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PANTHEISME

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du multiple sous toutes ses formes. — De là il suit que c’est une grave erreur d’interprétation de faire intervenir le temps dans le procès dialectique, connue si l’ordre de déduction était un ordre de genèse ; la logique, une histoire ; et l’Idéalisme, une cosmogonie. Uans les Uauteursmétaphysiques où se place l’idéalisme, le temps n’existe pas : on est au-dessus de lui. Cesi en descendant que la dialectique, en cours de route, le rencontrera, c’est-à-dire l’engendrera logiquement et à sa place, comme un des éléments du Tout.

^. l’oint de départ de la Dialectique. — Poursuivons : il faut que le premier objet que s’assigne notre esprit ne soit pas différent du premier objet qu’a eu l’Esprit : autrement les deux activités auraient beau être foncièrement identiques et également nécessaires, leur développement (si l’on peut dire) ne coïnciderait pas. Quel sera-t-il donc ?

On peut établir par trois voies différentes et dont a convergence est déjà significative, que ce premier )bjet ne peut être rien d’autre que l’Esprit lui-même.

1. — D’abord, l’essence même de notre entreprise ionsistant à essayer de rattacher l’Univers à l’Esprit, le rejoindre l’Univers à partir de l’Esprit, comment 'Esprit pourrait t-il ne pas être notre premier objet ?

2. — Ensuite, notre premier objet, celui dont la considération doit nous amener à poser tous les autres, le pouvant lui-même être posé en vertu d’un autre, loit être un absolu. Autrement nous aurions au >oint de départ de la déduclion un principe qui, levant être expliqué et ne l'étant pas, serait encore m fait, un pur fait, un donné sans donnant, quelque hose d’iniiitelligé ; toute la déduction en serait irrénédiablement viciée. Mais être un absolu, c’est ne élever de rien, être posé en vertu de soi, être posé lar soi. Or telle est la délinition même, l’essence atime de l’Esprit. Nous allons y revenir.

3. — Enfin, l’objet premier de notre esprit ne peut, lous l’avons vu, être autre que l’objet premier de l’Esirit. Or l’Esprit étant par hypothèse ce qui est au prinipe de tout, l’origine à la fois effective et dialectique, 'origine en soi et l’origine pour nous, de l’Univers, 1 ne saurait avoir d’autre premier objet que luiaèrae. C’est nécessairement en fonction de soi qu’il lose nécessairement le reste.

8. L Esprit. — Les raisonnements que nous venons le fekire nous fixent un point de départ : ils ne nous e donnent pas. Nous savons que la dialectique doit larlir de l’Esprit, mais encore faut-il avoir atteint Esprit pour en partir, et ce n’est certes pas dans exiiérience qu’il doit tout entière fonder, que nous louvons espérer le saisir.

Parsa nature il ne relève que d’une intuition, mais l’une intuition pure et intellecluelle. Ivant était fort 'pposé, semble-t-il, à toute intuition de ce genre, nais ce n’est qu’en apparence. L’intuition intellecuelle qu’il repoussait était une intuition séparée, et (ui fût censée porter sur un être.. Or, une telle inuition est, en effet, impossible ; nous n’avons pas de onnaissance objective qui soit pure d'éléments senibles, et aucun être ne nous est donné que dans et )ar l’expérience, c’est-à-dire comme une chose. Mais ien n’empêche de concevoir une intuition inlellecuelle qui, d’une part, ferait corps avec l’intuition ensible, en serait inséparable, n’en pourrait être légagée que par abstraction, et qui, d’autre part, ne lorterait pas sur un objet, sur un être, mais sur m acte.

Le kantisme est si peu hostile à une intuition de e genre qu’il en suppose partout l’existence. Pour le parler point de l’Analytique transcendantale qui » sl inintelligible sans elle, n’est-ce pas dans l’intuition

d’un acte absolu que consiste pour Kant l’expérience du Devoir ? On ne fait qu’expliciter la doctrine de la Critique en disant que, par la conscience de l’impératif moral, nous saisissons confusément, et projetée d’ailleurs sous la forme d’un idéal à réaliser, l’action catégorique et absolue qui ne pose pas un objet, mais se pose elle-même. Or nous savons que tel est l’Esprit. On arrive au même résultat par une autre voie.

Noua pensons l’Esprit, car nous pensonsune pensée qui se pense, un sujet qui est son objet. Si nous n’arrivons pas à surmonter la dualité de la pensée pensante et pensée, ce n’est pas que l’unité de l’Esprit nous échappe totalemeut, c’est que notre pensée est finie ; de là vient qu’ayant toujours besoin d’un objet à quoi s’opposer, elle le suscite dans l’effort même qu’elle fait pour se dépasser ; le sujet n’est plus luimême, il est objet quand il s’est atteint La pensée

de la pensée, unité parfaite du sujet et de l’objet, est pour nous une limite, limite indéfiniment reculante, mais qui n’est telle que parce qu’elle est d’abord un principe ; pour que la Pensée se cherche en nous, il faut qu’elle se soit trouvée en soi ; notre effort même pour nous dépasser témoigne que l’idéal nous est immanent : nous connaissons l’Unité absolue puisque nous y tendons.

Enfin il y a une manière plus rigoureuse encore et plus technique de mettre en évidence le fait que nous portons en nous l’idée, et l’idée véritable, de l’Esprit.

Pour manifester ce que recèle en soi toute pensée, partons d’une proposition quelconque, mais absolumentcertaine, indiscutée et indiscutable ; et demandons-lui « le nous livrer, par une abstraction proo-ressive qui la vide autant qu’il est possible de le faire de tout contenu déterminé, la vérité la plus générale qu’elle enferme, celle qu’enferme par conséquent toute proposition.

Pour abréger, partons de cette proposition déjà très épurée et que tout le monde accorde : A est A. — Entendons-nous bien : nous ne savons rien de A, et nous ne nous en préoccupons pas. Ce n’est qu’un symbole. Nous disons seulement que A est A, sans affirmer aucunement que A soit ou ne soit pas. Ce qui est posé par cette vérité, au degré d’abstraction où nous la prenons, ce n’est donc pas A, mais seulement une certaine relation conditionnelle en vertu de laquelle il apparaît comme de toute évidence et nécessité que 5/ A est A, il est A. — La vérité est cette position conditionnelle elle-même. Uous sommes déjà loin de A etnous n’avons plus à nous en occuper. Son rôle est fini.

Considérons maintenant cette position conditionnelle ». Elle est elle-même — et c’est cela qui est remarquable — absolument posée. Elle ne dépend pas et ne peut pas dépendre d’une autre, elle est à elle-même sa propre vérité, elle est position absolue, auto-position. Si on demande en edei pourquoi A est A s’il est A, il n’y a qu’une réponse possible : parce que s’il est A, il est A. — Ainsi cette vérité se pose et se garantit elle-même. Mais une vérité qui se pose et s’engendre elle-même, n’estellej)as comme le fantôme ou la projection logique de ce qu’on appelle parfois la « Vérité subsistante », c’est-à-dire l’Esprit ?

Ainsi dans n’importe quelle proposition vraie nous voyons se profiler l’ombre de l’Esprit. C’est quand, à force d’abstraire, nous avons vidé de tout contenu l’une quelconque de nos vérités, que se manifeste à nous la Vérité pure et simple, on plutôt la vérité de la vérité, c’est-à-dire l’Esprit. Quiconque pense et tire au clair ce qu’il pense, saisit par là même qu’il pense l’Esprit.

Au point où nous sommes arrivés, nous possédons