l’homme avec Dieu des principes de conduite pour l’homme ; ils disent, par exemple :

« Ce que l’homme est en réalité, il doit tâcher de l'être

aussi en apparence ; abolissant par le renoncement, l’abnégation, la charité, ce qui le constitue à part des autres, chacun doit s’efforcer de s’idenlilier à tous, afin que, de plus en plus, la multiplicilé des phénomènes reflète l’unité de l'être. »

Nous n’avons pas à exposer les morales inventées parle panthéisme. Que ces moralesprésentent beaucoup d’analogies avec celle que prêche la christianisme, cela peut expliquer la séduction qu’elles exercent sur des âmes fjéncreuses ; il n’y a rien là qui puisse accréditer le panthéisme : on sait que de prémisses fausses on peut Icgitimementconclure des propositions vraies. — Le parallélisme apparent des deux morales, panthéistique et chrétienne, s’explique d’ailleurs facilement : du point de i' »e des conséquences et de l’interprétation pratique, il n’y a pas grande différence entre ces deux affirmations que pourtant sépare un monde : l’homme doit faire le dieu (principe de la morale panthéistique), l’homme doit imiterDieu (principe de la morale chrétienne).

Ce que nous voulons seulement noter ici, c’est la transposition radicale que le panthéisme est obligé de faire subir à la notion de morale, pour lui donner un sens. Il est clair que, le déterminisme étant posé, il devient impossible de parler d’une morale impérative. Proposer aux hommes un rfeioir, faire appel à leur bonne volonté, comme s’il dépendait d’eux d'être bons ou mauvais, c’est là ce qui est interdit au panthéiste. A la morale impérative il est dès lors amené à substituer une morale purement normative. Désormais, ce dont il s’agit, c’est uniquement de définir ce qui est conforme ou non conforme à la raison. Faire connaître l’idéal et, par l’intermédiaire de l’idéal, agir sur les volontés comme on agit sur un mobile, tel est le but de Spinoza, quand il rédige son Ethique. Ce faisant, il reconnaît deux fois l’existence du déterminisme, d’abord en s’avouant luimême déterminé à écrire ce qu’il écrit pour le plus grand bien de ses semblables ; ensuite, en escomptant le déterminisme même pour les entraîner du côté de la raison. Ceux qui seront déterminés par l’idéal, c’est-à-dire ceux que l'éthique de Spinoza aura convaincus, seront heureux, et s’ils comprennent adéquatement cette éthique, ils seront même déterminés à s’estimer heureux. Les autres, sur qui le Bien est sans efficace, ne peuvent être tenus pour responsables de leur résistance, on ne doit pas les blâmer, mais on peut les mésestimer. Ou plutôt : quiconque comprend les véritables rapports des